Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
M

madrigal (suite)

 E. H. Fellowes, The English Madrigal Composers (Oxford, 1921 ; 2e éd., Londres, 1948). / A. von Königslöw, Die italienischen Madrigalisten des Trecento (Wurtzbourg, 1940). / A. Einstein, The Italian Madrigal (Princeton, 1949). / A. Obertello, Madrigali italiani in Inghilterra (Milan, 1949). / J. Kerman, The Elizabethan Madrigal (New York, 1962).

Maeterlinck (Maurice)

Écrivain belge d’expression française (Gand 1862 - Nice 1949).


Né dans une famille bourgeoise, Maurice Maeterlinck fit ses études dans un collège religieux de sa ville natale, puis à la faculté de droit de l’université catholique de Louvain, où Verhaeren* l’avait précédé et où se manifestait alors une effervescence qui fut pour beaucoup dans la floraison de la littérature de langue française en Belgique. Sa phase juvénile aboutit en 1889 à la publication des poèmes symbolistes des Serres chaudes. Son premier drame, la Princesse Maleine (1889), est révélé au public français par un retentissant article d’Octave Mirbeau. Suivront, en 1890, l’Intruse, les Aveugles, puis, en 1892, Pelléas et Mélisande (mis en musique par Claude Debussy*) et, 1894, la Mort de Tintagiles. En 1896, le Trésor des humbles marque le passage de l’écrivain au genre de l’essai philosophico-moral, lequel va prendre la première place dans sa création avec la Sagesse et la Destinée (1898), la Vie des abeilles (1901), puis le Temple enseveli (1902), le Double Jardin (1904), l’Intelligence des fleurs (1907), tandis qu’un « second théâtre » inspiré par l’évolution du penseur donnera entre autres Monna Vanna (1902) et sa pièce restée la plus populaire, la féerie allégorique de l’Oiseau bleu (1908). La méditation du philosophe, de plus en plus nourrie à des sources scientifiques, va se poursuivre dans une série abondante d’ouvrages, parmi lesquels on distingue la Mort (1913), le Grand Secret (1921), la Grande Loi (1933) et des livres de réflexion sur les « insectes sociaux » : la Vie des termites (1926) et la Vie des fourmis (1930). Puis viendra ce qu’on a appelé la suite pascalienne de Maeterlinck, sorte de journal de moraliste qui va de Avant le grand silence (1934) au Cadran stellaire (1942). Le dernier ouvrage, Bulles bleues (1948), est un livre de souvenirs. Depuis un demi-siècle, l’écrivain a abandonné sa ville natale pour Paris, puis pour la résidence normande de Saint-Wandrille et enfin pour Nice, où il s’éteindra.

Comme son aîné et compagnon de gloire Verhaeren, Maurice Maeterlinck fut de ces Flamands de culture française qui durent sans doute à cette hybridité ethno-linguistique de répondre plus naturellement que d’autres à l’ouverture un peu vaporeuse du symbolisme français, si bien que c’est par le relais parisien qu’ils ont conquis l’audience universelle. Si l’on considère leur œuvre en profondeur, ces deux écrivains ne sont pas sans offrir certains traits communs : partis de l’obscurité inquiète et d’une sorte de désarroi d’hypersensibles, ils sont allés vers la lumière de l’esprit et, par là, à une sereine acceptation de la vie et du monde. Il n’en reste pas moins que le tempérament et le style diffèrent fort du dynamique Verhaeren, violemment extraverti, au méditatif et raisonnable auteur du Trésor des humbles et de la Vie des abeilles. Celui-ci abandonnera tôt l’art des vers et, après ses Chansons (1896 et 1900), ne se vouera plus qu’au théâtre et à l’essai en prose. Cela ne signifie pourtant pas que la poésie, au sens large, disparaisse de son œuvre. Maeterlinck l’avait rencontrée dès l’enfance dans les silences mélancoliques de sa ville natale comme dans le jardin de banlieue où un de ses grands-pères avait un rucher, et, dans la suite, il prit soin de vivre à l’écart des grandes cités, dans de spacieuses demeures propices à la spéculation un peu rêveuse qui fut toujours la sienne. Sa vue de philosophe naît souvent de la sensibilité, et plutôt que de dire, comme on l’a fait souvent, que sa pensée se laisse aller parfois à imaginer, il conviendrait de noter que, chez lui, c’est l’imagination qui, émue, se met à penser. Quand il a résumé ainsi sa méditation ouverte et encline au suspens : « Notre espoir n’est qu’en ce que nous ignorons », n’est-ce pas le poète encore qui parlait ? Plus d’une de ses pages sur les abeilles ou les fleurs vibrent d’un lyrisme ensoleillé, et quoi de plus poétique que les figures et les décors qui font le charme de l’Oiseau bleu ? Une poésie plus sombre imprègne ses « drames pour marionnettes », théâtre comme rêvé, à peine parlé, où tout est allusion, chuchotement. Et les princesses de Maeterlinck ! Ces Mélisande, ces Ygraine ou ces Alladine, héroïnes d’un théâtre qu’on ne joue plus, qu’on n’a guère joué, mais que toute une génération a lu avec une passion, qu’on relit peu aujourd’hui et qui, pourtant, reste célèbre, entourent leur créateur disparu d’une garde mystérieuse. Bien plus tard, dans certains essais comme la Vie de l’espace (1928), l’expression figurée sera mise au service de notions alors nouvelles et peu familières au lecteur, dessinant par exemple la silhouette d’un Einstein magicien dont la baguette touche l’Espace endormi...

Cependant, il y a bien autre chose que du charme poétique dans l’œuvre de Maeterlinck. Celle-ci déploie un long effort d’exploration intelligente et de clarification auquel l’univers de ce début de siècle fut sensible. Lu dans le monde entier et traduit dans toutes les langues, son auteur reçut en 1911 un prix Nobel, à l’époque où ce titre avait tout son éclat. Il avait entamé et continua sans défaillance une longue enquête d’abord psychologico-morale, puis bientôt plus nettement philosophique, se servant de toutes sortes d’ordres de connaissance (entomologie, botanique, cosmologie, expériences métapsychiques), interrogeant les savants et les penseurs, les anciens livres sacrés comme les découvertes les plus récentes, tous les systèmes, toutes les hypothèses qui peuvent jeter quelque lumière sur nous-mêmes et l’univers, sur la vie et sur la mort. Tout avait commencé par l’effroi instinctif de la petite Maleine... Le penseur est parti d’une angoisse, d’un pessimisme total et profond. Il avait fait de tous les personnages de son premier théâtre les symboles, mieux, les porteurs de la condition éperdue où il voyait l’homme, écrasé par une sorte de volonté de l’univers dont il ne comprenait pas les raisons, mais qu’il sentait inexorable. Or, deux ans après la Mort de Tintagiles, où ce pessimisme culmine, nous avons le Trésor des humbles, et l’âme qui suffoquait retrouve sa respiration de vie. Encore deux ans, et la Sagesse et la Destinée montrera cette âme avançant d’un pas ferme, osant non seulement revendiquer, mais aussi créer le bonheur. Toute l’œuvre de Maeterlinck prend son sens et sa force dans le sursaut vital et le travail de lucidité qui collaboreront à ce dégagement de l’optimisme fondamental caché au fond du pessimisme.