Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
M

Maeterlinck (Maurice) (suite)

Peut-être cet optimisme secret fut-il réveillé en Maeterlinck par la rencontre de la belle actrice et de la femme d’élite qu’était Georgette Leblanc : encore fallait-il qu’existât en lui le ferment d’une raison armée des ressources du génie constructeur. C’est cette raison, cette foi dans la délivrance par l’esprit qui lui fera juger que le problème de la mort n’est pas celui de notre anéantissement, mais celui des chances et des formes possibles de notre survie. Tel est le sujet du livre de la Mort (1913), où le courage de l’intelligence lui fait conclure que, si même notre conscience ne persiste pas séparée et n’est pas non plus admise au sein de l’universel, nous n’avons pas à nous inquiéter, puisque cette conscience, étant anéantie, n’en pourrait souffrir. On dirait que le penseur liquide ici l’ancienne angoisse du dramaturge, mais, auparavant, il a déjà longuement appliqué sa méthode d’analyse et d’éclairement à la question plus urgente qui est : comment vivre ? Le message de la Sagesse et la Destinée était : sans nous hypnotiser sur l’origine inconnue de ce qui nous menace, faisons ce qui dépend de nous en nous exerçant à accueillir ce qui pourrait nous blesser et en transformant ces événements étrangers en une chose de nous qui prend notre intime couleur. Dans la suite de sa méditation, Maeterlinck élargira le problème du bonheur individuel aux dimensions d’une fonction attribuée à l’ensemble de l’espèce humaine. Il dira dans le Double Jardin (1904) : « L’utilisation par l’intelligence de toute force inconsciente, la soumission graduelle de la matière et la recherche de son énigme, tel est pour le moment le but probable et la mission la plus plausible de notre espèce », et l’on reconnaît là un courant de pensée qui ne doit pas avoir été étranger à la formation d’esprit d’un Teilhard de Chardin. Pour sa part, Maeterlinck a toujours eu soin de respecter la distribution des rôles entre le savant qui scrute et soumet la matière et le penseur qui note ce que ces découvertes apportent à notre compréhension. Dans cette quête de vérité, il s’arrêtera à considérer les conditions de vie des plus petits êtres (abeille, fleur ou fourmi), et c’est le plus naturellement du monde qu’il passera de la fourmilière aux astres, puisque le menu et l’immense contribuent à constituer l’univers. Mais, aux confins des nébuleuses, il n’oublie jamais sa tentative de départ, qui est de rassurer l’âme en éclairant l’esprit. Et c’est encore cette tentative qui guidera sa pensée lorsque, dans ses derniers ouvrages, renonçant à demander ses viatiques à la connaissance, il se repliera pathétiquement sur l’effort de la réflexion pure et y cherchera le suprême recours d’un stoïcisme mélancolique.

R. V.

 J. Hanse et R. Vivier (sous la dir. de), Maeterlinck, 1862-1962 (la Renaissance du livre, Bruxelles, 1962). / W. P. Romains, Maurice Maeterlinck (L. de Meyère, Bruxelles, 1963). / M. Postic, Maeterlinck et le symbolisme (Nizet, 1970). / P. Gorceix, les Affinités allemandes dans l’œuvre de Maeterlinck (P. U. F., 1975).

Magellan (Fernand de)

En portug. Fernão de Magalhães, navigateur portugais, initiateur du premier tour du monde (Sabrosa [prov. de Trás-os-Montes] ou Porto v. 1480 - île de Mactan, Philippines, 1521).



Les débuts

Magellan appartenait à la petite noblesse, mais l’on ne sait presque rien sur son enfance : il fut sans doute page à la cour de Lisbonne. En 1505, il participe à l’expédition vers les Indes orientales de Francisco de Almeida, le futur vice-roi des possessions portugaises. Le premier combat auquel il prend part se produit le 16 mars 1506 devant Cannanore. Magellan est peut-être blessé alors et rapatrié. Il est possible qu’il ait été de nouveau sur la brèche, dans des affrontements avec les Arabes de l’océan Indien, au début de 1509 : il aurait été encore blessé. Il participe en tout cas à la conquête de la route des épices par les Portugais : il est à Malacca le 11 septembre 1509 et échappe au guet-apens préparé par le sultan de la place. De cette expédition, il ramène un esclave, qui sera son plus fidèle compagnon, Henrique, et une amitié solide, celle de Francisco Serrão, auquel il a sauvé la vie.

En 1511, Albuquerque* étant devenu le vice-roi des Indes portugaises, Magellan s’illustre lors de la prise de Malacca : le chemin des épices, vers les Moluques, est ouvert. Serrão est l’un de ceux qui sont chargés de terminer la tâche. Après un naufrage, il est recueilli par des navigateurs d’Amboine et se fixe à Ternate, où il devient le conseiller du souverain local. Il entre en correspondance avec Magellan : c’est alors que les deux amis imaginent, sans doute, de trouver une route nouvelle vers les Moluques.


Le projet

En 1512, Magellan est de retour à Lisbonne, où il peut mûrir son projet. Le service de la Couronne le conduit l’année suivante au Maroc, où il est blessé au genou dans une expédition contre les Maures : il claudiquera jusqu’à la fin de ses jours. Accusé de malversation, il prend sur lui de revenir se défendre auprès de son roi, sans passer par la voie hiérarchique : il ne se fait pas bien recevoir par Manuel Ier, qui reconduira de nouveau lorsqu’il demandera une modeste réévaluation de sa pension.

Il se lie alors avec un cosmographe, Ruy Faleiro, avec lequel il développe son projet de voyage vers les Moluques. C’est sans doute de bonne foi, et non poussés par quelque ressentiment vis-à-vis de leur souverain, que les deux hommes en viennent à considérer que les Moluques dépendent plutôt de la couronne d’Espagne que de celle du Portugal : les bulles de 1493 et le traité de Tordesillas ne pouvaient être précis quant à la ligne de marcation partageant ces confins de l’Asie, que l’on imaginait proches de l’Amérique espagnole. Dès lors, ce n’est pas une trahison que de se tourner vers Charles Ier, le futur Charles Quint, pour mettre sur pied le nouvel itinéraire, qui utiliserait pour la première fois la rotondité de la Terre.