Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Macmillan (Harold) (suite)

C’est alors que commence sa carrière politique : il est élu en 1924 député conservateur de Stockton-on-Tees, une ville industrielle du Nord ravagée par le chômage. Plein d’une sollicitude teintée de paternalisme pour son électorat ouvrier, Macmillan fait alors figure de « tory social ». Il préconise des remèdes hardis contre le désordre économique et la misère, et n’hésite pas à proposer des formes souples de planification. Il fait partie d’un groupe de jeunes conservateurs qui ont en commun l’expérience des tranchées et la nausée de l’immobilisme. En même temps, il subit fortement l’influence de Keynes*.

La crise mondiale et la confusion des années 30 renforcent chez ce conservateur de progrès, frotté de christianisme social, la critique du désordre existant : il appelle de ses vœux un New Deal britannique, seul capable de sauvegarder l’avenir de la démocratie libérale. Aussi, vers 1936-1939, son avenir personnel apparaît-il bien sombre : à demi rebelle dans son propre parti, jugé beaucoup trop à gauche dans les cercles conservateurs influents, il est coupé des masses par son milieu social, sa richesse et ses privilèges. En politique extérieure, il se range du côté des adversaires de la politique d’« apaisement », combat vivement N. Chamberlain* et approuve l’attitude résolue de W. Churchill*.

C’est la guerre qui va donner à Macmillan sa chance. Dès 1940, Churchill commence par faire appel à lui en lui confiant un poste de secrétaire au ministère de la Production de guerre. Mais le tournant décisif de son existence intervient en novembre 1942, lorsqu’il est nommé ministre résident à Alger. Loin d’être la « Sibérie politique » qu’il redoutait, Alger se révèle aussitôt un centre privilégié de la grande politique internationale. Voici Macmillan responsable de l’influence britannique à travers le bassin méditerranéen. Toute sa subtilité est à même de s’exercer, que ce soit à l’égard de la politique américaine ou au milieu des démêlés entre Français dans le triangle Darlan-Giraud-de Gaulle : il apporte son appui à ce dernier. En 1943, Macmillan est promu haut-commissaire en Italie ; en 1944, il étend son domaine à la Méditerranée orientale et intervient dans les affaires grecques.

Mais les élections britanniques de 1945, qui se soldent par un effondrement des conservateurs, marquent pour lui un coup d’arrêt sévère. Condamné à l’opposition pour six ans, il peut tout de même se consoler à l’idée que, membre du cabinet fantôme, il est maintenant reconnu comme l’une des personnalités influentes de son parti.

En 1951, avec le retour de Churchill au pouvoir. Macmillan se voit confier le délicat portefeuille de la Construction et du Logement. Un ambitieux objectif, proclamé à grand renfort de publicité — construire 300 000 logements par an —, est bientôt atteint. C’est la réussite la plus incontestable du gouvernement Churchill.

L’ascension politique de Macmillan se poursuit : ministre de la Défense nationale en 1954, ministre des Affaires étrangères en 1955, chancelier de l’Echiquier de 1955 à 1957. Pourtant, à ces divers postes, les résultats obtenus se révèlent médiocres. Dans l’affaire de Suez, en 1956, Macmillan, hanté par les souvenirs de Munich, prend une position en flèche. Partisan d’une riposte par la force aux décisions du colonel Nasser, il est au premier rang de ceux qui poussent Eden à une expédition militaire, mais il saura habilement éviter pour lui-même le discrédit qui s’attache au fiasco de l’opération. Aussi, lorsque Eden, usé et malade, démissionne en janvier 1957, c’est Macmillan qui est choisi pour lui succéder à la fois comme Premier ministre et comme leader du parti conservateur.


Premier ministre

Beaucoup ne voyaient dans le nouveau gouvernement qu’un fragile et éphémère cabinet de transition. En réalité, Macmillan va rester près de sept années au pouvoir. Au cours de cette longue période de gouvernement, la Grande-Bretagne va prendre, sous sa direction, des initiatives capitales, notamment dans deux domaines : la décolonisation et l’Europe.

Après l’échec de Suez, il faut ramener l’unité au sein du parti conservateur, restaurer la confiance, rassurer l’opinion. Mené avec adresse et vigueur, ce redressement politique, facilité par la prospérité, porte ses fruits aux élections de 1959, qui constituent un beau succès pour les conservateurs et un triomphe personnel pour Macmillan.

Par contre, sur le plan économique, les mesures prises n’obtiennent que des résultats discutables. Pris entre le Charybde de l’inflation et le Scylla de la déflation, le gouvernement manie tantôt le frein, tantôt l’accélérateur, sans parvenir à résoudre ni le problème de la balance des paiements ni celui de la croissance.

Dans trois domaines, au contraire, Macmillan laisse sa marque de façon décisive. D’abord, en politique internationale, il se fait l’avocat de la détente, se rend à Moscou en 1959 pour amorcer une grande négociation et c’est en grande partie à ses labeurs qu’est due la réunion au sommet des quatre Grands en 1960. L’échec de cette rencontre l’affecte profondément.

Sur le plan colonial, après avoir cherché une issue par la négociation à l’épineuse question de Chypre, il prend hardiment position en faveur d’une politique de décolonisation. Au cours d’un grand voyage en Afrique en 1960, il proclame au Cap dans une déclaration fameuse : « Le vent du changement souffle à travers le continent... il faut l’accepter comme un fait. » Attitude à la fois réaliste et habile qui le conduit, en dépit de la pression des colons rhodésiens, à renoncer à une impossible fédération d’Afrique centrale, à ouvrir la voie de l’indépendance aux colonies africaines de la Grande-Bretagne et à se faire le héros d’un nouveau Commonwealth multiracial.

Non moins spectaculaire est le renversement de l’attitude britannique à l’égard de l’Europe. Si dans le passé Macmillan avait exprimé des sympathies pour la construction européenne, assorties d’ailleurs d’importantes restrictions mentales, il n’en avait pas moins tenu son pays soigneusement à l’écart du traité de Rome. En 1960, face à l’Europe des Six, son gouvernement mit sur pied sous l’égide de la Grande-Bretagne l’Association européenne de libre-échange (« l’Europe des Sept »). À partir de 1961, au contraire, commence à se faire jour en Grande-Bretagne un puissant courant d’opinion pour un rapprochement avec la Communauté économique européenne. Rallié lui-même à cette idée, Macmillan annonce en juillet 1961 la décision historique d’adhérer au Marché commun.