Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Macédoine (suite)

Vers la fin du siècle, les Serbes développent une activité plus grande en Macédoine, obtenant des Turcs la création d’un évêché serbe à Skopje en 1902 et l’ouverture d’écoles serbes ; appuyant leurs revendications sur la présence des Valaques, populations antérieures aux Slaves et qui parlent une langue proche du roumain, les Roumains essaient aussi d’étendre leur influence dans la région (évêché en 1905 et écoles à Bitola [Bitolj] en particulier).

Cependant, tout à la fin du xixe s. apparaissent deux mouvements d’un genre nouveau. La V. M. R. O. (Vnatrešni Makedonska Revolucionarna Organizacija), organisation révolutionnaire intérieure macédonienne, est créée à Thessalonique en 1893 avec pour programme « la Macédoine aux Macédoniens » : Goce Delčev (1872-1903) sera un de ses membres principaux. Une autre organisation, de tendance probulgare, est créée en 1894 à Sofia (Comité suprême macédonien) ; elle va devenir un facteur important de la politique bulgare. De leur côté, les Grecs aussi fondent une société secrète pour maintenir l’hellénisme en Macédoine (Ethnike Hetaireïa). Des groupes terroristes (que les Turcs dénomment komitacı) développent leur action dans la région, luttant contre les Turcs, mais aussi entre eux, contre les partisans du camp opposé ; le sort de la population, appelée à appuyer les uns ou les autres, devient très difficile. À la suite d’un soulèvement en 1902, la Porte envisage des réformes, tandis que la Russie et l’Autriche proposent l’affectation d’officiers dans la gendarmerie. Cependant, une révolte éclate en août 1903 dans la région de Bitola, aboutissant à l’éphémère république de Kruševo, qui appelle chrétiens et musulmans à s’unir pour la libération du pays ; l’insurrection est violemment réprimée ; l’Autriche et la Russie préparent alors en octobre 1903 un nouveau plan de réformes, que le Sultan accepte (programme de Mürzsteg, du nom d’une localité près de Vienne). Deux agents civils étrangers (russe et autrichien) sont attachés à l’inspecteur général turc pour les vilayets de Kosovo, de Bitola et de Thessalonique. La majeure partie de la région est divisée en secteurs du point de vue de la police, chacun passant sous le contrôle d’une grande puissance. De plus, en 1905, une commission financière est créée pour assainir les finances de la région. Cependant, ces mesures donnent peu d’effets : une certaine rivalité existe entre les grandes puissances (opposition russe à la construction par l’Autriche d’un chemin de fer reliant le sandjak de Novi Pazar à Thessalonique) ; l’opposition continue entre Serbes, Bulgares, Grecs.

En juillet 1908, la révolution des officiers de l’armée turque (les Jeunes-Turcs), qui déposent le sultan Abdülhamid II en 1909, part de la Macédoine ; elle entraîne une certaine amélioration des rapports entre communautés, mais pour une brève période, les Jeunes-Turcs se montrant en fait très nationalistes.

En 1912, la Serbie et la Bulgarie s’entendent finalement pour signer un traité d’alliance suivi d’une convention militaire qui prévoit en particulier les conditions du partage de la Macédoine — en cas de dissensions, l’arbitrage russe doit être recherché. La Grèce et le Monténégro se joignent plus tard à elles. À la suite d’une nouvelle révolte en Macédoine, les alliés balkaniques réclament des réformes au Sultan, qui refuse et engage la guerre. Après la défaite turque, le traité de Londres de mai 1913 libère la Macédoine de la domination turque, mais Serbes et Bulgares ne peuvent s’entendre sur son partage, et une guerre éclate entre les anciens alliés : Grecs et Serbes (et Roumains) d’un côté, Bulgares de l’autre. Les Bulgares battus, le traité de Bucarest (10 août 1913) partage la Macédoine essentiellement entre la Serbie et la Grèce.


Depuis 1914

Au cours de la Première Guerre mondiale, la Macédoine est en partie sous contrôle bulgare, mais, après la défaite de la Bulgarie, le traité de Neuilly (nov. 1919) la partage de nouveau entre la Grèce et la « Yougoslavie ». Le royaume des Serbes, Croates et Slovènes et la Grèce pratiquent, dans le territoire de Macédoine qu’ils ont reçu, une politique d’assimilation : en Yougoslavie, la Macédoine est appelée « Serbie du Sud », et des colons serbes s’y implantent ; en Grèce, la Macédoine est hellénisée, en particulier avec l’installation des Grecs rapatriés d’Asie Mineure. En Bulgarie, l’organisation macédonienne continue son activité ; elle a un grand poids dans la politique bulgare et pratique des incursions en territoire yougoslave. Cependant des dissensions apparaissent en son sein : tout d’abord Todor Aleksandrov (1881-1924), puis Aleksandăr Nikolov Protogerov (1867-1928), devenus moins probulgares, sont tués, et Ivan Mihajlov reste seul chef. Le problème macédonien (serbisation de la Macédoine, action des « komitaci » à partir de la Bulgarie) empêche un rapprochement entre la Bulgarie et la Yougoslavie, et en particulier l’adhésion de la Bulgarie au pacte balkanique de 1934. Cependant, la Bulgarie met fin en 1937-38 à l’activité des « komitaci », et les deux pays signent un traité d’amitié prévoyant le statu quo pour les frontières.

Pendant la Seconde Guerre mondiale, la majeure partie de la Macédoine passe de nouveau sous contrôle bulgare (les Albanais sous domination italienne occupant l’Ouest) ; mais, à la fin de la guerre, les Bulgares doivent l’évacuer. Dans la Yougoslavie socialiste, la nationalité et la langue macédoniennes ont été reconnues, et une république de Macédoine* a été créée dans la Fédération avec pour capitale Skopje ; depuis 1967 il existe une Église orthodoxe macédonienne autocéphale. Si, dans un premier temps, la Macédoine a paru ne plus faire problème entre la Bulgarie et la Yougoslavie, le problème, cependant, demeure latent, les Bulgares (de même que la Grèce) ne reconnaissant pas l’existence d’une nationalité macédonienne.

M.-P. C.

➙ Balkans / Bulgarie / Byzantin (Empire) / Grèce / Yougoslavie.