Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Macédoine (suite)

Contre Byzance, qui semble y avoir rétabli sa domination, une révolte éclate en 969 dans la Macédoine occidentale. Elle est conduite par les quatre fils de Nikola Kometopuli, gouverneur de la région ; deux d’entre eux (Mojsije et David) meurent dans la lutte, le troisième (Aron) est tué par son frère Samuel (tsar de 997 à 1014), qui va établir un grand empire englobant, outre la Macédoine, une grande partie des Balkans (Épire, Thessalie. Albanie, Serbie, Bosnie, Bulgarie du Nord). De même que l’origine des Kometopuli, le caractère de cet empire a été très controversé : pour certains, c’est un empire bulgare ; pour d’autres, il est proprement macédonien ; selon G. Ostrogorsky, si cet empire peut paraître le prolongement de l’Empire bulgare de Siméon, il est en fait une création proprement macédonienne, son centre étant situé dans l’ouest de la Macédoine. Sa capitale est en effet Ohrid, sur le lac du même nom, ville qui prend une grande extension à l’époque.

Cependant, l’empereur de Byzance Basile II* va anéantir cet empire après quatre campagnes, dont l’événement marquant sera la bataille de Belasica sur la Strumica, bataille au cours de laquelle 15 000 soldats de Samuel seront aveuglés et ainsi renvoyés à leur maître. Samuel mourra en cette même année 1014. Après encore quatre années de lutte marquées par des querelles dynastiques pour la succession de Samuel, Byzance rétablira son autorité sur la région de Macédoine, faisant de celle-ci un « thème » sans autonomie et s’efforçant de la gréciser ; deux révoltes échoueront : celle de Petar Deljan en 1040-41 et celle de Djordje Vojteh en 1072-73.

De 1185 à 1258, le nord et le centre de la Macédoine sont de nouveau inclus dans le nouvel Empire bulgare, tandis que le sud, après la prise de Byzance par les croisés, est rattaché au royaume latin de Thessalonique, puis en partie au despotat d’Épire (1224-1246). À la fin du xiie s., et au début du xiiie, les Normands font des incursions dans la région (mise à sac de Thessalonique, 1185 ; passage à Skopje). De 1246 à 1346, la Macédoine passe de nouveau sous la domination de Byzance. Au milieu du xive s., elle fait partie de l’Empire serbe du tsar Étienne IX Uroš IV Dušan (1331-1355), qui installe sa capitale à Skopje. Après la mort de Dušan, en 1355, les féodaux de la région deviennent plus ou moins indépendants (Vukašin, Jovan Uglješa). Ces deux féodaux sont battus en 1371 par les Turcs à la bataille de la Marica au cours de laquelle ils meurent, et la région devient vassale des Turcs (de 1371 à 1395, elle est gouvernée par Marko Kraljević, considéré par ailleurs comme un héros de la lutte contre les Turcs dans les chants populaires), puis elle est complètement incorporée dans l’Empire turc, dans lequel elle restera jusqu’en 1913. Thessalonique sera annexée en 1430 après un bref épisode de sept années de domination vénitienne.


La Macédoine ottomane

Sous la domination ottomane, les villes vont se développer autour d’activités artisanales et commerciales. Thessalonique, en particulier, où affluent Turcs et Juifs espagnols, devient un centre de gravitation important pour la Macédoine et les régions avoisinantes de la Turquie d’Europe ; des cultures nouvelles sont implantées. La Macédoine est une des régions de Turquie d’Europe où l’immigration de population turque a été la plus importante, aussi bien dans les villes que dans les campagnes (dont les pasteurs yürüks). Quelques Macédoniens ont pu être islamisés (Torbeši dans le Nord-Ouest). C’est à cette époque que les Albanais sont venus s’établir dans les régions occidentales de la Macédoine. Cependant, la période de la domination ottomane a été sombre pour la population, surtout avec le déclin du pouvoir central (situation très dure des paysans asservis, absence de développement économique). La population a lutté contre les occupants (haïdouks qui prenaient le maquis), se soulevant en certaines occasions (révolte de Morihovo en 1564, soulèvement du haïdouk [hajduc] Karpoš dans la région de Kumanovo à la fin du xviie s. lors d’une guerre austro-turque qui entraîna la libération momentanée de la Macédoine du Nord).

Au xixe s. commence un réveil national. Des troubles ont lieu lors des soulèvements serbe et grec. L’Hatti Serif de Gülhane de 1839 établit l’égalité de tous les habitants de l’Empire ottoman, mais ce décret a peu d’effet pratique sur le sort des populations. Les grands « féodaux » turcs s’y opposent d’ailleurs. Au cours de ce siècle, les nations et États qui commencent à se former dans les Balkans vont affirmer des droits sur la population de la Macédoine. Une lutte d’influence se développe dans le domaine de la religion, puis dans celui de l’enseignement, opposant au début Grecs et Bulgares, auxquels s’ajouteront vers la fin du siècle Serbes et aussi Roumains. Les Bulgares, surtout, commencent dans la première moitié du siècle à s’opposer à la grécisation du clergé orthodoxe, envisageant un moment de créer une Église uniate ; en 1870, cependant, ils obtiennent la création d’un exarchat qui englobe la majeure partie de la Macédoine, d’autres régions pouvant être rattachées si les deux tiers des habitants le souhaitent ; le premier exarque ne peut être nommé qu’en 1872, en raison de l’opposition du patriarche de Constantinople. Lors du soulèvement de Bosnie-Herzégovine en 1875-76 et de la guerre russo-turque qui s’ensuit, des régions de Macédoine se révoltent (Strumica par exemple). En 1878, au traité de San Stefano, qui met fin à cette guerre, une Grande-Bulgarie est créée sur la base d’une carte ethnographique établie par le géographe allemand Heinrich Kiepert (1818-1899) ; elle englobe pratiquement toute la Macédoine. Mais, au congrès de Berlin (1878), qui révise le traité, la Macédoine est finalement laissée aux Turcs, ceux-ci s’engageant, cependant, à y faire des réformes. La question macédonienne est ouvertement posée.

Depuis le milieu du siècle surtout, un mouvement de renouveau culturel et national plus proprement macédonien a eu lieu (les frères Dimitrije [1810-1862] et Konstantin [1830-1862] Miladinov, qui recueillent la poésie populaire). On discute de l’existence d’une langue macédonienne : certains, tel Partenij Zografski (1818-1875), défendant une langue littéraire commune avec la Bulgarie ; d’autres, tel Djordji Puleski (1838-1894), soutenant l’existence d’une langue macédonienne.