Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
L

Lyon (suite)

Le site

En effet, à toutes les époques, le site de Lyon a permis de fixer les éléments essentiels du carrefour continental évoqué plus haut.

C’est d’abord le confluent. Les transports fluviaux ont joué un grand rôle dans l’extension de l’influence économique de Lyon, loin vers le nord, la Saône étant aisément navigable, et aussi jusqu’en Provence, grâce au courant puissant du Rhône. Même le haut Rhône fut utilisé pour des approvisionnements en produits alimentaires, en bois et en pierre venus de Savoie et du Bugey. Avant le développement des chemins de fer, les vins et les céréales de Bourgogne et du Midi empruntaient la voie d’eau, plus économique que le roulage. La ville actuelle doit à la navigation de vastes possibilités d’entrepôt et de redistribution des produits lourds (combustibles, métaux, matériaux de construction). L’équipement du Rhône et de la Saône au gabarit européen sera bientôt achevé, et cette grande voie doit être branchée sur le système rhénan. On a prévu aussi un aménagement du haut Rhône en direction du Léman. D’autres aspects de Lyon ont favorisé le passage d’une rive à l’autre. Il s’agit du défilé granitique de Pierre-Scize, qui fixe et réduit le lit de la Saône, alors qu’en amont cette rivière déborde très largement, surtout sur sa rive gauche, mal délimitée dans les argiles et les sables de la Bresse. Le premier pont sur la Saône fut édifié immédiatement à l’aval du défilé de Pierre-Scize. La construction d’un pont sur le Rhône fut rendue très difficile par les affouillements et les déplacements du fleuve à travers les sables et les graviers accumulés à proximité du confluent. Cependant, une petite butte insubmersible, dite Lamothe, extrémité de la terrasse fluvio-glaciaire de Villeurbanne, permettait aux routes de Vienne et du Dauphiné d’éviter les vastes zones amphibies qui sont encore visibles au nord de l’agglomération actuelle. Le premier pont de la Guillotière fut réalisé en direction de cette butte. À l’aube de la Renaissance, Lyon était la ville du royaume la mieux placée pour accueillir les hommes, les idées et les marchandises venus d’Italie.

Depuis, la topographie générale de la ville et des environs immédiats a permis de faire face à toutes les exigences de la modernisation des transports. Ainsi, les vallées de la Saône et du Rhône, suffisamment larges, permettaient au chemin de fer de pénétrer jusqu’à Perrache, à proximité immédiate du centre traditionnel de l’agglomération. Sur la rive gauche du Rhône, la plaine dauphinoise, qui avait déjà permis l’installation d’une grande gare de marchandises à la Guillotière, d’une gare de voyageurs aux Brotteaux, d’un itinéraire routier de détournement, le boulevard de Ceinture, d’un aéroport à Bron, offre encore suffisamment de place pour une rénovation complète de ces équipements : projets d’une gare régionale à la Part-Dieu, d’une autoroute entre Meyzieux et Corbas, d’un aéroport international à Satolas. Ici passent également l’oléoduc Sud-Européen et un réseau souterrain de transport d’éthylène. Si cette rive gauche du Rhône, basse et plate, permet de moderniser aisément le carrefour lyonnais, les territoires urbanisés de l’ouest, en revanche, coupés de collines et de ravins, sont moins faciles. Cependant, il a été possible d’y aménager une voie ferrée de détournement et l’autoroute de Paris, qui traverse la ville à proximité du centre, de la même manière que le chemin de fer.

Le site de Lyon permet donc de capter l’essentiel des grands courants de circulation qui empruntent le Couloir rhodanien. L’emplacement a aussi d’autres avantages, en particulier, d’ordre militaire. La cité médiévale, installée entre Saône et Rhône, et sur les premières pentes de Fourvière, sut se défendre contre les brigands ou les bandes armées des turbulents seigneurs du voisinage.

Les Romains apprécièrent les qualités résidentielles de la colline de Fourvière. Au iie s., un aqueduc de 75 km amenant l’eau du mont Pilat, de nombreuses habitations furent édifiées sur ces hauteurs. Au xixe s., la ville réoccupa les collines, surtout celle de la Croix-Rousse, où s’installèrent les tisseurs de soieries sur métier Jacquard, les fameux canuts. Depuis le développement de la circulation automobile, les résidences se sont multipliées sur tous les reliefs d’origine morainique, qui dominent d’une centaine de mètres, les cours du Rhône et de la Saône.

Cette urbanisation des hauteurs est cependant moins rapide, moins complète aussi, que celle de la presqu’île et des quartiers de la rive gauche du Rhône. Cette plaine alluviale et fluvio-glaciaire était un site idéal pour le développement d’une ville. La cité gallo-romaine comportait déjà deux quartiers bas : Condate, au débouché de Pierre-Scize, habité par des mariniers, et Canabae, entre Bellecour et Ainay, où s’étaient installés de riches négociants. Pour occuper le site, à l’époque moderne et contemporaine, il a fallu fixer le cours du Rhône et défendre une partie importante du territoire, appelé Brotteaux, contre les inondations. La construction d’une digue par l’ingénieur M. A. Perrache à la fin du xviiie s., puis l’édification des quais de la Saône et du Rhône pendant tout le xixe s. furent les deux aspects fondamentaux de ce gigantesque travail, récemment complété par l’aménagement hydro-électrique de Pierre-Bénite. Ainsi, la ville peut disposer de la presque totalité de cette plaine, qui offre à la fois un sol caillouteux, résistant et une nappe phréatique d’excellente qualité. Les terroirs agricoles, de faible valeur, n’ont pas opposé beaucoup de résistance à la poussée urbaine, stimulée surtout par l’industrialisation de Lyon au xixe et au xxe s.

M. L.


L’histoire de Lyon


Les origines

Dangereux marais où de nombreux bras morts (lônes) séparent des îles aux contours fluctuants (broteaux), le confluent de la Saône et du Rhône ne retient qu’un petit établissement celtique de bateliers sur les pentes de la Croix-Rousse, Condate, où se réfugient des colons romains en 62 av. J.-C. La situation est favorable : sur la route de l’ambre au point de rupture de charge des navires entre Saône et Rhône. Le site du confluent devient en 43 av. J.-C. le berceau de la ville de Lyon, le sénat romain ayant donné l’ordre au légat L. Munatius Plancus d’y fonder une colonie romaine dite « de l’Abondance » (Copia) sur les pentes du mont de « Lug », aujourd’hui colline de Fourvière.