Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Lyon (suite)

La capitale de la Gaule (chevelue)

Dotée d’un territoire étroit s’étirant sur 10 km le long de la rive droite des deux fleuves, Lyon est aménagée à partir de 30 av. J.-C. par M. V. Agrippa, qui l’érigé en 27 av. J.-C. en capitale de la Lyonnaise. Elle deviendra même capitale des Gaules (caput Galliarum), dont les trois provinces touchent la ville, à partir de laquelle rayonne dès lors le réseau routier romain calqué sur le tracé des voies celtiques antérieures menant à l’Aquitaine, à l’Atlantique, au Rhin, à l’Italie et à la Méditerranée. Les Romains endiguent le cours de la Saône et du Rhône, fixent leur confluent et les îles qui les encombrent, aménagent des ports, construisent des aqueducs équipés de siphons et de réservoirs, édifient un grand théâtre, des temples. Dès le temps d’Auguste, qui y séjourne en 16 av. J.-C. et y établit un atelier monétaire et une cohorte urbaine, Lyon se divise en trois quartiers : administratif (Fourvière, siège du legatus Augusti propraetore), économique (quais et entrepôts de l’ancienne île d’Ainay) et religieux (à la suite de l’érection au nord du confluent en 13 et de l’inauguration en 12 par Drusus de l’autel et du temple de « Rome et Auguste », à côté desquels est édifié un amphithéâtre et autour desquels s’épanouit la ville gauloise de Condate). Ainsi Lyon devient la capitale de la Gaule chevelue, dont les nations délèguent tous les ans leurs représentants à l’Assemblée fédérale d’août pour célébrer le culte de Rome et d’Auguste. Elle est visitée en 39-40 apr. J.-C. par Caligula et surtout à trois reprises par Claude*, qui dote, en 43-44, sa ville natale de biens-fonds en Narbonnaise et la pourvoit d’un troisième aqueduc. La cité prend alors le nom de Colonia Copia Claudia Augusta Lugdunum en hommage à ses deux principaux bienfaiteurs.

Incendiée en 65, ralliée à Vitellius en 69, pourvue d’un théâtre, d’un odéon et d’un quatrième aqueduc, celui du mont Pilat, par l’empereur Hadrien, la ville compte alors 200 000 habitants, répartis entre de nombreux et puissants collèges corporatifs, dont les plus célèbres sont ceux des nautes (de la Saône, du Rhône, etc.), des vinarii (marchands de vin) et des dendrophores (artisans du bois). Administrée par une curie et par des duumvirs, elle devient une citadelle du paganisme classique ; elle accueille également les cultes orientaux de Mithra, d’Isis et surtout ceux de Cybèle et du Christ, les adeptes de ce dernier étant persécutés par Marc Aurèle et finalement suppliciés (telle la jeune Blandine en août 177).

Ralliée à la candidature impériale d’Albinus en 192, elle est pillée et privée de sa charte urbaine par Septime Sévère, victorieux d’Albinus à Saint-Just (ou à Sathonay) en 197. Saccagée par Aurélien en 273, privée du monopole de la vente du vin en Gaule par Probus en 280, réduite en 284 par Dioclétien au rôle de capitale de la seule « Lyonnaise première » sous l’autorité d’un consulaire, victime des raids barbares de 357 et de 375, qui entraînent l’abandon de la ville haute de Fourvière et de son forum, elle n’est plus qu’une ville épiscopale, mais de première importance grâce à sa communauté chrétienne reconstituée par saint Irénée dès la fin du iie s. apr. J.-C.


La ville des temps barbares

Réduite à un quartier fortifié le long de la Saône, la ville est occupée en 457 par les Burgondes, qui en font l’une de leurs trois capitales, puis par les Francs en 500 ; elle devient alors le centre d’un comté mérovingien, puis carolingien. Elle est surtout le siège d’un archevêché, et l’un des foyers de la Renaissance carolingienne.

Incorporée en 843 au royaume de Lothaire par le traité de Verdun, érigée en duché et associée à la Provence lors du partage de 855, échue en 870 à Charles II le Chauve, elle fait partie tour à tour du royaume de Boson en 879, de l’empire de Charles III le Gros en 882, enfin du royaume de Bourgogne transjurane de 888 à 1032, date de son transfert au Saint Empire.


La cité des clercs

La ville est totalement ruinée par les invasions musulmanes et hongroises entre 934 et 949. Elle est dominée par les seigneurs ecclésiastiques : couvents, collégiales de Saint-Nizier, de Saint-Just et de Saint-Paul, « Église de Lyon » enfin, sont principalement implantés sur la rive droite du fleuve, dans la « cité ». Les deux membres de cette « Église » — chapitre cathédrale et archevêque — se disputent naturellement le gouvernement du diocèse, du comté et de la ville, auquel aspire également la première dynastie comtale du Forez. Vassal nominal de l’Empereur, l’archevêque de Lyon rejette par la force ses prétentions en 1076. Après l’archiépiscopat de saint Gebuin († 1081), premier à être honoré en 1079 du titre de « primat des Gaules », après celui du légat Hugues de Die ou de Romans (1082-1106), rigoureux réformateur grégorien, Frédéric Ier Barberousse concède à perpétuité la cité de Lyon « et tous les droits régaliens en deçà de la Saône » à l’archevêque Héraclius de Montboissier (1153-1163) et à ses successeurs par la bulle d’or de 1157.

Favorables à l’empereur, deux prélats se heurtent successivement à la seconde dynastie comtale du Forez, d’origine delphinale, qui, dès 1158, conteste le privilège de 1157, qui fait d’eux des princes d’Empire. En 1162, Guigues II pille même la ville de Lyon. La nomination, en 1165, d’un prélat orthodoxe, le cistercien Guichard († v. 1180), à l’instigation de Louis VII, permet la signature du traité de partage de 1173, par lequel le comte du Forez reconnaît la souveraineté de l’Église de Lyon sur les pays de la Saône et du Rhône. En 1193, cet accord est consolidé par l’élection au trône archiépiscopal du frère de Guigues II, Renaud II (1193-1226), qui dote sa principauté ecclésiastique d’une solide armature administrative.

La ville de Lyon est, dès lors, pratiquement indépendante sous l’autorité d’archevêques qui, comme le chapitre, recherchent surtout la protection du roi de France. Elle accueille le 2 décembre 1244 le pape Innocent IV. Assuré d’être secouru, si besoin est, par Louis IX, le pape y tient en 1245 un premier concile œcuménique, par lequel il fait déposer Frédéric II de Hohenstaufen.