Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
L

Luxemburg (Rosa) (suite)

Elle accueille avec enthousiasme la Révolution russe, étonnée qu’elle se prolonge et survive ; elle souhaite son extension. Mais certains aspects de l’action de Lénine l’inquiètent : « La liberté de la presse, le droit de réunion et d’assemblée ont tous été supprimés pour tous les opposants du régime soviétique et pourtant il est bien connu que, sans une presse libre et non censurée, sans un droit illimité de réunion et d’assemblée, le rôle de la grande masse du peuple est impensable. »

Pour elle, c’est bien d’en bas que doit partir la création révolutionnaire. Mais les erreurs de Lénine ne sont-elles pas dues à la faillite du socialisme international et plus particulièrement du prolétariat allemand ? D’où l’enthousiasme avec lequel Rosa Luxemburg, libérée, se jette dans l’action. Si la Révolution bolcheviste s’étend à l’Allemagne industrialisée, elle prendra un nouveau cours.


Deux mois d’action dans l’Allemagne vaincue

Hostile aux majoritaires du parti social-démocrate allemand (Friedrich Ebert, Gustav Noske, Philipp Scheidemann), Rosa Luxemburg l’est tout autant aux indépendants (Wilhelm Dittmann). Elle juge aussi nocifs le Vorwärts, demeuré l’organe des majoritaires, et la Freiheit, devenue l’organe des indépendants. Lorsque les spartakistes, exclus des conseils, créent le parti communiste allemand, elle joue un rôle de premier plan dans le congrès qui se tient à Berlin. Mais elle s’oppose à la création d’un gouvernement révolutionnaire provisoire, que Karl Liebknecht a peut-être accepté ; elle juge prématurée l’insurrection qui éclate : elle aurait souhaité qu’on attendît encore quelques semaines ; elle est inquiète que nombre de soldats reviennent de la campagne insensibles à la poussée révolutionnaire. Elle regrette aussi la décision de ne pas voter aux élections : « Victoire d’un extrémisme puéril, en pleine fermentation, sans nuance. »

Elle n’en participe pas moins aux manifestations, à l’issue desquelles elle est arrêtée et assassinée.

Depuis sa disparition, la mémoire de Rosa Luxemburg a été célébrée par les communistes — qui voient en elle la grande créatrice, avec Liebknecht, du parti communiste allemand —, par certains socialistes non communistes attentifs à son effort d’approfondissement du marxisme contre la Révolution russe, enfin, après 1968, par les « gauchistes » de diverses nuances, frappés par son éloge de la spontanéité des masses. De là quelques divergences notables dans les Choix d’écrits publiés depuis 1919. Chaque tendance choisit, dans une œuvre complexe, ce qui met en valeur le côté de Rosa Luxemburg qu’elle entend célébrer.

G. L.

➙ Communisme / Impérialisme / Internationales (les) / Marxisme / Socialisme / Weimar (république de).

 L. Laurat, l’Accumulation du capital d’après Rosa Luxemburg (Rivière, 1931). / P. Frölich, Rosa Luxemburg, Gedanke und Tat (Éd. nouv. internat., 1939, nouv. éd., Hambourg, 1949 ; trad. fr. Rosa Luxemburg, sa vie, son œuvre, Maspero, 1965). / J. P. Nettl, Rosa Luxemburg (Londres, 1966, 2 vol. ; trad. fr. la Vie et l’œuvre de Rosa Luxemburg, Maspero, 1972, 2 vol.). / D. Guérin, Rosa Luxemburg et la spontanéité révolutionnaire (Flammarion, 1971). / G. Badia, Rosa Luxemburg (Éd. sociales, 1975).

Lvov

En polon. Lwów, en allem. Lemberg, v. de l’U. R. S. S., en Ukraine, près de la frontière polonaise ; 553 000 hab.


La « ville du lion » fut fondée vers le milieu du xiiie s. par un prince ruthène, Daniel de Halicz, qui lui donna le nom de son fils Lev, et devint sa résidence après que la capitale Halicz (d’où vient le nom de Galicie) eut été dévastée par les Tatars.

Avant même de devenir cité princière et capitale, Lvov avait été dès le xiie s. un important nœud de voies commerciales ; ensuite, elle attira de nombreux nouveaux venus de toutes origines (Polonais, Arméniens, Tatars, Germaniques). Avec l’intégration de la Galicie dans le royaume de Pologne, en 1349, la ville connut une importance nouvelle, car elle fut pour la Pologne, qui avait dû renoncer à Kiev, la porte de l’Orient et le relais indispensable sur la route de la mer Noire. Son rôle fut souligné par le fait qu’elle fut l’une des rares villes du royaume à être représentée à la Diète ; les diverses ethnies et les diverses religions et confessions y vécurent longtemps dans une paix relative, menacée seulement par les incursions tatares ou ottomanes. Une enceinte puissante, complétant les deux châteaux, fut construite en 1455. Mais, dès le xvie s., Lvov fut secouée par de nombreux conflits sociaux, d’allure « nationale » ; les Ruthènes orthodoxes, pourvus d’un siège de leur confession en 1539, cherchèrent à se constituer en groupe homogène qui pût développer la politique de la confrérie datant du xve s. et s’opposer peut-être moins aux Polonais et aux catholiques (archevêché en 1412) qu’aux Arméniens, qui étaient les commerçants les plus riches, et aux Juifs, qui ne leur cédaient guère.

Le xviie s., qui fut pour toute la Pologne une période de graves dangers, confirma d’une part la polonisation des éléments arméniens et germaniques, d’autre part la cristallisation du sentiment communautaire des Ruthènes, ce qui fut encouragé sinon suscité par les voisins russes. L’Union de Brześć (1596), qui devait apaiser les conflits religieux par l’intégration à la communauté catholique romaine des groupes arménien et ruthène qui gardaient une certaine autonomie, ne se réalisa que très progressivement (1626, archevêché arménien ; 1706, archevêché uniate).

De ces deux siècles datent divers monuments civils et religieux qui traduisent souvent la conciliation d’un style italianisant avec des habitudes nettement orientales. Au xviie s., Lvov fut un important centre artistique et littéraire, aux nombreuses imprimeries. L’affaiblissement progressif de l’autorité royale et les troubles incessants ne purent néanmoins interdire à la cité ni son commerce ni son rôle de centre de rayonnement polonais au milieu de terres qui, subissant de plus en plus l’influence russe, se transformaient peu à peu en une « Ukraine occidentale ». Mais, lors des partages, ce fut l’Autriche qui, en 1772, annexa la ville et sa région ; elle en fit la capitale du « royaume de Galicie et de Lodomérie » et le siège de la diète régionale. Une université fut créée en 1783 pour succéder à l’académie jésuite de 1661 et devenir un foyer de germanisation. Mais l’Observatoire avait été fondé en 1769-1771 par les Polonais, et la vie culturelle polonaise se développa avec une nouvelle vigueur au début du xixe s. et aboutit à la polonisation de divers Tchèques et Allemands d’Autriche.