Luxemburg (Rosa) (suite)
Elle accueille avec enthousiasme la Révolution russe, étonnée qu’elle se prolonge et survive ; elle souhaite son extension. Mais certains aspects de l’action de Lénine l’inquiètent : « La liberté de la presse, le droit de réunion et d’assemblée ont tous été supprimés pour tous les opposants du régime soviétique et pourtant il est bien connu que, sans une presse libre et non censurée, sans un droit illimité de réunion et d’assemblée, le rôle de la grande masse du peuple est impensable. »
Pour elle, c’est bien d’en bas que doit partir la création révolutionnaire. Mais les erreurs de Lénine ne sont-elles pas dues à la faillite du socialisme international et plus particulièrement du prolétariat allemand ? D’où l’enthousiasme avec lequel Rosa Luxemburg, libérée, se jette dans l’action. Si la Révolution bolcheviste s’étend à l’Allemagne industrialisée, elle prendra un nouveau cours.
Deux mois d’action dans l’Allemagne vaincue
Hostile aux majoritaires du parti social-démocrate allemand (Friedrich Ebert, Gustav Noske, Philipp Scheidemann), Rosa Luxemburg l’est tout autant aux indépendants (Wilhelm Dittmann). Elle juge aussi nocifs le Vorwärts, demeuré l’organe des majoritaires, et la Freiheit, devenue l’organe des indépendants. Lorsque les spartakistes, exclus des conseils, créent le parti communiste allemand, elle joue un rôle de premier plan dans le congrès qui se tient à Berlin. Mais elle s’oppose à la création d’un gouvernement révolutionnaire provisoire, que Karl Liebknecht a peut-être accepté ; elle juge prématurée l’insurrection qui éclate : elle aurait souhaité qu’on attendît encore quelques semaines ; elle est inquiète que nombre de soldats reviennent de la campagne insensibles à la poussée révolutionnaire. Elle regrette aussi la décision de ne pas voter aux élections : « Victoire d’un extrémisme puéril, en pleine fermentation, sans nuance. »
Elle n’en participe pas moins aux manifestations, à l’issue desquelles elle est arrêtée et assassinée.
Depuis sa disparition, la mémoire de Rosa Luxemburg a été célébrée par les communistes — qui voient en elle la grande créatrice, avec Liebknecht, du parti communiste allemand —, par certains socialistes non communistes attentifs à son effort d’approfondissement du marxisme contre la Révolution russe, enfin, après 1968, par les « gauchistes » de diverses nuances, frappés par son éloge de la spontanéité des masses. De là quelques divergences notables dans les Choix d’écrits publiés depuis 1919. Chaque tendance choisit, dans une œuvre complexe, ce qui met en valeur le côté de Rosa Luxemburg qu’elle entend célébrer.
G. L.
➙ Communisme / Impérialisme / Internationales (les) / Marxisme / Socialisme / Weimar (république de).
L. Laurat, l’Accumulation du capital d’après Rosa Luxemburg (Rivière, 1931). / P. Frölich, Rosa Luxemburg, Gedanke und Tat (Éd. nouv. internat., 1939, nouv. éd., Hambourg, 1949 ; trad. fr. Rosa Luxemburg, sa vie, son œuvre, Maspero, 1965). / J. P. Nettl, Rosa Luxemburg (Londres, 1966, 2 vol. ; trad. fr. la Vie et l’œuvre de Rosa Luxemburg, Maspero, 1972, 2 vol.). / D. Guérin, Rosa Luxemburg et la spontanéité révolutionnaire (Flammarion, 1971). / G. Badia, Rosa Luxemburg (Éd. sociales, 1975).