Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
L

Lusace (suite)

Disputée pendant les premiers temps (xe-xie s.) entre les princes germaniques et polonais, saxonne du xiie au xive s., la Lusace, sous la forme des deux margraviats de Haute- et Basse-Lusace, entra dans l’État de Bohême, puis devint, dans ce cadre, autrichienne jusqu’en 1635. À la paix de Prague, l’empereur, incapable de rendre les sommes que son allié l’électeur de Saxe lui avait prêtées, céda les deux margraviats à la Saxe, qui s’étendit d’un coup en direction de la Silésie et du Brandebourg, qu’elle menaçait. L’administration saxonne ne put s’imposer complètement dans la région, et la lutte entre le gouvernement de Dresde et les privilégiés locaux pourrait expliquer en partie des activités telles que celle du piétiste Zinzendorf ; par ailleurs, la région de Cottbus resta jusqu’en 1807 un domaine brandebourgeois, puis prussien. Ce qui est remarquable, c’est le maintien de la distinction entre Haute- et Basse-Lusace, en particulier sur le plan des structures administratives. Cette distinction fut encore accentuée après 1815, quand la Prusse annexa toute la Basse-Lusace, qui fut rattachée au Brandebourg, et une grande partie de la Haute-Lusace (débordant alors à l’est de la Neisse), qui fut rattachée à la Silésie. Seule la région de Bautzen restait à la Saxe. Ces limites furent respectées malgré les bouleversements de 1918 et de 1945, encore qu’il y ait des ajustements et que la Lusace orientale, rattachée à la Pologne, ait perdu depuis tout caractère propre.

De ce fait, il n’y aurait pas lieu de s’intéresser particulièrement à la Lusace, malgré son rôle important dans l’économie de la R. D. A. Mais il y a, surtout depuis le xixe s., un problème lusacien qui entre dans le complexe plus large et extrêmement important pour l’avenir des relations intra-européennes. Il convient d’exposer les grandes lignes de ce problème.

Sur l’Elbe même, et entre l’Elbe et l’Oder, se maintinrent très longtemps des groupes slaves qui ne furent pas germanisés en profondeur après les invasions du Moyen Âge. Un de ces groupes fut celui des Sorabes (souvent confondus par les Allemands avec les autres Wendes). Le pays qu’ils habitaient portait le nom d’un peuple slave, les Łužici, qui avaient été écrasés par les margraves de l’époque postcarolingienne. Très tôt, le territoire, qui était une importante région de passage, fut entraîné dans les conflits entre États germaniques, Bohême et Pologne. La Bohême put maintenir des liens avec la partie catholique de la Lusace, notamment après la création à Prague, en 1706, d’un « séminaire wende ». L’influence tchèque fut aussi considérable dans la première moitié du xixe s., au moment où parurent les premiers périodiques en sorabe et où l’affaire lusacienne se trouvait, dans son ensemble, au centre des relations entre Saxe et Prusse. Une société dite « Maćica Serbska » fut fondée en 1847 et se consacra à l’édition de périodiques, de livres et de manuels scolaires ; en 1904, elle put s’installer dans son immeuble propre, en plein centre de Bautzen.

Après la Première Guerre mondiale et malgré l’appui des Tchèques, qui tenaient à reprendre la politique de la Grande Bohême, la Lusace sorabe ne put devenir indépendante, et si la Constitution de Weimar lui garantissait une certaine autonomie culturelle, les autorités de Berlin étaient très conscientes du danger que présentaient sinon les Sorabes eux-mêmes, du moins l’exploitation de la situation par les Tchèques et les Polonais (en concurrence depuis le milieu du xixe s. pour s’imposer comme protecteurs de ces petits frères slaves). Elles cherchèrent à germaniser la région, processus bien engagé depuis la révolution industrielle du xixe s. et contre lequel la société Domowina, créée en 1912, avait de la peine à lutter. Le Bund Deutscher Osten de Theodor Oberländer (qui sera ministre de Adenauer) accentua cette action après 1935 dans le cadre de la politique centralisatrice et germanique du national-socialisme. Seules restèrent autorisées les publications sorabes de l’Église catholique.

Plus que 1945, c’est 1947 qui marque la reprise de l’action sorabe dans le cadre de la zone soviétique (devenue en 1949 la République démocratique allemande). Les divers textes constitutionnels confirmèrent les droits des Sorabes, après que la réforme agraire de 1945 eut favorisé un nombre important de petits paysans sorabes. Aujourd’hui, un certain nombre de cantons sont considérés officiellement comme bilingues, des écoles sorabes ont été organisées, mais on ne peut pas définir exactement l’aire proprement sorabe sinon en tenant compte de la diffusion des éditions de la Domowina (y compris les revues scientifiques) et de l’écoute des programmes en sorabe (en fait : dans les deux langues sorabes) de la radio de la R. D. A. Le parti socialiste unifié a de toute manière canalisé le mouvement sorabe, cependant que l’Église catholique lui manifeste un grand intérêt en Haute-Lusace. Les quelque 70 000 personnes qui parlent encore effectivement une des deux langues sorabes suffisent-elles pour s’opposer à une évolution qui est davantage sociale et économique que proprement politique ?

J.-B. N.

➙ Allemande (République démocratique).

 T. Schletz, Gesamtgeschichte der Ober- und Nieder-Lausitz (Bautzen, 1847-1882 ; 2 vol.). / R. Lehmann, Geschichte des Markgraftums Nieder-Lausitz (Berlin, 1937 ; 2e éd., Geschichte der Nieder-Lausitz, 1963) ; Urkundeninventar zur Geschichte der Nieder-Lausitz bis 1400 (Cologne, 1968). / G. Stone, The Smallest Slavonic Nation, the Sorbs of Lusatia (New York, 1972).

luth

Instrument de musique à cordes pincées. La forme luth dérive de l’arabe al-‘ūd.


Comme l’indique l’étymologie latine de son nom, testudo, le luth serait le descendant de l’illustre cithare antique, que le jeune dieu Mercure construisit à l’aide d’une carapace de tortue trouvée sur les bords du Nil... En dépit des recherches effectuées, nous ne possédons aucune précision sur le moment où la caisse de résonance de la cithare s’est vu munir d’un manche, donnant ainsi naissance au nouvel instrument. Certains organologues situent cette adjonction au IIe millénaire avant notre ère, mais est-ce en Assyrie, en Cappadoce ou en Égypte ? Aucun document n’a encore permis de le préciser. La seule certitude que nous possédions, c’est que de nombreux types de luths existent, dès l’Antiquité, dans les pays orientaux. Certains, à long manche, figurent à mainte reprise dans les bas-reliefs égyptiens ; d’autres, à manche court, sont employés en Iran, en Chine, en Inde, à Java, puis dans le Proche-Orient islamique. De là, ce type de luth passe en Espagne par l’intermédiaire des invasions arabes et se diffuse sur tout le continent européen.