Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
L

Lurçat (Jean) (suite)

Voici les principaux faits de sa carrière : en 1913, il fonde à Paris une revue, les Feuilles de mai, à laquelle collaboreront Bourdelle, Élie Faure, Charles Vildrac... ; en 1914, après avoir voyagé en Italie, il s’engage dans l’infanterie ; blessé, il est versé dans le service auxiliaire en 1917 ; la même année, exposition à Zurich (peintures) et premières tapisseries exécutées par sa mère au point de canevas (sorte de broderie) ; nombreux voyages à partir de 1918 ; 1920, peintures à Seiano près de Sorrente, tapisseries au point de canevas (Pêcheurs et Piscine) exécutées par Marthe Hennebert ; expositions à Zurich, à Berne et à Paris, au Salon des artistes indépendants ; 1921, décors et costumes pour la compagnie Pitoëff ; 1922, premières expositions particulières à Paris, tapisserie au canevas (le Cirque), décoration murale au château de Villeflix ; 1923, voyage en Espagne ; 1924, en Afrique du Nord, Grèce, Asie Mineure ; tapisserie au canevas, les Arabes ; s’installe à Paris, villa Seurat, dans une maison bâtie par son frère André Lurçat ; 1925, Afrique du Nord, Espagne, Écosse ; exposition à Paris, galerie Jeanne Bucher ; 1927, tapisseries au canevas, dont l’Orage pour M. Georges Salles (léguée au musée national d’Art moderne) ; 1928, voyage en Grèce, à Rome, à New York, où il expose peintures et gouaches ; 1930, expositions à Londres et à New York ; tapisserie au canevas, l’Été, exécutée par les ateliers Hennebert à Toulon ; 1931, s’installe à Vevey en Suisse ; 1933, travaille à New York (décors et costumes pour un ballet) ; première tapisserie de lisse (l’Orage) exécutée à Aubusson pour le compte de Mme Cuttoli ; 1934, séjours à New York et à Moscou ; 1936, première tapisserie exécutée à la manufacture nationale des Gobelins, les Illusions d’Icare, suivie de Forêts (1937).

En raison du succès immédiatement remporté et aussi de la révélation qu’est pour lui en 1938, à Angers*, la tenture de l’Apocalypse, Jean Lurçat, désormais, se consacrera surtout à la rénovation de la tapisserie à Aubusson. Parmi les quatre cent cinquante pièces de sa production, et sans parler de thèmes favoris comme celui du Coq, il faut citer Liberté (1943, musée national d’Art moderne), la Tapisserie de l’Apocalypse (1947, église d’Assy), le Vin (1947, musée du Vin de Bourgogne à Beaune), Hommage aux morts de la Résistance et de la Déportation (1954, musée national d’Art moderne), la Rose et le colibri (1955, maison de France à Rio de Janeiro) et, couronnement de cette carrière, le Chant du monde, tenture dont les dix pièces achevées ont été acquises par la ville d’Angers : « la Bombe atomique », « l’Homme d’Hiroshima », « la Fin de tout », « l’Homme en gloire dans la paix », « le Feu et l’eau », « le Grand Charnier », « Champagne », « la Conquête de l’espace », « la Poésie », « Ornamentos sagrados ». Infatigable voyageur, Lurçat a continué de parcourir le monde, présent aux multiples expositions de son œuvre, tout en exécutant, outre ses cartons de tapisserie, gouaches, lithographies, illustrations de livres et céramiques.

Peintre, Jean Lurçat se rattache au cubisme et au surréalisme ; cartonnier, consacré officiellement comme l’initiateur d’une brillante renaissance de la tapisserie dans sa technique originelle, il est le maître d’un art aux libres métamorphoses, à la fois fantastique, intemporel et délibérément inséré au cœur de la réalité, celle du cosmos et celle de l’homme. Il a notamment exprimé ses idées dans l’ouvrage Tapisserie française (1947).

M. G.

➙ Tapisserie.

 C. A. Cingria, Lurçat ou la Peinture avec des phares (Amsterdam, 1927). / P. Soupault, Jean Lurçat, (Éd. « Cahiers d’art », 1928). / J. Marcenac, l’Exemple de Jean Lurçat (Falaize, 1952). / C. Roy, Jean Lurçat (Caillier, Genève, 1956 ; nouv. éd., 1962). / Hommage à J. Lurçat, le Chant du monde (Centre international de la Tapisserie ancienne et moderne, 1967).

Lusace

En allem. Lausitz, en sorabe Lužica, région de l’Europe centrale, aux confins de l’Allemagne orientale, de la Pologne et de la Tchécoslovaquie.


La Lusace, historiquement divisée en Haute- et Basse-Lusace, occupe le bassin de la haute et moyenne Spree et de la Schwarze Elster, toutes deux appartenant au bassin de l’Elbe. Depuis 1945, elle est partagée à l’est par la Görlitzer Neisse (ou Neisse de Lusace), affluent de l’Oder, entre la République démocratique allemande et la Pologne.

La Lusace, qui a été longtemps une région politique — dans le cadre de la couronne de Bohême d’abord, du duché de Saxe ensuite —, n’est plus qu’une région linguistique assez mal définie, dans la mesure où une partie non négligeable de la population parle une des deux langues (bas et haut sorabe) et qu’elle dispose d’une certaine autonomie culturelle. Mais la Lusace est partagée entre deux districts, celui de Dresde et celui de Cottbus, comme elle a été, après 1815, partagée entre la Prusse et la Saxe. L’afflux de population germanophone, venue souvent des terres à l’est de l’Oder, l’industrialisation de la région (complexe thermo-électrique et chimique de Schwarze Pumpe, développement de l’ancienne industrie textile et création d’industrie métallurgique), au sud, ont modifié les structures ethniques de la région, en favorisant l’urbanisation ; les principales villes lusaciennes sont Cottbus (Chośebuz) qui atteint 100 000 habitants, Bautzen (Budišin), Guben et Görlitz.

L’éveil d’une certaine conscience nationale sorabe n’a eu lieu qu’au xixe s., sous l’influence des mouvements slaves et sans doute en partie grâce à la rivalité entre la Prusse et la Saxe. Pendant tous les siècles qui précédèrent cette époque, la Lusace germanophone ou sorabophone joue un rôle assez particulier dans le cadre des États elbiens, notamment la Bohême et la Saxe. Sans avoir jamais pu constituer un État, elle a pu sauvegarder pendant longtemps une certaine autonomie et a donné au monde germano-slave des hommes tels que le philosophe Jakob Böhme (1575-1624), le physicien E. W. von Tschirnhaus (1651-1708), Lessing*, Fichte* et, récemment, l’écrivain Jurij Brězan (né en 1916). L’esprit d’indépendance s’affirma dans la noblesse, mais aussi dans les villes qui constituèrent au xive s. la célèbre Hexapole (Görlitz, Lauban, Bautzen, Zittau, Löbau, Kamenz) et dans le clergé, qui — protestant ou catholique — chercha à se soustraire à l’autorité civile également en perpétuant l’usage des dialectes sorabes.