Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
L

Louis XIII (suite)

Le relèvement de l’État, affaires intérieures

Pour remédier à la médiocrité de l’administration, livrée à des officiers possesseurs héréditaires de leurs charges, le seul moyen est d’envoyer dans les provinces des commissaires royaux chargés d’une mission déterminée. C’est l’unique voie pour permettre au roi de rétablir son autorité dans tous les pays, puisqu’il est incapable de supprimer la vénalité en remboursant les offices.

Il est nécessaire d’instituer une nouvelle administration à côté de celle des officiers. Les intendants, bien établis à la fin du règne de Louis XIII, sont issus des commissaires délégués par le roi. Ils sont choisis principalement parmi les maîtres des requêtes, magistrats initiés aux affaires de finances et d’administration. L’institution des intendants, contrairement à celle des commissaires, vise à substituer aux offices une administration locale étroitement dépendante du roi. On voit les intendants étendre peu à peu leurs compétences ; justice, police, finances. Cette évolution s’achève avec le règne de Louis XIII. Son successeur, après la tourmente de la Fronde, n’aura qu’à poursuivre dans cette voie.

Richelieu fait siennes les théories politiques de son temps, celles d’un Cardin Le Bret (1558-1655), auteur d’un Traité de la souveraineté du roi, de son domaine et de sa couronne (1632), d’un Jean de Silhon (1596-1667) ou d’un Nicolas Faret (1596-1646), à qui l’on doit un Recueil de lettres nouvelles (1627) qui prônent l’absolutisme et la raison d’État. Le cardinal veut que les intérêts particuliers cèdent partout à l’intérêt supérieur de l’État.

Il considère la France comme « un homme malade à qui il faut porter remède ». Il trace le programme de son action dans une phrase célèbre : « Je lui promis [au roi] d’employer toute mon industrie et toute l’autorité qu’il lui plairait de me donner pour vaincre le parti huguenot, rabaisser l’orgueil des Grands, réduire tous ses sujets en leur devoir et relever son nom dans les nations étrangères, au point où il devait être. »

Au service de cette politique, Richelieu sait mobiliser la force nouvelle de l’opinion publique, qui naît à cette époque. Il a soin par des pamphlétaires et des propagandistes à gages de l’éclairer et de l’orienter ; il soutient la Gazette (1631) de Théophraste Renaudot (1586-1653) et fonde l’Académie française (1635).

La grandeur de l’État passant par la prospérité du pays, le ministre veut d’abord relever notre marine, car le trafic des marchandises françaises est assuré par des marins étrangers. La méditerranée est peu sûre à cause des Barbaresques, et l’Espagne, en même temps qu’elle réduit les importations françaises, reconstruit une forte marine de commerce. Notre marine de guerre est très faible, alors que les protestants, majoritaires sur les côtes de l’Ouest, peuvent en cas de conflit appeler les Anglais dans le royaume. Richelieu achète en 1626 la charge d’amiral de France, qu’il supprime l’année suivante ; il est alors nommé grand maître et surintendant général de la navigation et du commerce ; bientôt, la garde des côtes et la navigation commerciale sont restaurées.

Le développement de la marine permet de libérer le grand commerce de mer et de fonder des colonies : c’est l’exploitation du Canada (pelleteries) et surtout des Antilles (tabac, canne à sucre, coton), avec la réorganisation en 1635 de la Compagnie des îles d’Amérique. En Méditerranée, on rétablit la sécurité (traité avec le Maroc), qui permet de pêcher le corail ; le trafic avec la Baltique redevient prospère après un traité avantageux avec le Danemark (1629). En outre, le service des postes est entièrement réformé et contrôlé par la royauté.

Un même souci de réorganisation et de reprise en main explique l’attitude du pouvoir envers la noblesse. Richelieu désirant que les gentilshommes jouent un rôle essentiel dans l’État et non qu’ils soient une cause de troubles, les grands sont remis à leur place (complot et exécution du comte de Chalais [1599-1626], législation contre les duels, démantèlement des châteaux forts). Par le code Michau (1629), les nobles peuvent participer aux compagnies de commerce, et les roturiers sont anoblis s’ils entretiennent cinq ans durant un navire marchand. Petite révolution dans la mentalité de l’époque : désormais, on peut accéder à la noblesse par le commerce et non plus seulement par le service armé ou par l’achat des offices.

La lutte contre les protestants, qui culmine en 1628 avec la prise de La Rochelle, est autant une lutte contre la puissance commerciale de l’Angleterre qu’une croisade religieuse. La victoire royale, c’est la libération des côtes de l’Atlantique et l’affermissement de la puissance maritime de la France. La paix d’Alès, en 1629, si elle supprime les privilèges politiques des religionnaires (forces militaires et assemblées politiques), ne touche pas à leurs garanties judiciaires ou religieuses ; de plus, le culte catholique peut être partout rétabli, ouvrant ainsi de nouveaux champs à la Contre-Réforme et satisfaisant le parti dévot.

Le point noir de cette administration, ce sont les finances. La population paysanne est dépourvue d’une monnaie saine, et la vie enchérit alors que les impôts augmentent. Un misère affreuse s’étend dans les campagnes, y occasionnant des révoltes sanglantes, cruellement réprimées : révoltes du « Lanturelu » en Bourgogne en 1629-30, des croquants dans le Sud-Ouest en 1636 et 1637, des va-nu-pieds en Normandie en 1639. Sans chefs, sans moyens de pression sur les villes, ces révoltes sont toujours vouées à l’échec, mais, régnant à l’état endémique, elles entretiennent un climat d’instabilité dont l’opposition au ministre, qui regroupe les dévots conduits par Michel de Marillac (1563-1632) et Gaston d’Orléans, frère du roi et héritier du trône jusqu’en 1638, cherche à tirer parti.

En 1630, à la journée des Dupes (10 nov.), Richelieu manque d’en être la victime, mais Louis XIII lui conserve sa confiance, et leur entente ne sera plus troublée jusqu’au complot de Cinq-Mars en 1642.