Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Louis XIII (suite)

Toutefois, si la noblesse est atteinte par toutes ces transformations, il faut se garder de la croire ruinée. Son prestige demeure intact, tout ce qui compte en France ne rêve que d’anoblissement. La force de cette classe réside dans ses privilèges (exemptions d’impôts, revenus dus aux libéralités royales ou aux services de guerre, bénéfices ecclésiastiques, etc.), qui pallient en grande partie la dégradation de sa situation économique, et aussi dans le système de la « clientèle », qui renforce sa cohésion. Tout noble, pour parvenir, doit s’appuyer sur un puissant, en être le « client », et tout grand seigneur l’est d’autant plus qu’il possède de nombreux clients. C’est ce qui explique la puissance et le soulèvement des grands au temps de la régence de Marie de Médicis et de la Fronde*.

Le clergé, lui, malgré les apparences et bien qu’il soit lié au roi depuis le concordat de 1516, n’est pas plus docile. Il est partagé entre l’influence des Jésuites et des Capucins, qui poussent à l’adoption du concile de Trente et des doctrines ultramontaines, et celle des gallicans. Tout le clergé se retrouve uni pour critiquer âprement l’édit de Nantes et la tolérance du pouvoir envers les hérétiques.

Le tiers état comprend des groupes sociaux entièrement différents, la bourgeoisie de robe et celle des officiers dominant nettement par son prestige et ses pouvoirs, judiciaires ou politiques. L’hérédité des charges, désormais acquise, fait des officiers une sorte de noblesse parallèle à celle d’épée, dans laquelle, grâce au temps et à ses richesses, elle parvient peu à peu à se fondre.

Cette situation a placé sur le royaume une administration routinière, égoïste, limitée étroitement aux intérêts de clocher. On verra les efforts de Louis XIII pour y remédier. La bourgeoisie de négoce est celle qui s’enrichit le plus, mais elle n’aspire, fortune faite, qu’à acheter une charge d’officier afin d’acquérir gloire et autorité.

Bien en dessous vient le monde des métiers, organisé dans des corporations* qui étouffent toute promotion sociale en perpétuant les privilèges des maîtres et de leurs héritiers. L’élite de cette classe est constituée par les orfèvres, drapiers, bouchers, imprimeurs, libraires, etc.

Les paysans, plus de 90 p. 100 de la population, font vivre les privilégiés, nobles, clercs ou officiers. Les tares principales de cette classe sont le trop grand morcellement des propriétés, grevées de rentes féodales et de charges de toutes sortes. Le groupe des laboureurs comprend tous ceux qui possèdent terres, animaux ou instruments d’exploitation, tenanciers, fermiers ou métayers. Mais leur sort est précaire, car il n’y a pas d’amélioration technique, pas d’engrais, peu de prairies, et la vaine pâture donne un bétail médiocre ; en outre, le système féodal a été remplacé par une exploitation économique plus intense avec l’achat des terres par la bourgeoisie.

Les journaliers, ou « brassiers », ceux qui n’ont que leurs bras, doivent travailler chez les autres et sont encore plus malheureux. Enfin, en dehors de tout groupe, on trouve le monde des vagabonds et des mendiants. Ainsi, au-dessous des couches les plus pauvres, il y a encore les inorganisés échappant à tout ordre ou classe.


Du duc de Luynes au cardinal de Richelieu (1617-1624)

À la tête d’un tel organisme, une forte autorité est indispensable. La régente Marie de Médicis n’a pas les qualités nécessaires. Son gouvernement se traduit par le règne des Concini*, la révolte des grands, l’effacement de la France sur les théâtres européens. Mais les états généraux de 1614, à l’instar de ceux de 1484, ne suivent pas la noblesse dans ses errements, et, en fin de compte, l’accord du clergé et du tiers état contre les brouillons de l’ordre nobiliaire renforce la monarchie.

Lassé de cette anarchie, le jeune Louis XIII, poussé par son favori Charles d’Albert, duc de Luynes (1578-1621), fait exécuter Concino Concini en 1617, écarte sa mère du gouvernement et prend le pouvoir. Le roi a alors seize ans et demi. Sa personnalité, déformée par les romantiques, a été éclipsée par celle de Richelieu. Louis XIII avait pourtant une grande foi en sa mission. Sa santé, en partie à cause de l’ignorance des praticiens (« J’ai eu le malheur des grands qui sont livrés à la conduite des médecins » s’écriait-il à la fin de sa vie), fut toujours précaire. Charles Bouvard, (v. 1572-1658), son médecin, ne lui avait-il pas prescrit en une seule année quarante-sept saignées, deux cent douze médications et deux cent quinze lavements !

L’éducation sévère qu’il avait reçue à l’instigation d’Henri IV n’avait fait qu’exacerber une nervosité déjà excessive. Très dévot, ami des arts, il composait lui-même de la musique et dessinait. Il ne trouva l’amour ni auprès de son épouse, Anne* d’Autriche, ni auprès d’aucune femme. Des amitiés masculines très vives, ou plutôt des passions, comblèrent les désirs amoureux du roi : Luynes d’abord, puis le duc de Saint-Simon (1607-1693), Baradas, enfin le marquis de Cinq-Mars (1620-1642), le plus connu.

En 1617, Louis XIII trouve une France où triomphe la Contre-Réforme* catholique ; Capucins, Jésuites, Ursulines fondent leurs établissements, des prélats zélés comme saint François* de Sales ou Bérulle* travaillent à la renaissance religieuse. Les protestants s’alarmeront surtout lorsque le roi décidera en 1620 de rétablir le catholicisme dans le Béarn.

L’expédition de 1621-22 aboutit à la paix de Montpellier, qui confirme l’édit de Nantes. Luynes est mort en décembre 1621. La reine mère, revenue en grâce, s’emploie alors à imposer un de ses anciens conseillers du temps de Concini, l’évêque de Luçon, Armand de Richelieu*. Le roi le fait nommer cardinal, et, le 29 avril 1624. Richelieu entre au Conseil du roi. Il va gouverner la France jusqu’à sa mort. Mais jamais il n’agit sans l’aveu de Louis XIII. Tout son pouvoir, Richelieu ne le tient que de la faveur du roi, et le mérite de Louis XIII sera de reconnaître les éminentes qualités de son ministre et de le soutenir contre vents et marées. Dans cette perspective, l’affaire Cinq-Mars prend tout son relief : Richelieu ne peut en effet tolérer que quelqu’un sape la confiance que le souverain a en sa personne.