Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
L

Louis XIII (suite)

Une politique européenne

« Si le roi se résout à la guerre, écrit Richelieu, il faut quitter toute pensée de repos, d’épargne et de règlement au-dedans du royaume. » En effet, c’est le poids de la guerre qui explique la lourdeur des impositions et partant les troubles des campagnes, c’est la guerre qui est la cause de la demi-réussite de la politique intérieure ; les efforts justement entrepris pour vivifier l’économie, développer les richesses sont compromis par les nécessités fiscales et militaires qui replongent le pays dans la misère.

En 1629, la France fait la guerre au duc de Savoie et aux Espagnols. Le but cherché est d’empêcher l’établissement d’une jonction terrestre entre les territoires des Habsbourg d’Espagne en Italie et ceux des Habsbourg d’Autriche. Louis XIII ayant été victorieux au pas de use, la France, en 1631, obtient satisfaction au traité de Cherasco.

Dans l’Empire ravagé par la guerre de Trente* Ans, Richelieu appuie la Bavière et — au grand scandale des dévots — les princes protestants ainsi que Gustave II* Adolphe contre l’empereur. Il s’agit toujours de la lutte séculaire contre la maison d’Autriche. En 1632, Louis XIII obtient du duc de Lorraine, Charles IV, des concessions avantageuses. En 1634, la France occupe la Lorraine et, en 1635, elle participe directement à la guerre de Trente Ans. Après des revers, les Espagnols pénètrent en 1636 dans le royaume jusqu’à Corbie et provoquent une panique à Paris ; la situation se rétablit à partir de 1640 (prise d’Arras et de Turin).

En fait, il est heureux qu’à cette époque l’Empire ait été affaibli par la terrible guerre de Trente Ans et que l’Espagne ait été la proie d’une crise économique et en butte à la sécession de la Catalogne et du Portugal, car une France encore mal affermie, travaillée par des révoltes internes, incapable de restaurer de bonnes finances aurait peut-être succombé.


Bilan d’un règne

Ces années de guerres et de troubles dans les provinces ont épuisé le roi. La trahison de ses proches, les conspirations de sa mère, de son frère, de sa femme ont aigri son caractère. La naissance inattendue d’un dauphin en 1638 a cependant consolidé la politique du roi et de Richelieu, mais, en 1642, le complot avec l’Espagne de son meilleur ami, Cinq-Mars, qui envisageait de le détrôner, a vivement affecté le roi, qui a fait exécuter son favori.

Quelques mois plus tard, il perd Richelieu. Miné par la phtisie, il succombe peu après, le 14 mai 1643, trente-trois ans exactement après que son père a été assassiné par Ravaillac.

Louis XIII laisse un royaume plus étendu que celui qu’il a reçu. En 1643, la France domine au nord, en Artois, et à l’est, en Lorraine ; elle occupe le Roussillon et tient des places fortes en Piémont ; ses frontières sont mieux assurées, des alliances solides avec le Portugal, la Suède, les princes protestants allemands et la Bavière complètent ce système de défense. Des colonies ou des comptoirs français sont installés au Canada, aux Antilles, au Sénégal et à Madagascar.

La France s’est engagée définitivement dans la voie d’une économie capitaliste par le développement de sa marine, du grand commerce et des colonies, mais la situation intérieure est précaire, les paysans écrasés d’impôts, les nobles mécontents du joug de l’État et les officiers de voir leur puissance mise en échec par celle des intendants royaux.

Toutefois, Louis XIII, en soutenant la politique de Richelieu, a engagé, d’une manière irréversible, la France dans la voie de la souveraineté absolue de l’État ; l’autorité du roi et de ses fonctionnaires s’est solidement installée aux dépens de tous les anciens privilégiés. Louis XIV et ses ministres n’auront qu’à renouer, après l’intermède de la régence, avec cette politique pour voir triompher l’absolutisme.

P. P. et P. R.

➙ Anne d’Autriche / Concini / Empire colonial français / Marie de Médicis / Richelieu / Trente Ans (guerre de).

 G. Hanotaux, la France en 1614 (Nelson, 1914). / L. Batiffol, Richelieu et le roi Louis XIII (Calmann-Lévy, 1934). / V.-L. Tapié, la France de Louis XIII et de Richelieu (Flammarion, 1952). / G. Mongrédien, la Journée des Dupes, 10 novembre 1630 (Gallimard, 1961). / H. Méthivier, le Siècle de Louis XIII (P. U. F., coll. « Que sais-je ? », 1964 ; 3e éd., 1971). / E. Thuau, Raison d’État et pensée politique à l’époque de Richelieu (A. Colin, 1966). / R. Mousnier, Fureurs paysannes (Calmann-Lévy, 1968). / P. Erlanger, Louis XIII, le stoïcien de la monarchie (Perrin, 1972).

Louis XIII (styles Henri IV et)

Les traditions artistiques n’étaient pas moins perturbées que le royaume à l’aube du règne réparateur d’Henri IV.


La technologie médiévale était oubliée ; les formules de la Renaissance*, dont le palais de Fontainebleau* constituait le conservatoire et proposait les exemples, étaient appliquées par des épigones dont aucun n’avait l’étoffe d’un animateur : ni Jacob Bunel (1551 ou 1558-1614), peintre du roi, ni Henri Lerambert (1550-1609), peintre des tapisseries, ni Barthélemy Prieur, le statuaire († 1611). Les modèles italiens conservaient leur prestige, et les artistes flamands italianisés leur rôle actif. Les Français, désorientés, éprouvent le besoin d’un principe directeur. Quelle autorité consulter si ce n’est l’Antiquité, mère des arts, c’est-à-dire Rome ? Toute une génération d’artistes s’achemine vers la Ville éternelle, souvent au prix d’héroïques sacrifices : le Valentin*, Simon Vouet*, François Perrier, Jacques Callot*, Nicolas Poussin*, Claude Lorrain*, parmi ceux qui seront des maîtres. Les arts d’expression se font tout romains. Les métiers d’art, soumis aux contraintes de l’usage, ne laissent pas d’emprunter à l’Antiquité leurs motifs ornementaux, qui s’associent aux formes italiennes et hispano-flamandes. Ces dernières prédomineront.