Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
L

lollards (suite)

Les « lollards » (nom donné au xive s. par leurs adversaires à certains disciples du préréformateur anglais Wycliffe : « semeurs d’ivraie ») s’inscrivent dans le grand mouvement de contestation des gloires et privilèges ecclésiastiques inauguré au xiiie s. par les « ordres mendiants » (en premier lieu, les Franciscains), mais il s’agit là de laïques appartenant en majorité à la bourgeoisie et continuant à exercer leur métier tout en s’efforçant, grâce à une stricte discipline et à un contrôle fraternel exigeant, à incarner l’idéal de dépouillement du Christ serviteur. Parallèlement aux béguines des Flandres, ils forment une sorte de tiers ordre masculin, directement inspiré par les Franciscains, mais avec une radicale mise en question de la théologie et des formes liturgiques reçues qui va rapidement les faire considérer comme hérétiques et amener leur condamnation : ainsi, un certain Walter Lollhard (!) est brûlé à Cologne en 1322 ; il partageait avec ses frères la conviction que les sacrements étaient inutiles, que la véritable Église était invisible et que le peuple était indépendant à l’égard de l’autorité du roi et du pape. On a donc affaire à la fois à un mouvement de destruction de tout l’appareil idéologique du christianisme historique, doublé d’une vigoureuse contestation socio-politique, allant très loin en direction de l’anarchisme.

De façon concrète, les lollards se consacraient au service des malades et à l’enterrement gratuit des morts, s’efforçant de traduire dans leur vie quotidienne le grand appel à la rencontre et au service du Christ dans « les plus petits d’entre ses frères » (Matth., xxv, 40). On les appelait tantôt « cellites », parce que, sans se séparer de la société, ils vivaient néanmoins en cellules, tantôt « lollards » parce que les membres de leur confrérie avaient coutume de chanter à voix basse des hymnes funèbres en portant les morts au cimetière (d’où « lollards », du bas-allemand lollen ou lullen : chanter doucement).

Beaucoup d’entre eux, comme ce Walter Lollhard, qui avait sans doute fait son nom propre du nom de tout le groupe, qu’il dirigeait et auquel il s’était identifié, professaient des doctrines apocalyptiques, annonçant l’imminence des châtiments célestes et refusant pour cause d’imminence eschatologique le mariage « prostitution jurée », l’invocation des saints et l’extrême-onction. À sa mort, une effroyable persécution, conduite par l’Inquisition, s’abattit sur ses quatre-vingt mille disciples, mais la secte n’en fut pas, pour autant, détruite.

C’est l’affirmation centrale du sacerdoce de tous les baptisés et l’appel à la responsabilité des laïques qui amenèrent les lollards d’Angleterre à se joindre au mouvement lancé par John Wycliffe, cependant que, pour les mêmes raisons, ils devinrent en Bohême les plus fermes partisans de Jan Hus et de son interprétation révolutionnaire de l’Évangile.

G. C.

➙ Hus / Wycliffe.

Lombards

Peuple du groupe des Germains orientaux, qui parlait un dialecte westique (Elbgermanisch).



Les origines

Les Lombards apparaissent dans l’histoire en 5 av. J.-C. Vaincus alors sur la basse Elbe par Tibère, ils migrent vers le sud-est à la fin du ier ou au début du iie s. apr. J.-C. Établis aux frontières de la Pannonie romaine en 167, alliés des Quades, des Marcomans et des Sarmates, ils envahissent en 489 le pays des Ruges. Au début du vie s. ils pénètrent en Pannonie. Devenus semi-nomades, ils multiplient leurs raids en Dalmatie sous le règne de Wacho (v. 510-540), contrôlent l’enrichissant trafic Aquilée-mer Baltique, empruntent aux Romains leurs cadres militaires (ducs, comtes, etc.), et s’arianisent. Ils combattent à titre personnel dans l’armée impériale, signent peu après 540 un fœdus avec Justinien Ier*, qu’ils aident à conquérir la plaine du Pô en 552, et s’unissent aux Avars pour éliminer les Gépides en 567, avant de pénétrer le 20 mai 568 dans l’Italie byzantine pour échapper aux ambitions de leurs dangereux alliés.


La conquête de l’Italie

Occupant dès 568 la Vénétie, à l’exception du littoral, contrôlant l’essentiel de la plaine du Pô en 569, Alboïn assiège et prend Pavie (569-572). En même temps, les ducs lombards occupent la Toscane et jettent vers 575 les bases des futurs duchés de Spolète et de Bénévent.

Après l’assassinat d’Alboïn en 572, puis après celui de Cleph en 574, trente-cinq ducs lombards théoriquement confédérés gouvernent dans l’anarchie l’Italie, où les exarques byzantins reconquièrent notamment Classis, port de Ravenne, en 589. Aussi la monarchie est-elle restaurée au profit d’Authari (584-590), qui met un terme à ces échecs. Sous ses successeurs, Agilulf (590-616), Adaloald (616-626), Arioald (626-636) et Rothari (636-652), les Lombards occupent une grande partie de l’exarchat, qui perd ses dernières enclaves fortifiées en territoire ennemi vers 640 (Gênes) et vers 650 (Oderzo, en Haute-Istrie).


L’État lombard

Organisé en fait par Agilulf, qui se convertit au catholicisme en 607 après son mariage avec une princesse bavaroise catholique, Théodelinde, gouverné d’abord depuis Vérone, puis depuis Pavie à partir de 626, l’État lombard est un royaume dont le souverain est théoriquement absolu et héréditaire. Le pouvoir de celui-ci, chef de guerre et justicier suprême, est limité en fait par les grands, qui ont procédé à son élection et contrôlent ses actes législatifs, lesquels sont expédiés par une chancellerie de type romain. Siège de l’Administration centrale, la Cour royale comprend quelques grands officiers (maréchal, maire du palais, trésorier, porte-épée), qui l’aident à gouverner ce royaume, divisé en trois régions : Austria, Neustria et Tuscia, elles-mêmes découpées en une trentaine de duchés. Excluant ceux de Spolète et de Bénévent, pratiquement indépendants, leurs territoires correspondent approximativement aux anciennes civitates romaines ; chacun d’eux constitue le ressort d’un exercitus commandé par un duc, ce qui explique généralement le caractère compact et ponctuel de la colonisation lombarde ; celle-ci est installée par fara (peuplade) ou par arimannia (« centaines »), ce qui facilite le maintien de l’obligation du service militaire imposé aux arimanni (soldats), dont l’équipement est fonction de leurs ressources. Face aux ducs, qui tendent à l’hérédité de leurs fonctions, le roi nomme des gastaldi (ou comtes), administrateurs de domaines et seuls détenteurs des pouvoirs publics, à l’exception du pouvoir judiciaire ; ce dernier revient dans chaque circonscription à un judex, qui rend la justice selon le droit lombard codifié en 643 par l’Edictus Langobardorum de Rothari (636-652), qui maintient la tarification des peines en fonction du rang social des victimes : gasindi, appartenant au service particulier du roi ; adelingi, guerriers de noble extraction ; aldiones, libres de leur personne, mais fixés au sol par le service d’un seigneur ; affranchis et enfin esclaves. Quant aux Romains, leur autonomie juridique paraît n’avoir été reconnue que très tardivement par les Lombards. Ceux-ci leur doivent pourtant leur évolution culturelle, qui les distingue des autres peuples germaniques : urbanisation plus importante ; latinisation plus profonde (Paul Diacre [v. 720 - v. 799]) ; art plus classique, enrichi d’apports byzantins (bandes lombardes) et orientaux.