lollards (suite)
Les « lollards » (nom donné au xive s. par leurs adversaires à certains disciples du préréformateur anglais Wycliffe : « semeurs d’ivraie ») s’inscrivent dans le grand mouvement de contestation des gloires et privilèges ecclésiastiques inauguré au xiiie s. par les « ordres mendiants » (en premier lieu, les Franciscains), mais il s’agit là de laïques appartenant en majorité à la bourgeoisie et continuant à exercer leur métier tout en s’efforçant, grâce à une stricte discipline et à un contrôle fraternel exigeant, à incarner l’idéal de dépouillement du Christ serviteur. Parallèlement aux béguines des Flandres, ils forment une sorte de tiers ordre masculin, directement inspiré par les Franciscains, mais avec une radicale mise en question de la théologie et des formes liturgiques reçues qui va rapidement les faire considérer comme hérétiques et amener leur condamnation : ainsi, un certain Walter Lollhard (!) est brûlé à Cologne en 1322 ; il partageait avec ses frères la conviction que les sacrements étaient inutiles, que la véritable Église était invisible et que le peuple était indépendant à l’égard de l’autorité du roi et du pape. On a donc affaire à la fois à un mouvement de destruction de tout l’appareil idéologique du christianisme historique, doublé d’une vigoureuse contestation socio-politique, allant très loin en direction de l’anarchisme.
De façon concrète, les lollards se consacraient au service des malades et à l’enterrement gratuit des morts, s’efforçant de traduire dans leur vie quotidienne le grand appel à la rencontre et au service du Christ dans « les plus petits d’entre ses frères » (Matth., xxv, 40). On les appelait tantôt « cellites », parce que, sans se séparer de la société, ils vivaient néanmoins en cellules, tantôt « lollards » parce que les membres de leur confrérie avaient coutume de chanter à voix basse des hymnes funèbres en portant les morts au cimetière (d’où « lollards », du bas-allemand lollen ou lullen : chanter doucement).
Beaucoup d’entre eux, comme ce Walter Lollhard, qui avait sans doute fait son nom propre du nom de tout le groupe, qu’il dirigeait et auquel il s’était identifié, professaient des doctrines apocalyptiques, annonçant l’imminence des châtiments célestes et refusant pour cause d’imminence eschatologique le mariage « prostitution jurée », l’invocation des saints et l’extrême-onction. À sa mort, une effroyable persécution, conduite par l’Inquisition, s’abattit sur ses quatre-vingt mille disciples, mais la secte n’en fut pas, pour autant, détruite.
C’est l’affirmation centrale du sacerdoce de tous les baptisés et l’appel à la responsabilité des laïques qui amenèrent les lollards d’Angleterre à se joindre au mouvement lancé par John Wycliffe, cependant que, pour les mêmes raisons, ils devinrent en Bohême les plus fermes partisans de Jan Hus et de son interprétation révolutionnaire de l’Évangile.
G. C.
➙ Hus / Wycliffe.