Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
L

liturgie (suite)

L’aspect de dialogue est particulièrement présent dans toute liturgie protestante : non seulement les chants venant des courants luthérien allemand, huguenot français et revivaliste anglo-saxon y tiennent une place centrale, mais il y a aussi de nombreux répons chantés ou parlés ainsi que la récitation commune du « Notre Père ». Cela vient toujours de nouveau souligner que la liturgie présente en résumé le double mouvement de l’Évangile : initiative divine et réponse de la communauté qu’elle constitue ; le don sans réserve du Christ implique et entraîne le don sans réserve de l’homme : à l’invocation succède l’adoration ; au rappel de la Loi de l’alliance, la confession des péchés ; à l’absolution, la confession de la foi ; à l’annonce de la Parole, l’action de grâces et l’intercession ; au sacrement, l’offrande...

La liturgie authentique n’est pas la collection des rites d’un cénacle clos, mais la façon de rapporter au Christ et de laisser éclairer par sa parole l’ensemble des fonctions et des actions accomplies au service des hommes. Comme à l’origine de l’histoire chrétienne, non seulement la beauté de la création, mais encore les cris du monde doivent normalement y trouver place : fréquemment donc, l’information, l’analyse de situation et l’engagement responsable dans les domaines social et politique sont considérés comme les élémentaires présupposés d’une célébration liturgique véritable, c’est-à-dire non aliénante par rapport aux grands et petits problèmes de la vie, mais mobilisante pour un vrai service du monde proche ou lointain.

G. C.

➙ Calvin / Catholicisme / Christianisme / Église catholique / Églises orientales / Églises protestantes / Judaïsme / Luther / Protestantisme / Réforme.

 L. Duchesne, les Origines du culte chrétien (De Boccard, 1889 ; nouv. éd., 1920). / I. Elbogen, Der jüdische Gottesdienst in seiner geschichtlichen Entwicklung (Francfort, 1931 ; nouv. éd., Hildesheim, 1967). / F. Mercenier et F. Paris, la Prière des Églises de rite byzantin (Éd. de Chevetogne, 1938-39 ; 2 vol.). / J. A. Jungmann, Der Gottesdienst der Kirche (Innsbruck, 1955, 3e éd., 1962 ; trad. fr. la Liturgie de l’Église romaine, Salvator, Mulhouse, 1957). / R. Paquier, Traité de liturgique (Delachaux et Niestlé, 1955). / Liturgie, texte établi par la Commission de l’Église réformée en France (Berger-Levrault, 1955). / J. D. Benoît, Initiation à la liturgie de l’Église réformée de France (Berger-Levrault, 1957). / L. Bouyer, la Vie de la liturgie (Éd. du Cerf, 1957). / A. Hamman, Prières eucharistiques des premiers siècles (Desclée De Brouwer, 1957). / I. Dalmais, les Liturgies d’Orient (Fayard, 1959). / E. Gugenheim, le Judaïsme dans la vie quotidienne (A. Michel, 1961). / A. G. Martimort, l’Église en prière (Desclée De Brouwer, 1961). / E. Munk, le Monde des prières (Presse du temps présent, 1964). / G. Casalis (sous la dir. de), Vers une Église pour les autres (Labor et Fides, Genève, 1966). / Y. Congar et J. P. Jossua (sous la dir. de), la Liturgie après Vatican II (Éd. du Cerf, 1967). / R. Desjardins, le Sens de la révolution liturgique (Privat, Toulouse, 1969). / L. Maldonado, Vers une liturgie sécularisée (Éd. du Cerf, 1971).


Édifice cultuel et liturgie


Aux origines du culte de la Parole

L’édifice du culte catholique est un lieu sacré, un sacellum, autel entouré d’un espace assez vaste pour accueillir les fidèles lors de la célébration du sacrifice ; il se différencie par là du temple antique, quand celui-ci était la demeure d’un dieu, où les prêtres officiaient à l’abri des profanes. Mais l’aspect social l’emporte, au moins dans le langage, puisque le terme d’église (assemblée des chrétiens en général) en vient à désigner la communauté locale et son lieu de réunions liturgiques. Il n’en est pas autrement chez les musulmans, où le mot djamā‘a désigne l’assemblée des croyants et le mot djāmi‘ la mosquée* ; et il faut en trouver la source commune dans le judaïsme hellénistique, désignant du même terme grec de synagogue la communauté et l’édifice où elle se réunit (v. juif [art]).

Le culte synagogal, apparu semble-t-il au vie s. av. J.-C., durant l’exil de Babylone, répond au désir de participation de toute une communauté ; cette tendance se retrouvera dans le paganisme même, au point qu’on voit les cultes à mystères utiliser le telestêrion à gradins, de plan quadrangulaire comme le bouleutêrion civil ou semi-circulaire à la façon des théâtres, pour présenter des épisodes de la vie du dieu. La synagogue est avérée dès le iiie s. av. J.-C. en Égypte ; et il en existe plus de quatre cents à Jérusalem au temps du Christ. Le culte y est essentiellement celui de la Parole : prière, lecture des textes sacrés, prédication et chant. La procession et la séparation des sexes conduisent à établir des galeries latérales avec ou sans tribunes, c’est-à-dire un plan basilical. À la fin du iie s., une grande synagogue, celle de Sardes (Lydie), comprend un véritable « atrium » avec fontaine d’ablutions, ouvrant par trois portes sur la salle de prière, laquelle peut abriter mille personnes dans ses trois vaisseaux et se termine par un hémicycle à trois rangs de sièges ; n’est-ce pas déjà le programme d’une basilique* paléochrétienne* ? Les annexes des synagogues (école, hôtellerie) comme leur situation (au sommet de la ville ou sur la rive d’un fleuve) et leur orientation (entrée, puis abside vers la Ville sainte) renforcent un parallélisme qui subsiste à Rome dans la coexistence des catacombes juives et chrétiennes. Mais c’est justement en ce lieu que va naître une différenciation fondamentale ; la synagogue va rester un lieu de prière, comme plus tard la mosquée et le temple protestant, tandis que l’Église, triomphant de la persécution, va honorer ses martyrs en plaçant leurs reliques à l’intérieur de ses autels.


De l’autel-tombeau au culte des reliques

Cette fonction de martyrium (v. saint) invitait à adopter le plan centré des mausolées païens ; les édifices voûtés, circulaires, carrés ou en croix grecque ont connu de ce fait une particulière faveur dans les pays byzantins. Toutefois, le plan primitif en longueur, charpenté, qui permettait une construction (voire une extension) plus facile, s’est maintenu et a fini par l’emporter, quitte à ce que soit recherchée, par une disposition rayonnante, une sorte de combinaison des deux types. Le sol du sanctuaire a d’abord été surélevé, entouré d’un chancel (clôture dont la façade tendra à l’iconostase oriental et au jubé) de manière à assurer la prééminence de l’autel, à l’abri d’un ciborium. De part et d’autre, les participants sont répartis selon un ordre strict : les prêtres dans l’abside, les notables latéralement (cela aboutit dès le ive s. à une dilatation transversale, celle du transept, qui donne à l’édifice un aspect cruciforme), enfin le reste des fidèles en avant. Certains même sont tenus à l’écart d’une partie de la liturgie dans l’atrium, le narthex, lieux de purification, de préparation comme est le baptistère*, qui reste longtemps, lui aussi, extérieur.