Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
L

lipides (suite)

• Les acides gras, rarement à l’état libre, sont formés par une chaîne aliphatique rectiligne rarement ramifiée, saturée ou non, et comprenant un ou plusieurs groupements éthyléniques. Parmi les acides gras saturés, on trouve les acides butyrique et caproïque des beurres de vache et de chèvre, les acides palmitique et stéarique présents dans la plupart des huiles animales ou végétales. Parmi les acides gras insaturés se rencontrent les acides oléiques des tissus adipeux et de nombreux autres, présents dans les huiles de poisson et certaines huiles végétales (maïs), utilisées pour cette raison en diététique.

• Selon les alcools qui les estérifient, les acides gras donnent naissance à diverses familles de lipides :
— les glycérides, ou esters du glycérol (glycérine) ; la plupart sont des triglycérides ; ils forment la plus grande partie des graisses animales ou végétales ;
— les glycérophosphatides, ou esters des acides glycérophosphoriques et parfois de la choline, où on trouve la cardiolipine, lipide du cœur de bœuf utilisé dans des réactions de l’anticorps syphilitique, certains lipides du bacille de Koch, les lécithines ;
— les inositophosphatides, dérivés de l’inositol, parmi lesquels l’inositocalcium du blé ;
— les cérides, composants des cires, rencontrés dans la cire d’abeille, dans les cires végétales (carnauba) et, en outre, dans le blanc de baleine et le bacille de Koch, dont ils sont les causes de l’acido-alcoolo-résistance.
— les stérides, ou esters des stérols*. Stérols végétaux de l’ergot de seigle, déhydrocholestérol précurseur de la vitamine D2, stigmastérol de la fève de Calabar, sitostérol du soja, du blé, dont un dérivé, provenant du bois des fûts, est présent dans le whisky, dont il assurerait la limpidité. Enfin, des stérols animaux : cholestérol* du plasma, coprostérol des fèves, les divers stérides de la graisse de laine, ou lanoléine.


Métabolisme des lipides

Les lipides constituent la source énergétique la plus concentrée puisque, à poids égal, ils fournissent environ deux fois plus de calories que les glucides et les protides. Chaque espèce animal possède ses lipides propres, dont la composition varie d’ailleurs avec l’âge, le régime alimentaire, la saison ou le climat, la région anatomique. Ces édifices lipidiques sont constitués, comme les édifices protidiques, à partir des produits de la digestion des lipides alimentaires, sauf certains acides gras, dits « indispensables », que les organismes animaux ne savent pas synthétiser ; ce sont les acides polyinsaturés linoléique, linolénique et arachidonique, qui doivent obligatoirement être présents dans l’apport alimentaire, d’où leur qualificatif de vitamine « F », appellation aujourd’hui abandonnée en raison de l’importance de la dose journalière indispensable (7 à 10 g pour l’homme). La destruction métabolique des graisses alimentaires se produit au niveau de l’intestin grâce : a) à l’action fortement émulsive des acides biliaires qui les transforment en très fines gouttelettes en suspension dans un liquide aqueux ; b) à celle des lipases, enzymes produits par le suc pancréatique et qui participent à leur dégradation ; cette dernière opération, très complexe en raison de la variété des lipides, et dans laquelle interviennent d’autres facteurs (cholestérol, calcium), aboutit finalement à des produits plus légers tels que monoglycérides, savons, qui franchissent la paroi intestinale et gagnent le torrent circulatoire. C’est par le sang qu’ils aboutissent au foie, aux tissus adipeux et aux autres organes.


Les lipides du sang

C’est également au sang qu’il incombe de transporter les lipides depuis les tissus formateurs jusqu’aux organes utilisateurs. L’étude des lipides du plasma sanguin en chimie clinique est très utile pour le diagnostic et le traitement des maladies de la nutrition ; on conçoit qu’une telle étude ne puisse être entreprise qu’après un jeûne suffisant (au moins 12 heures), le sang transportant, en période digestive, des graisses transitoires qui donnent d’ailleurs au sérum un aspect plus ou moins louche, dû à des particules grasses en suspension, les chylomicrons exogènes. En dehors des périodes digestives, le plasma, bien que comprenant environ 8 g par litre de lipides, est normalement limpide : les lipides y sont en effet engagés avec des molécules protéiques sous forme de cénapses, ou lipoprotéines (LP), qui y demeurent en pseudo-solution. La structure des LP et le mode de fixation entre la fraction lipidique et la fraction protéique de leurs molécules paraissent variables avec leur nature. L’analyse des différents constituants lipidiques fait appel à deux types de techniques : d’une part, l’électrophorèse*, d’autre part, la biochimie, qui permet de doser rapidement :
— les lipides totaux, environ 8 g/l à l’état normal ;
— le cholestérol, environ 2,5 g/l chez l’homme adulte, les deux tiers à l’état estérifié, constituant 20 p. 100 des α-LP et 50 p. 100 des β-LP ;
— les triglycérides, lipides neutres, transporteurs d’acides gras, de 0,5 à 1,5 g/l, constituant 2 p. 100 des α-LP, 10 p. 100 des β-LP, 60 p. 100 des β-LP très légères ou pré-β-LP, dont l’excès provoque la lactescence du sérum (chylomicrons endogènes) ;
— les phospholipides, constituant 30 p. 100 des α-LP et 20 p. 100 des β-LP, les LP précipitables par le phénol (réaction de Kunkel), les β-LP précipitables par le dextrane (réaction de Burstein).

Les principaux constituants lipidiques étant connus, ainsi que leurs proportions relatives normales, on peut, compte tenu du bilan lipidique, diagnostiquer les dyslipoprotéinémies, anomalies portant sur les protéines véhiculant les lipides.

Certaines maladies dues à des troubles du métabolisme lipidique sont bien connues : il en est ainsi de la maladie de Hand-Schüller-Christian (xanthomatose), dyslipoïdose à stérides, de la maladie de Niemann-Pick, accumulation de phospho-lipides au niveau du foie et de la rate, et de la néphrose lipoïdique, hyperlipémie très élevée (30 à 40 g/l), qui est due à un trouble ionique.

Indépendamment de ces affections, on attache actuellement une grande importance au bilan lipidique dans la surveillance des maladies de la nutrition, en particulier le diabète* pancréatique, et dans la surveillance de l’artériosclérose (excès de cholestérol, de triglycérides).

R. D.

➙ Aliment.

 J. B. Davenport et A. R. Johnson (sous la dir. de), Biochemistry and Methodology of Lipids (New York, 1971).