Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
L

Liège (suite)

L’agglomération a occupé les vallées. La Meuse, en amont, est assez resserrée. À Ougrée, à Seraing, à Tilleur, à Jemeppe, à Flémalle, les charbonnages et les industries lourdes se pressent au milieu des maisons et des voies de circulation. En aval, la vallée s’élargit et accueille une partie des industries nouvelles. À l’est, la vallée de la Vesdre est aussi pendant quelques kilomètres une rue d’usines. Les plateaux de Hesbaye, au nord-ouest, de Herve, au nord-est, et d’Ardenne, au sud-est, offrent de larges possibilités de développement. Les bords de la Hesbaye et du pays de Herve accueillent les nouvelles zones industrielles, l’extension de l’université, l’habitat aussi, dans des cadres naturels variés et de haute qualité. Les plateaux offrent à Liège (avec la vallée de la Meuse) un environnement exceptionnel. La croissance de l’agglomération est lente en raison de problèmes économiques. Comme dans toute la Wallonie, l’accroissement naturel n’est positif que grâce à un grand nombre d’étrangers (le sixième de la population), auxquels l’industrie a dû depuis longtemps faire appel.

A. G.


L’histoire de la ville

Petit portus franc où l’évêque de Tongres-Maastricht saint Hubert fixe son siège vers 720, Liège est une ville double, où le bourg marchand n’a jamais annihilé la cité épiscopale, que ceint de murs l’évêque Notger (972-1008). Celui-ci y organise des écoles où les disciples de Gerbert d’Aurillac, le futur pape Sylvestre II, tentent de mettre au point des instruments astronomiques.

Bien que victime des Normands au ixe s., Liège, centre de l’art mosan (ivoires), se peuple alors dans sa partie centrale de marchands, privilégiés par l’évêque entre 1006 et 1107. Face au chapitre de Saint-Lambert, second propriétaire foncier après le prince dans l’État liégeois dont il est le co-seigneur, se dresse dès lors un second pouvoir, celui des quatorze échevins, présidés par un maïeur et nommés par l’évêque, auquel ils accordent souvent leur appui contre les prétentions des chanoines. Enfin, entre 1176 et 1184, douze jurés élus par le Conseil des bourgeois et représentants des marchands complètent le système constitutionnel liégeois de type communal, qui assure le contrôle du pouvoir au patriciat : 9 familles patriciennes seulement sur 37 au total fournissent les 31 échevins désignés par l’évêque entre 1214 et 1312 pour administrer la ville.

Enrichi d’abord par la pratique du grand commerce international, ce patriciat se spécialise au xiiie s. dans le négoce de la laine anglaise, des draps flamands et même liégeois ainsi que du vin, avant de s’orienter vers le commerce de l’argent, dont il réinvestit les profits en rentes et en biens fonciers. Il se confond de plus en plus avec la noblesse de naissance et se heurte alors à l’hostilité des gens de métiers, avec l’appui desquels le frère d’un marchand liégeois, Henri de Dinant († v. 1269), tente en vain de susciter la réforme de l’échevinage. Les métiers commencent à se constituer en corporations à la fin du xiiie s. ; ils s’allient au clergé, que frappe également la politique fiscale (maltôte de 1287) et monétaire inflationniste du patriciat, et obtiennent la suppression d’un impôt détesté et l’admission à égalité avec le patriciat au Conseil des jurés en 1303. Portée sur les fonts baptismaux par le chapitre de Saint-Lambert, comme l’affirme G. Kurth, ou fruit normal d’une évolution interne, comme le pense F. Vercauteren, la « démocratie liégeoise » qui naît de cette « révolution de 1303 » se heurte jusqu’en 1313 aux réactions violentes, mais finalement sans effet du patriciat ; celui-ci doit alors accepter par la paix d’Angleur que l’impôt ne puisse être levé sans l’accord de « tous, grands, moyens et petits, à ce convoqués » et dès lors admis également à l’échevinage. « Ville de lignage, Liège est devenue ville de métiers. » L’élection, la même année, d’un prélat allemand, Adolphe de La Marck (1313-1344), qui tente de prendre en main le gouvernement de la principauté, provoque de nouveaux troubles, auxquels mettent fin des paix de compromis, telle celle de Fexhe, qui rééquilibre en 1316 les pouvoirs entre le prince, le chapitre de Saint-Lambert et les gens des métiers. Éclatant de nouveau lors de l’élection à l’épiscopat d’Englebert de La Marck (1344-1364), les troubles sociaux s’aggravent à la fin du xive s. du fait de la révolution économique que consacre la mise en valeur des mines de charbon et qui entraîne la constitution d’un prolétariat industriel ; ce dernier échappe aux cadres traditionnels des « XXXII bons métiers », qui ont pourtant achevé d’arracher au patriciat la domination de la ville en 1384. Très instable, la plèbe urbaine refuse d’accepter le renforcement du pouvoir épiscopal inauguré par Jean de Bavière (1389-1418). La ville, révoltée une nouvelle fois à l’instigation de Louis XI, est incendiée et mise à sac par Charles le Téméraire en 1468. Relevée de ses ruines, elle bénéficie du xvie s. au xviie s. d’un important essor industriel (armurerie, verrerie, laines), qui contribue à porter sa population à 85 000 habitants à la veille de la Révolution de 1789.

Chef-lieu du département français de l’Ourthe le 1er octobre 1795, puis des provinces néerlandaise (1815) et belge (1830) portant son nom, Liège reste au xixe s. l’une des capitales industrielles de l’Europe. Lors de la Première Guerre mondiale, son camp retranché, bien défendu par le général Leman, résiste du 6 au 16 août 1914 aux assauts allemands, ce qui permet à l’armée française de se réorganiser avant la rencontre décisive de la Marne. Il n’en est pas de même en 1940 : la ville est occupée en deux jours (12 et 13 mai) par les troupes de Hitler ; elle subira d’importantes destructions au cours de la Seconde Guerre mondiale.

P. T.

La principauté de Liège

Importante fraction du duché de Basse-Lorraine, située à la limite des mondes français et germanique, la principauté de Liège s’étire le long de l’axe mosan. Excluant le comté de Namur, mais incorporant par contre les territoires entre Sambre et Meuse, l’évêché de Tongres-Maastricht, fondé au ive s. et dont le siège est transplanté à Liège vers 720, se transforme réellement en principauté ecclésiastique lorsque, vers 980, l’empereur Otton II accorde à Notger (ou Notker, évêque de 972 à 1008) l’exercice des droits comtaux sur toutes ses possessions. Bénéficiant en 1071 de l’inféodation du comté de Hainaut, puis de celui de Looz à la fin du xiie s., annexant le pays de Bouillon, que le duc de Basse-Lorraine Godefroi IV cède à l’évêque Otbert à la veille de son départ à la première croisade, la principauté de Liège joue dès lors un rôle politique de première importance. Elle est dotée par l’évêque Henri de Verdun d’institutions de paix en 1082. Mais, menacée par le duc de Brabant, elle s’allie étroitement aux empereurs franconiens Henri III et Henri IV, que ses évêques défendent en contrepartie, le premier contre l’aristocratie lorraine révoltée, le second contre la papauté (v. investitures [querelle des]). Par contrecoup, les évêques de Liège souffrent au xiie s. de l’abaissement de l’Empire, dont ils s’émancipent alors.