Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
L

Liège (suite)

La principauté est dotée d’un riche terroir agricole ; elle exploite dès le xiiie s. la houille utilisée quotidiennement pour le chauffage domestique et la métallurgie (laiton de Dinant, chaudronnerie et quincaillerie de Liège, de Huy, du Franchimont, de la Marlagne) ; elle profite enfin du recoupement, dans sa capitale, des axes commerciaux sud-ouest - nord-est et ouest-est, qui unissent respectivement les foires de Champagne à la vallée du Rhin et Bruges à Cologne (bureaux de change à Liège, à Huy, à Maastricht, à Herstal). Mais elle reste exposée aux convoitises des ducs de Brabant, qui désirent contrôler les passages de la Meuse, jusqu’à ce que l’un d’eux, Henri Ier, soit battu à Steppes le 14 octobre 1213. Obtenu avec l’aide des milices urbaines par Hugues de Pierrepont (évêque de 1200 à 1230), ce succès renforce les prétentions politiques du patriciat marchand, qui s’est enrichi à l’heure même où les revenus des chevaliers et des monastères se sont effondrés. Pour maintenir leur autorité, les évêques sont donc contraints de s’appuyer sur le commun jusqu’au moment où la révolte des petits, groupés en métiers, se produit, d’abord à Huy en 1298, puis à Liège en 1303. Dès lors, un équilibre s’établit entre les trois états, dont la naissance date en fait de la paix de Huy de 1271, qui scelle l’accord entre les « chevaliers » (ancienne et nouvelle noblesse), le chapitre de Saint-Lambert et les bonnes villes fédérées.

Représentés au sein du « Commun Conseil du pays de Liège », ces états contraignent les évêques à les consulter pour tout ce qui concerne la fiscalité, la monnaie, les relations extérieures (alliance, paix, guerre, etc.) et la défense générale de la coutume. L’énergique Adolphe de La Marck (évêque de 1313 à 1344), imbu de droit romain, doit accepter de la respecter par la paix de Fexhe, qui met fin à trois années de troubles le 18 juin 1316. Placée sous la garde d’une commission, le « Sens du pays de Liège », cette coutume est corrigée par une commission de réformation de 20 membres créée en 1324. Limité alors dans ses pouvoirs, jugés trop étendus, Adolphe de La Marck laisse à son neveu Englebert (évêque de 1344 à 1364) une lourde succession. Brisés aux Waleffes, Liège et le pays se redressent après le départ pour Cologne de cet évêque en 1364. Dès lors, le contrôle administratif de la principauté passe à un « tribunal des XXII » créé dès le 6 juin 1343. Réorganisé par le « Sens du pays » en 1373, celui-ci comprend, outre le prince, quatre représentants du chapitre, quatre des chevaliers, dix des bonnes villes, un du comté de Looz, un de Hasselt et un de Thuin. Après une vaine résistance, Jean d’Arkel (évêque de 1364 à 1378) doit accepter le fait accompli par la paix de Caster du 14 janvier 1376. À son tour, le chapitre de Saint-Lambert doit s’incliner et accepter finalement en 1404 le principe de l’élection du prince-évêque par le pays. Combattue par les évêques Jean de Bavière (1389-1418), Jean de Heinsberg (1419-1456) et Louis de Bourbon (1456-1482), qui bénéficie de l’appui de son oncle Philippe le Bon pour tenter de rétablir la toute-puissance princière dans l’obédience bourguignonne, cette évolution explique la violence des révoltes liégeoises brisées par Jean sans Peur à Othée en 1408 et par Charles le Téméraire à Montenaken en 1465, à Brustem en 1467 et à Liège en 1468.

La principauté entre après 1477 dans l’orbite des Habsbourg ; reprise en main par Erard de La Marck (évèque de 1505 à 1538), qui contracte avec les Pays-Bas l’alliance de Saint-Trond du 27 avril 1513, elle s’efforce de retrouver son indépendance à la fin du xvie s. Victime des guerres du xviie s., elle bénéficie par contre d’un important essor économique (charbon, métallurgie) qui favorise la bourgeoisie ; la population supporte impatiemment le rétablissement, au xviiie s., d’un système de gouvernement de type monarchique par les évêques de la maison de Bavière. En 1789, le prince-évêque C.-F. de Hoensbroech (1784-1792) est chassé par la révolte de Liège ; il est restauré momentanément par les troupes autrichiennes en 1791, mais sa principauté disparaît définitivement après son annexion par la France en 1795.

P. T.


La ville industrielle

Sur les quelque 250 000 actifs de l’arrondissement, 60 p. 100 étaient occupés dans l’industrie en 1960. La présence du charbon explique que, dès le xive s., « cette ville de prêtres va devenir une ville de charbonniers et d’armuriers », selon l’expression d’Henri Pirenne. Au Moyen Âge, le charbon est partiellement exporté, et l’on travaille les métaux ; au xixe s., les facilités de transport, puis le coke attirèrent la sidérurgie. Aujourd’hui, l’extraction houillère disparaît : 4,5 Mt et 25 700 emplois en 1958, 1,3 Mt en 1970 et 602 000 t en 1974.

La métallurgie est l’activité dominante, sidérurgie en tête. La région liégeoise produit 4 Mt d’acier. Liège attira la fabrication du fer installée en Ardenne quand, en 1830, John Cockerill remplaça le charbon de bois ardennais par le coke local. Localisée en amont, cette industrie s’est aussi implantée récemment en aval, à Chertal (commune de Herstal). La sidérurgie doit actuellement importer son charbon et ses minerais. Elle se maintient grâce à la concentration favorisant le progrès technique. Deux grands établissements demeurent seulement, à Seraing et à Chertal. L’excellence des voies de transport est encore un facteur favorable : du minerai arrive du sud par fer, mais surtout le canal Albert met aux portes de Liège le charbon de Campine et les minerais importés par Anvers.

Liège est également un centre important de production des non-ferreux, de zinc notamment, implantée surtout dans les vallées de l’Ourthe et de la Vesdre. Cette métallurgie repose sur une vieille tradition ardennaise et mosane, et les fours à zinc, où l’abbé Dony isola le zinc en 1805, sont à l’origine de la société la Vieille-Montagne.

La métallurgie de transformation est célèbre dès le xve s. par l’armurerie, qui occupa 6 000 personnes au xviiie s. et qui est toujours représentée par la Fabrique nationale d’armes de guerre à Herstal (où sont aussi construits des moteurs d’avion à réaction et des machines agricoles). De nombreuses autres fabrications se sont ajoutées : locomotives, cycles...

L’industrie chimique s’est greffée sur le charbon, les sous-produits des industries métalliques, les besoins du textile (engrais, savons, détergents). Le caoutchouc est également produit. S’ajoutent encore des industries alimentaires, des cimenteries au nord (sur la craie) et les cristalleries du Val-Saint-Lambert au sud (Seraing).