Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
L

Liberia (suite)

La colonie, qui passe de 1 200 habitants en 1828 à 4 000 en 1839 (sans compter les libérés et les autochtones qui s’y joignent), essaime le long de la côte et dans les vallées proches, multiplie les églises, les écoles, crée des journaux, une monnaie, établit aussi des droits de douane. Le refus des commerçants anglais de payer ces droits amène un incident entre Londres et Washington. La Société de colonisation cède alors ses droits au Conseil législatif, qui proclame l’indépendance du Liberia (26 juill. 1847) ; une Constitution à l’américaine est adoptée. En octobre 1847, J. J. Roberts est élu président de la République, que reconnaissent les principaux États européens.

Un établissement similaire, créé par la Maryland Colonization Society au cap des Palmes (1831-1833), proclame à son tour son indépendance en 1854, mais celle-ci n’est pas reconnue, et la région est réunie au Liberia en 1857.


Impérialisme

Le Liberia fut l’une des premières puissances à étendre ses prétentions à une appréciable portion du continent africain au nom d’une mission civilisatrice (lutte contre la traite et les coutumes barbares, propagation du christianisme), par « achat », par traité de cession, de protectorat ou de commerce, par exploration (en pays mandé, 1868) ou par conquête militaire (conflits dès l’origine et jusqu’à la Première Guerre mondiale ; résistance des Golas, des Grébos, des Krous).

Cette politique d’expansion amena, lors de l’essor de l’impérialisme, des contestations avec les puissances coloniales voisines : aux traités de 1885 avec la Grande-Bretagne (frontière de la Sierra Leone), de 1892 et de 1910 avec la France (Côte-d’Ivoire et Guinée), le Liberia dut réduire ses prétentions. Les procédés et les succès douteux de la politique indigène libérienne, ses moyens administratifs limités fournirent en outre des arguments aux grandes puissances coloniales pour dénigrer cet État indépendant qui était par sa seule existence un défi à la notion même de colonie. Cette menace sur l’indépendance libérienne culmina en 1930-31 avec l’enquête de la Société des Nations sur les pratiques esclavagistes au Liberia. Le président C. King, compromis, fut remplacé par Edwin Barclay, mais l’idée d’une tutelle internationale ne fut écartée qu’en 1935.


Économie et politique

Après avoir connu vers 1840-1860 une certaine prospérité due au négoce (l’agriculture ne fut jamais très populaire chez les colons), qui donna naissance à une riche bourgeoisie d’affaires, dont la domination politique se poursuit aujourd’hui, le Liberia fut ensuite dans l’impossibilité de soutenir la concurrence des grandes firmes commerciales anglaises et allemandes. La fin du xixe s. et le début du xxe sont marqués par une succession de crises financières. Il faut attendre 1926, date de la concession d’un million d’acres à la société Firestone pour la plantation d’hévéas contre un prêt de 5 millions de dollars, pour voir le Liberia entrer dans la voie de la croissance économique. Mais le Liberia moderne est l’œuvre du président William Tubman (1895-1971), au pouvoir de 1943 à sa mort. La politique de la « porte ouverte » aux investisseurs étrangers a eu pour effet de multiplier le budget de l’État par 55 entre 1945 et 1968, grâce à l’extraction minière (fer des Bomi Hills, 1951 ; fer du mont Nimba, 1956-57), aux cultures tropicales de plantation, à l’exploitation de la forêt, à la création d’industries légères.

Dans le domaine politique, si le président Arthur Barclay avait accordé la citoyenneté libérienne à tous les indigènes en 1904, les provinces de l’intérieur et les régions « tribales » des comtés côtiers ne furent représentées à la Chambre qu’en 1944 ; en 1964, les provinces ont été transformées en comtés (unification policy) avec représentation au Sénat. Le droit de vote a été considérablement étendu. Les Américano-Libériens n’ont plus le monopole des hautes charges dans l’État, qui vont ici de pair avec les gros revenus dans l’ordre de l’économie.

Cependant, la suprématie politique, économique, culturelle et religieuse des quelques familles étroitement liées entre elles qui constituent la couche supérieure de la classe des descendants de colons américains, exprimée par le maintien au pouvoir depuis 1877 du parti unique de fait True Whig Party et incarnée dans un régime présidentiel très fort sous un mince vernis parlementaire, reste la caractéristique du fait politique libérien. Les complots (1955, 1958) et les tentatives de putsch militaire (1969-70) ont échoué, et la succession du président Tubman, mort de maladie en cours de mandat, s’est faite constitutionnellement par l’accession au pouvoir de William Tolbert, vice-président depuis 1951.

J.-C. N.


La population actuelle

La population autochtone se subdivise en quatre groupes principaux.

Le groupe krou (400 000 environ) occupe la moitié méridionale du pays, au sud d’un parallèle passant au nord de Monrovia (Krous proprement dits, Dés, Bassas, etc.). Les Krous sont des cultivateurs et chasseurs forestiers laborieux, qui fournissent traditionnellement aux navires desservant la côte d’Afrique la main-d’œuvre nécessaire aux opérations de force sous les latitudes plus méridionales ; ils sont alors embarqués à l’aller et débarqués au retour (Krumen).

Le groupe des ethnies relevant de l’ensemble linguistique mandé du Sud (400 000 environ), au nord et au nord-est, à cheval sur la frontière guinéenne (Mendés, Lomas, Kpellés, Manos), est constitué d’agriculteurs forestiers assez frustes.

Les Vaïs (100 000 environ) occupent le littoral à l’ouest de Monrovia et parlent une langue apparentée au mandingue (groupe mandé-tan). Ils ont élaboré au xixe s., pour écrire leur langue, une écriture syllabique originale.

Le groupe ouest-atlantique comprend les Golas (50 000), les Kissis (50 000), etc.

Les immigrés afro-américains, établis au xixe s., sont peu nombreux (moins de 100 000), mais constituent une sorte d’aristocratie dominante, à laquelle le président W. Tubman s’est efforcé d’associer les éléments issus de l’aristocratie tribale (chefferie) autochtone.