Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
L

Liberia (suite)

L’économie contemporaine

Jusqu’à la Seconde Guerre mondiale, la mise en valeur fut à peu près nulle : les Afro-Américains, établis sur le littoral, y menaient une vie de gentlemen-farmers à la mode virginienne d’avant la guerre de Sécession ; l’intérieur, plus ou moins bien contrôlé par l’intermédiaire de la chefferie autochtone, faisait figure de colonie.

La construction du port de Monrovia par les Américains pendant la Seconde Guerre mondiale, l’ouverture, peu après celle-ci, d’une première route reliant la Guinée au littoral, ont permis la pénétration d’une économie moderne représentée par les grandes firmes étrangères (américaines, ouest-allemandes, suédoises), mais limitée à quelques secteurs.

• Les plantations d’hévéas. Le caoutchouc est fourni essentiellement par la plantation américaine Firestone, près de Monrovia (concession de 400 000 ha ; 12 millions de pieds d’hévéas dans une plantation de 40 000 ha d’un seul tenant ; 35 000 salariés). La Firestone fournit plus de 80 p. 100 du caoutchouc libérien, le reste étant produit pour les deux tiers par cinq grandes plantations étrangères et pour un tiers par 2 500 planteurs libériens. La production de caoutchouc naturel est passée de 43 000 t en 1963 (dont 35 000 t fournies par la Firestone) à 72 000 t en 1970.

• Les autres produits végétaux. Les richesses forestières commencent à peine à être exploitées : il y a une dizaine de concessions, et la production de bois est limitée : la moitié est fournie pour leurs besoins propres par des entreprises dépendant des grandes plantations d’hévéas et par des entreprises minières. Les palmistes, le cacao et le café, longtemps seuls produits exportés avant la création de la Firestone, fournissent un volume d’exportations insignifiant, en stagnation ou en décroissance, provenant de la production paysanne ou des fermes de l’aristocratie afro-américaine. L’apparente progression du café depuis 1960 reflète surtout le développement de la contrebande en provenance de Guinée. Un organisme mixte, associant l’État à une firme danoise, a depuis 1963 le monopole de la commercialisation de ces trois produits.

• La production vivrière (riz, manioc). Elle est absorbée pour la plus grande partie par l’autoconsommation et ne couvre pas les besoins (un sixième du riz consommé est importé.)

• Le minerai de fer. Depuis 1961, il a pris la première place dans les exportations libériennes, supplantant le caoutchouc, et représente aujourd’hui en valeur environ les deux tiers des exportations.

Quatre gisements sont exploités. Celui du Nimba est exploité par la LAMCO (Liberian American Swedish Minerals Company), qui associe un groupe américano-suédois (75 p. 100 du capital) à la Bethlehem Steel Corporation américaine (25 p. 100). Il fournit à lui seul plus de la moitié de la production (12,5 Mt de minerai en 1970). Le reste est fourni par les gisements de Bomi Hills (le plus ancien, dont la production est en baisse, et qui est contrôlé par la firme sidérurgique américaine Republic Steel), de la Mano River (contrôlé à 50 p. 100 par des capitaux libériens), de Bong Hills (contrôlé à 75 p. 100 par la sidérurgie ouest-allemande et à 25 p. 100 par la firme italienne FINSIDER).

Au total, la production s’est élevée en 1970 à 23,5 Mt de minerai de fer (16,65 Mt de fer contenu), faisant du Liberia le premier producteur et exportateur africain de minerai.

Sans chemins de fer en 1945, le Liberia possède aujourd’hui trois voies ferrées destinées à l’évacuation du minerai (mont Nimba-Buchanan : 265 km ; Mano River-Bomi Hills-Monrovia : 154 km ; Bong-Monrovia : 75 km). Mais seule la première, depuis 1967, ne se consacre pas exclusivement au transport du minerai (importations et exportations pour le compte de la zone frontalière de la république de Guinée).

• Les diamants. Quelques exportations sont alimentées par une exploitation locale et sans doute, en majeure partie, par des pierres de contrebande venues de Guinée et de Sierra Leone.

L’économie libérienne est fondée sur un libéralisme presque total (politique de la « porte ouverte » aux investissements étrangers ; régime fiscal privilégié ; pas de contrôle des changes [le dollar américain circule concurremment avec le dollar libérien] et, par conséquent, pas de restrictions aux transferts de bénéfices). Il en résulte une « croissance sans développement ». L’industrie de transformation demeure insignifiante (une cimenterie, une distillerie, une brasserie, une fabrique d’explosifs, deux fabriques de meubles, deux savonneries...). Le pavillon libérien couvre la première flotte marchande du monde (81,2 millions de tonnes de port en lourd, dont 48,5 de pétroliers en 1972), mais il s’agit d’un pavillon de complaisance, dispensant les armateurs, moyennant le paiement de droits modestes, d’une législation sociale et fiscale ailleurs plus sévère. Le capital étranger domine l’économie. Les États-Unis, avec 1 milliard de dollars d’investissements, précèdent de loin l’Allemagne fédérale, avec 100 millions de dollars. Ils occupent la première place dans le commerce extérieur (43-44 p. 100 des exportations et des importations en 1962, 35 p. 100 des importations, mais moins de 30 p. 100 des exportations en 1969, une grande partie des exportations de minerai de fer étant dirigée vers l’Europe). La bonne tenue de la balance commerciale, largement excédentaire, traduit moins la prospérité que le très bas niveau de vie de la masse de la population. Le niveau du produit intérieur brut par habitant et par an (311 dollars en 1968) ne s’explique que par la prise en compte du revenu des firmes étrangères. Le revenu national est inférieur de moitié au produit intérieur brut, ce qui signifie que la moitié de ce produit est exportée sous formes de bénéfices transférés, d’intérêts et de remboursement de dettes. Les salaires sont parmi les plus bas d’Afrique. L’université de Monrovia est une des plus anciennes de l’Ouest africain, mais le développement de l’enseignement et surtout son niveau demeurent médiocres.

J. S.-C.

➙ Afrique noire.