Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
L

leucémie (suite)

Espérance de vie en fonction des traitements

L’application d’un traitement adapté est la condition de survie des leucémies aiguës. Cela implique l’absence de traitement préalable, le choix du traitement en fonction du diagnostic correct de la variété cytologique, l’ajustement du traitement à la tolérance de l’hôte, qu’il s’agisse d’éviter les risques initiaux de précipitation uratique, les complications de l’aplasie thérapeutique, les surdosages qui les favorisent, les timidités thérapeutiques qui facilitent les rechutes prématurées. Enfin, la tolérance viscérale doit également être prise en considération : la survie des leucémiques peut être menacée par la toxicité cardiaque de la daunorubicine, plus exceptionnellement par l’atteinte hépatique de l’asparaginase.

Enfin, l’immunodépression, aggravée par le traitement, est pour une part responsable de la gravité des varicelles, des pneumopathies d’étiologie rare (pneumocytis carini), de l’évolution sévère de certaines maladies à inclusions cytomégaliques, voire de certaines toxoplasmoses : rappelons que près de 10 p. 100 des leucémiques meurent, au cours de la rémission, de ces complications.

La survenue de toute mesure thérapeutique efficace, susceptible de s’intégrer à une politique thérapeutique déjà éprouvée, augmente la durée médiane de la survie et le pourcentage des survies à 4 ans. Toute l’histoire thérapeutique des leucémies aiguës illustre cette affirmation ; on peut rappeler que la durée de vie médiane des leucémies lymphoblastiques de l’enfant était de 3 mois avec la corticothérapie, de 11 mois avec la cortisone et le purinéthol, supérieure à 24 mois grâce à la méthode de réinduction, supérieure à 4 ans grâce à la combinaison des acquisitions précédentes, du traitement intrarachidien, de l’irradiation du système nerveux central. La méthode de réinduction a été employée pour la première fois à l’hôpital Saint-Louis à Paris en 1963 par nous-même et est actuellement utilisée dans le monde entier (Cl. Jacquillat). Toutefois, cet allongement de la médiane de survie, cette augmentation continue des survies à la quatrième année seraient sans intérêt véritable s’ils ne comportaient l’espoir d’une survie à très long terme, et, pour certains cas privilégiés, celui d’une guérison.

• Espérance de vie des formes au long cours (malades survivant au-delà de 4 ans). Nous avons rassemblé (Jean Bernard, Claude Jacquillat) les observations de 196 malades dont la survie a dépassé 4 ans : 189 enfants dont 181 L. A. L. et 8 L. A. M., 27 adultes dont 13 L. A. L. et 14 L. A. M. Cette répartition montre que de longues survies sont possibles dans des catégories a priori défavorables, L. A. M. et adultes, qui justifient chez ces malades des efforts thérapeutiques particuliers.

Parmi les 22 L. A. M., 6 sont morts après une rechute entre la quatrième et la huitième année de leur maladie. Parmi les 14 survivants sans rechute, 3 sont atteints de leucémie à promyélocytes et ont été traités par la daunorubicine. (Nous avons été les premiers à utiliser ce médicament, découvert en France en 1965.)

Parmi les 194 malades atteints de L. A. L., on peut distinguer 65 malades traités avant les progrès thérapeutiques actuels, dont la longue survie est liée à des facteurs propres à l’hôte, mal élucidés. Ce groupe — environ 1 p. 100 de la cohorte de malades à laquelle il appartient — est le produit d’une sélection naturelle sévère ; 21 malades y sont morts entre la quatrième et la huitième année. Chez 35 de ces malades, toute thérapeutique est arrêtée depuis des périodes allant de 2 à 10 ans. C’est à partir de tels malades que l’on a pu dire que la guérison des leucémiques, possible après 5 ans, était probable après 8 ans, presque certaine après 10 ans. Au contraire, 129 malades ont bénéficié des associations thérapeutiques, des réinductions, des traitements intrarachidiens et représentent 15 à 20 p. 100 des malades traités. Ils constituent ainsi une population beaucoup moins homogène que la précédente : les facteurs propres à l’hôte y jouent un rôle moins exclusif, l’attitude thérapeutique y est certainement déterminante. De toute manière, une survie au-delà de 8 ans doit surtout être espérée chez ceux qui, durant les quatre années initiales, n’auront eu ni rechute hématologique ni rechute méningée. Signalons toutefois que quelques rechutes méningées survenant dans les deux premières années peuvent être suivies par une survie supérieure à 4 ans, sans rechute hématologique (12 cas dans notre série).

Dans quelle mesure la poursuite de la chimiothérapie continue-t-elle à protéger de tels malades parvenus au-delà de 4 ans sans rechute ? Dans quelle mesure et à partir de quel moment peut-on envisager de remplacer la chimiothérapie par l’immunothérapie ?

Ces questions n’ont pas encore de réponse assurée.

En somme, la survie des leucémiques exige que l’on vainque de nombreux obstacles. Un nombre croissant de malades y parvient et nous permettra peut-être d’élucider, dans un avenir proche, les conditions de guérison des leucémies aiguës.

L’espérance de vie des leucémiques dépend de conditions liées à l’hôte, type cytologique, âge, forme clinique, et de facteurs thérapeutiques.

La médiane de la durée de vie de même que le pourcentage des survies à long terme progressent avec les acquisitions thérapeutiques.

L’analyse des dossiers de malades dont la survie a dépassé 4 ans permet de distinguer les cas anciens (1 p. 100) et les formes liées aux progrès thérapeutiques, essentiellement à la méthode de réinduction (15 à 20 p. 100).

Néanmoins, les très longues survies ne peuvent être espérées que chez ceux qui, durant les 4 premières années, n’auront présenté ni rechute hématologique ni rechute méningée.

Les traitements des leucémies

La leucémie aiguë soutient depuis de nombreuses années l’attention des hématologistes : un enfant, un adolescent, un adulte jeune semblent atteints de la plus grave des maladies sanguines. Le tableau clinique se détériore en quelques jours, parfois quelques semaines, et le pronostic vital semble mis en jeu. Le diagnostic fait, un traitement d’« induction » est mis en œuvre, la rémission complète va survenir, tous les éléments cliniques vont disparaître. L’enfant ou l’adolescent a repris un aspect strictement normal, donnant l’apparence d’une guérison. Presque inévitablement, tôt ou tard, une rechute va survenir, parfois en quelques semaines ou en quelques mois, voire quelques années. Chaque examen clinique est une hantise pour la famille du patient, pour le médecin, parfois pour le malade lui-même. En effet, une anomalie de la moelle osseuse réapparaissant sera le témoin de la rechute, alors le plus souvent inexorable.

Les traitements ont heureusement amélioré, pour un nombre de plus en plus grand de cas, le pronostic à moyen terme, alors que le pronostic à long terme reste très réservé.

• Les traitements d’induction sont les traitements mis en œuvre à la période aiguë de la maladie, associant différentes drogues pour obtenir une rémission complète.

• Les traitements de réinduction sont utilisés périodiquement pour consolider l’amélioration, les médicaments utilisés sont les mêmes que ceux du traitement d’attaque. Ils ont pour but d’essayer de tuer les cellules anormales qui seraient réapparues, pendant la rémission, en nombre suffisamment faible pour ne pas être encore décelées.

• Le traitement d’entretien est une chimiothérapie donnée le plus souvent par voie buccale, discontinue ; c’est de ce traitement d’entretien et de la pratique des réinductions que l’on peut espérer prolonger la durée de vie.