Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
L

leucémie (suite)

On en distingue plusieurs sortes.
a) Leucémie aiguë myéloblastique typique. Caractérisée par la prolifération uniforme ou très prédominante de myéloblastes malins (ou paramyéloblastes) typiques, elle est de diagnostic le plus souvent aisé.
Dans quelques cas, on y rencontre un ou deux bâtonnets azurophiles, fins et nets, bactériformes, les corps d’Auer pathognomoniques.
b) Leucémies aiguës à hémocytoblastes myélogènes. Dans cette forme, le noyau à chromatine fine, contenant de nombreux nucléoles, et le cytoplasme assez abondant évoquent le myéloblaste, mais il n’est pas possible de voir les granulations au microscope optique avec la coloration de May-Grünwald-Giemsa.
c) Leucémies aiguës « partielles » ou pauciblastiques. Encore appelées smoldering Leukemia, ce sont celles où le chiffre des blastes est si bas qu’un doute diagnostique peut s’expliquer ; dans ces formes, des anomalies importantes cytologiques et fonctionnelles des éléments apparemment différenciés des trois lignées ont été observées. Il existe entre les leucémies aiguës myéloblastiques et ces formes tous les intermédiaires, ce qui pose des problèmes thérapeutiques non résolus.
d) Leucémies aiguës à promyélocytes. La population blastique est ici homogène, la cellule maligne est un myéloblaste malin, remarquable par deux caractères : le noyau, de trame semblable à celui du myéloblaste ou plus dense, est très souvent très difforme ; il est habituellement nucléole ; surtout, la cellule est extrêmement riche en granulations fines, à la fois à azurophiles et plus sombres, bleu-noir, parfois si nombreuses qu’elles recouvrent toute la cellule et ne permettent guère d’examiner le noyau.
e) Leucémies aiguës à hémoblastes monocytoïdes. Dites parfois « de Naegeli », elles sont exceptionnelles.
f) Leucémies monoblastiques à forme histio-monocytaires. Elles sont également très rares.

Dans 15 à 20 p. 100 des cas environ, le diagnostic de variété cellulaire est incertain ou impossible.

Espérance de vie des sujets atteints de leucémies aiguës

Thanatocytes, « les cellules de la mort », c’est ainsi que Paul Chevallier qualifiait les cellules médullaires des leucémies aiguës.

Comment considérer, 30 ans plus tard, l’espérance de vie dans les leucémies aiguës ?

L’apparition des traitements antileucémiques a révélé un pronostic hétérogène, et celui-ci, de façon statistique, diffère selon la variété cytologique, l’âge, la forme clinique ou bien selon la qualité et la durée des traitements appliqués : ces caractères ne rendent pas compte de tous les faits, et les raisons de mainte longue survie nous échappent ; mais toute survie suppose une condition essentielle, l’état de rémission complète, qui permet aux malades d’échapper aux risques infectieux, hémorragiques et tumoraux qui les menacent au cours des phases d’action de leur maladie.

Espérance de vie en fonction des caractéristiques du malade

• Variété cytologique de la leucémie. L’espérance de vie est bien différente dans les formes lymphoblastiques et dans les formes myéloblastiques. Les premières sont caractérisées par leur sensibilité à des traitements relativement peu aplasiants (corticothérapie, asparaginase, alcaloïdes de la pervenche) ; les secondes, à peu près insensibles à ces drogues, exigent des médicaments à forte action aplasiante (daunorubicine, plus accessoirement cytosine-arabinoside). Ainsi, les risques d’aplasie irréversible de la phase d’induction passent de 3 à 4 p. 100 dans les formes lymphoblastiques à 30 à 40 p. 100 dans les formes granuleuses, ce qui rend compte, en partie, des résultats différents du traitement d’induction :
95 p. 100 ± 5 p. 100 de rémissions complètes (R. C.) chez l’enfant,
75 p. 100 ± 5 p. 100 de R. C. chez l’adulte atteint de leucémie aiguë lymphoblastique (L. A. L.).
50 p. 100 ± 10 p. 100 de R. C. chez l’enfant,
40 p. 100 ± 10 p. 100 de R. C. chez l’adulte atteint de leucémie aiguë myéloblastique (L. A. M.).

Les dangers de l’induction ne sont pas toujours liés à une réponse médiocre à la thérapeutique, ils peuvent aussi dépendre de caractères cellulaires originaux ; 25 p. 100 des malades atteints de leucémies à promyélocytes, soit la moitié des échecs thérapeutiques, meurent d’hémorragies secondaires à un syndrome de coagulation intravasculaire.

De plus, la variété cytologique ne conditionne pas seulement les chances de rémission initiale, mais également sa durée.

Dans le groupe des leucémies lymphoblastiques, l’on connaissait depuis longtemps le pronostic relativement mauvais à brève échéance des formes dont les éléments cellulaires de grande taille rappellent ceux d’un lymphoblastosarcome. Ces diverses variétés cellulaires ont peut-être des pouvoirs antigéniques différents, comme le suggérerait leur sensibilité variable à l’immunothérapie indiquée par Georges Mathé. Inversement, parmi les leucémies aiguës myéloblastiques, les leucémies à promyélocytes, particulièrement sensibles à la daunorubicine, peuvent bénéficier de rémissions exceptionnellement longues.

• L’âge du sujet. L’âge intervient doublement dans le pronostic des leucémies aiguës : il conditionne pour une part le type cytologique, puisque les L. A. L. sont plus fréquentes chez l’enfant, les L. A. M. plus fréquentes chez l’adulte. Mais, à l’intérieur d’une même forme cytologique, il intervient encore : la médiane de durée des rémissions complètes et le pourcentage des rémissions à 4 ans sont différents chez l’enfant et chez l’adulte (médiane de durée de R. C. des L. A. L. : 36 mois chez l’enfant, 12 mois chez l’adulte ; pourcentage des rémissions à 4 ans des L. A. L. : 20 p. 100 chez l’enfant, 5 p. 100 chez l’adulte). Les raisons de cette différence ne sont pas élucidées : il faut noter que les lymphoblastes de grande taille se retrouvent plus fréquemment chez l’adulte que chez l’enfant. Dans les leucémies aiguës myéloblastiques, l’âge intervient également et conditionne le pronostic dès l’induction : le pouvoir de régénération médullaire, meilleur chez l’enfant, limite les signes d’aplasies médullaires prolongées, et inversement la fragilité des sujets âgés, cardio-vasculaire en particulier, rend souvent bien aléatoires les traitements agressifs, seuls efficaces, daunorubicine en particulier.

• Variété clinique. L’importance de l’infiltration tumorale conditionne pour une part le pronostic des L. A. L. Ainsi, on peut voir l’influence du taux initial des leucocytes sur la durée de la rémission complète : on constate alors que l’augmentation importante du volume des organes hématopoïétiques a la même signification péjorative.