Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
L

leucémie (suite)

Leucémies chroniques

En dehors des leucémies aiguës, il existe deux autres types de leucémie que l’on rencontre fréquemment : les leucémies lymphoïdes chroniques et les leucémies myéloïdes chroniques.


Leucémie lymphoïde chronique

C’est en général à l’occasion d’une altération de l’état général, ou d’une infection, ou de la découverte d’adénopathies (de gros ganglions) chez un sujet de plus de 50 ans que la maladie est découverte. Celle-ci est souvent bien supportée et est parfois découverte par un examen systématique. Cette affection, exceptionnelle avant 40 ans, n’existe pas chez les enfants.

Le diagnostic se pose sur la mise en évidence de la prolifération lymphocytaire, avec trois types de manifestations :
— les tumeurs lymphoïdes : il s’agit d’adénopathies généralement superficielles, symétriques et indolores, mais aussi profondes, médiastinales ou abdominales, découvertes alors par la lymphographie et comprimant exceptionnellement les organes voisins ;
— une splénomégalie (grosse rate) inconstante, le plus souvent discrète : plus rarement, une augmentation du volume du foie, ou des tumeurs amygdaliennes salivaires, cutanées, digestives, des glandes lacrymales, voire pulmonaires ;
— dans le sang, une hyperleucocytose, faite essentiellement d’une hyperlymphocytose à 50 000 lymphocytes par millimètre cube, parfois considérable, ailleurs à peine marquée (à 10 000 lymphocytes).

Il faut tenir compte de toute élévation de la lymphocytose en valeur absolue, mais elle peut manquer. L’examen du sang révèle en outre une insuffisance médullaire, qui n’est pas présente au début de la maladie : anémie, thrombopénie et granulopénie.

Le diagnostic est fait par la mise en évidence de l’envahissement de la moelle osseuse par les lymphocytes, qui est le meilleur signe. On trouve en règle générale plus de 25 p. 100 de lymphocytes dans la moelle. La présence d’un faible taux de lymphoblastes n’a pas de signification particulière. Cet envahissement lymphocytaire manque rarement, les formes ganglionnaires ou spléniques pures étant exceptionnelles.

La pratique de la biopsie médullaire, permettant l’étude histologique de la moelle osseuse, prouverait même, dans ces derniers cas, l’existence d’îlots lymphocytaires anormaux.

Lorsque le diagnostic de leucémie lymphoïde chronique est porté, il faut s’efforcer de mettre en évidence l’existence d’une anomalie des globulines, en particulier une immunoglobuline monoclonale (IgG), des signes d’auto-immunisation. Enfin, la mise en évidence d’un déficit immunitaire (hypoglobulinémie) est fréquente, de même qu’un déficit de l’immunité de type cellulaire. Ces manifestations se traduisent en clinique par l’existence d’infections répétées, parfois graves et qu’il faut traiter par les antibiotiques. Le degré de l’insuffisance médullaire est apprécié par l’existence d’une anémie, en général modérée, une thrombopénie et une granulopénie centrale.

Dans un grand nombre de cas, la maladie est fort bien supportée et l’hyperlymphocytose modérée fait courir peu de risque de thrombose, contrairement à ce que l’on peut observer dans les leucémies myéloïdes chroniques. Le traitement semble prolonger de manière significative la survie des malades, et il est légitime, dans ces formes modérées, d’avoir recours à une thérapeutique douce au long cours.

Par contre, dans les formes très tumorales (avec masses lymphoïdes volumineuses ou fortes hyperleucocytoses à plus de 100 000) et celles qui comportent une insuffisance médullaire marquée, la thérapeutique doit être plus active, plus énergique et mieux surveillée. La chimiothérapie a pour but de diminuer la prolifération lymphoïde, et il faut savoir que l’anémie et la thrombopénie centrale, qui ne contre-indiquent pas la chimiothérapie, vont la rendre plus difficile. Un repeuplement de la moelle en éléments de lignées saines est alors possible. Le meilleur médicament est le chlorambucil à des doses faibles, 2 à 3 comprimés par jour, mais à adapter au résultat obtenu. Il est habituel, au début de la maladie, de prescrire une corticothérapie discrète ; ce traitement est efficace dans 80 p. 100 des cas environ, et les aplasies thérapeutiques sont rares si une surveillance minutieuse est pratiquée. Les masses lymphoïdes diminuent très lentement, la formule sanguine tend vers la normale. Cependant, la persistance d’une petite lymphocytose est habituelle. La persistance de masse tumorale, malgré l’amélioration clinique, peut conduire parfois à utiliser la radiothérapie localisée à dose relativement faible dans cette forme de maladie.

Le pronostic est difficile à fixer, car il s’agit d’une maladie très polymorphe ; dans les formes modérées, et qui sont sensibles au chlorambucil, l’évolution est très paisible et porte sur plusieurs années, 10 à 15 ans, voire plus. Dans certaines formes très envahissantes, qui peuvent résister au médicament, l’évolution peut être beaucoup plus rapide. Cependant, des risques sont à craindre. L’aggravation progressive de l’insuffisance médullaire et des troubles immunitaires est responsable de la neutropénie (baisse des leucocytes polynucléaires) ; les sujets font des infections répétées, généralement traînantes, qui nécessitent à tout prix une antibiothérapie à fortes doses. L’anémie altère l’état général, et deux mécanismes peuvent s’additionner : une anémie hémolytique et une insuffisance médullaire. Les hémorragies sont exceptionnelles et ne surviennent que très tardivement.

La survenue d’un cancer* n’est pas exceptionnelle dans la leucémie lymphoïde chronique, d’autant plus que ces sujets sont généralement âgés. Une aggravation inexpliquée de l’état général doit faire rechercher systématiquement le cancer. Par contre, la transformation aiguë, terme habituel des hémopathies myéloïdes, est exceptionnelle dans la leucémie lymphoïde chronique.

Il faut savoir, en fait, que la leucémie lymphoïde chronique est une maladie très paisible, survenant sur des sujets âgés ou même des vieillards, et que ces malades meurent d’accidents intercurrents non liés à la maladie hématologique (ramollissement cérébral, insuffisance cardiaque par exemple).