Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
L

leucémie (suite)

Notons encore que le rang de naissance des enfants leucémiques est généralement moins élevé que celui des enfants normaux ; l’importance des facteurs prénataux, pré- ou périconceptionnels est confirmée par la fréquence très élevée des leucémies chez les enfants mongoliens (30 fois celle de la population habituelle) et chez ceux qui sont atteints de maladie de Fanconi et de syndrome de Bloom. Nous avons observé, depuis 1964, dans 6 cas l’association de leucémies aiguës et de mongolisme.

Les radiations ionisantes se sont révélées être de façon concluante causes de leucémies chez l’homme (A. Kaplan, I. C. Lewis, S. O. Schwartz). Des comptes rendus déjà anciens faisaient état de nombreux cas de leucémie chez les radiologues, ce qui permettait d’estimer que les radiations étaient un agent de la maladie. Cette constatation s’est trouvée confirmée par la publication de cas de leucémie chez les survivants du bombardement atomique de 1945 à Hiroshima et Nagasaki (R. D. Lange et W. C. Moloney). La fréquence la plus élevée se trouvait chez les survivants qui ont subi l’exposition la plus massive aux radiations, alors qu’elle était d’autant plus faible que l’exposition était moindre. Environ la moitié des cas contrôlés ont été classés comme étant « aigus » ou « subaigus ».

Les radiations sont également mises en cause dans les leucémies que l’on voit survenir, avec une fréquence 5 à 10 fois plus grande, chez les sujets qui ont été soumis à la radiothérapie pour spondylarthrite ankylosante, lorsqu’on compare avec un groupe de malades non irradiés (J. D. Abbatt, E. R. Brown). La radiothérapie du thymus chez l’enfant a donné lieu à une augmentation du nombre des leucémies chez ces sujets ainsi qu’à une plus grande fréquence, chez eux, du cancer de la thyroïde (C. L. Simpson).

L’irradiation dans un but de diagnostic des parents avant la conception, l’irradiation diagnostique pendant la grossesse semblent augmenter le risque des leucémies. De même, des irradiations répétées de sujets atteints de maladies de Hodgkin traitées avant cobaltothérapie par champs locaux ont peut-être été responsables de leucémies aiguës myéloblastiques dans 5 de nos observations. L’utilisation au laboratoire ou dans l’industrie de composés radio-actifs est également responsable de leucémies aiguës. Nous avons observé une forme promyélocytaire après artériographie au thorotrast. Le rôle du phosphore radio-actif, ou P32, dans les transformations aiguës de polyglobulie (v. plus loin) semble plus difficile à incriminer puisqu’il s’agit d’un syndrome prolifératif de la moelle osseuse considéré par certains comme un syndrome préleucémique.

Par contre, le rôle des virus demeure discuté. On n’envisagera pas ici ce problème, qui est actuellement au centre des préoccupations des virologues du monde entier. Des travaux récents font, cependant, envisager sérieusement la possibilité qu’un virus soit l’agent causal de la leucémie humaine (L. Dmochowski, L. Gross, S. O. Schwartz).

Alors qu’on ne connaît que deux cas (H. G. Cramblett, J. Bernard et Cl. Jacquillat) de leucémie aiguë chez un enfant né de mère leucémique, on a signalé à plusieurs reprises la naissance d’enfants non leucémiques de mère leucémique (H. R. Bierman, D. L. Gillim, Ch. Harris, N. Rothberg, J. Bernard et Cl. Jacquillat).

On a accusé un traumatisme de pouvoir provoquer la leucémie. Bien que le fait ait été quelquefois admis en justice, on n’a jamais apporté des preuves médicales convaincantes.

Un certain nombre d’agents chimiques sont suspects de favoriser l’affection ; deux cousins exposés à l’hexachlorocyclohexane présentèrent une leucémie myéloblastique en l’espace d’un an (V. I. Jedlicka). Ces observations demeurent isolées ; par contre, l’exposition benzénique comporte un risque leucémigène certain, ce qui a conduit à la réglementation stricte de son usage industriel ; la leucémie aiguë est reconnue comme maladie professionnelle en France chez les sujets en contact avec le benzol ou avec les radiations ionisantes.


Circonstances de découverte

L’insuffisance de la moelle osseuse et la prolifération des blastes (ou cellules jeunes) sont les deux composantes inséparables de la leucémie aiguë.

Selon que les premiers signes appartiennent à l’une ou à l’autre de ces composantes ou aux deux, les circonstances de découverte de la leucémie sont variables : une pâleur inexpliquée, un purpura ecchymotique, des infections récidivantes, des douleurs mal caractérisées sans cause apparente, des adénopathies (gros ganglions) sans explications, autant de circonstances où l’attention du médecin se trouve alertée et où la prescription d’une numération globulaire et formule leucocytaire et surtout d’un myélogramme (examen de la moelle osseuse) doit être systématique.

Trop souvent, sans avoir recours à cet examen indispensable, un traitement symptomatique est prescrit, en particulier de corticoïdes, avec l’arrière-pensée d’un rhumatisme articulaire aigu ou à titre symptomatique, ou bien de transfusions qui, masquant le diagnostic ou celui de sa variété cytologique, compromettent définitivement le pronostic. Parfois, le début est atypique, marqué par des épisodes aigus régressifs (aplasie transitoire des leucémies aiguës de l’enfant, crises d’hémolyse) ou par une insuffisance médullaire dissociée (leucémies aiguës myéloblastiques de l’adulte) ; un purpura thrombocytopénique ou une leucopénie peuvent évoluer pendant un an ou plus avant que la nature exacte de la maladie ne se démasque (J. Bernard, 1907). Par la suite, la maladie évolue de façon typique.

Exceptionnellement, la découverte de la leucémie est fortuite lors d’un hémogramme systématique.


Symptômes de la leucémie aiguë

Les signes cliniques peuvent être groupés selon qu’ils sont conséquences de l’insuffisance médullaire ou de la prolifération blastique, mais chez les malades on se trouve en présence de combinaisons variables de ces signes.

• Conséquences de l’insuffisance médullaire.