Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
L

Leclerc (Philippe Marie de Hautecloque, dit) (suite)

Rappelé alors à Paris, Leclerc — qui n’a pas encore quarante-cinq ans — est promu général d’armée, décoré de la médaille militaire et nommé inspecteur général des forces françaises en Afrique du Nord (juill. 1946). C’est dans cette fonction, qu’après avoir fêté à Strasbourg l’anniversaire de sa libération, il s’envole pour Oran le 27 novembre 1947 et disparaît le lendemain près de Colomb-Béchar.

Soldat et simplement soldat, Leclerc aura été le premier à rompre par la victoire le charme maléfique des malheurs de la France. Incomparable meneur d’hommes, un et intransigeant dans l’action, indifférent à la fatigue et au risque, il sut dans cette période difficile incarner une sorte de défi en face du destin.

J. de L.

➙ Guerre mondiale (Seconde) / Indochine (guerre d’) / Paris (Libération de).

 F. Ingold, l’Épopée de Leclerc au Sahara (Berger-Levrault, 1946). / E. Delage, Leclerc (Éd. de l’Empire français, 1947). / J.-N. Faure-Biguet, le Général Leclerc (Plon, 1948). / A. Dansette, Leclerc (Flammarion, 1952). / J. J. Fonde, Traitez à tout prix ; Leclerc et le Viêt-nam (Laffont, 1970).

Le Corbusier (Charles Édouard Jeanneret-Gris, dit)

Architecte français d’origine suisse (La Chaux-de-Fonds 1887 - Roque-brune-Cap-Martin 1965).


« Le Corbusier, ce théoricien, cet artiste, dont on ne parviendra jamais, je crois, à dire à la fois assez de mal et assez de bien » : l’opinion de Pierre Francastel (dans Art et technique) résume bien les sentiments étonnamment contradictoires que suscitent l’œuvre et la personnalité de Le Corbusier. Aux yeux du grand public, celui-ci symbolise à lui seul l’architecture contemporaine, et on le tient pour responsable, en bien comme en mal, de toute la production moderne — dont il a été à la fois l’ardent stimulateur (par une activité incessante de polémiste et de théoricien) et le visible porte-drapeau.

Artiste vedette, Le Corbusier a bien eu une personnalité de « leader », prenant à son compte (et à sa charge) les ambitions d’une époque et leur assurant une continuelle publicité. Personnalité provocante : cet homme que les militants d’extrême droite qualifiaient si aisément de bolchevik était membre d’une organisation fasciste ; cet artiste tenant du « fonctionnalisme », dont il prêchait chaque jour les vertus, était rien moins que fonctionnaliste dans son architecture, où la dimension poétique atteint souvent au lyrisme. Mais c’est justement par ces aspects contradictoires d’une personnalité aussi envahissante que déconcertante que Le Corbusier — à la fois comme homme et comme artiste — s’est assuré une place prééminente dans l’histoire de l’architecture du xxe s.

Charles Édouard Jeanneret fit toutes ses études à La Chaux-de-Fonds, où son père était graveur de montres et sa mère musicienne. À quatorze ans, il entre à l’école d’art de la ville, qui formait les futurs graveurs-horlogers. Passionné d’architecture, c’est là qu’à dix-huit ans, en autodidacte, il construit pour un des membres du comité de l’école sa première maison — où les réminiscences néo-classiques se mêlent aux influences germaniques contemporaines dans un vocabulaire très proche, en définitive, de celui du Belge Henry Van de Velde (1863-1957), cet autre autodidacte.

Dès l’âge de vingt ans, le jeune homme entreprend une série de grands voyages à travers l’Europe. En 1907, il est pendant six mois chez Josef Hoffmann (1870-1956) à Vienne, dont le climat intellectuel est alors extrêmement stimulant. L’année suivante, il est à Lyon chez Tony Garnier (1869-1948) : il sera l’un des premiers à rencontrer cet extraordinaire inventeur de formes, dont la méditation toute théorique n’est pas sans avoir grandement influencé son élève. Puis il va à Paris travailler, quinze mois durant, chez Auguste Perret*, alors en pleine possession de son art (le garage Ponthieu date de 1905). Entre avril 1910 et mai 1911, c’est en Allemagne qu’il voyage : à Berlin, il travaille cinq mois chez Peter Behrens (1868-1940), dont l’activité de « designer » l’intéresse ; puis il se rend chez Heinrich Tessenow (1876-1950) à Dresde, où il visite l’exposition du « Deutscher Werkbund ». De ce voyage, il ramènera pour son école de La Chaux-de-Fonds une importante Étude sur le mouvement d’art décoratif en Allemagne, publiée en 1912. Il part alors pour un dernier périple qui, à travers la Bohême, la Roumanie, la Serbie et la Bulgarie, le conduira finalement en Grèce, dans les Cyclades (dont il rapportera ses fameux carnets de croquis), et en Italie. Le choc visuel de l’architecture ilienne en Grèce confirmera ce que la rencontre de Tony Garnier et le long tour d’Europe du jeune artiste lui ont fait découvrir, en dehors de toute tradition académique.

La guerre survient alors et retardera d’autant d’années les débuts de Le Corbusier (ce n’est qu’en 1919-1923, en fait, qu’il adoptera ce nom, celui d’un de ses grands-pères), dont la vocation reste encore à cette date polymorphe — autant sculpteur et peintre qu’architecte. C’est d’ailleurs en tant que peintre qu’il vient se fixer à Paris en 1917. Par l’intermédiaire de Perret, il rencontre Amédée Ozenfant (1886-1966), avec lequel il expose ; ils fondent ensemble un nouveau mouvement, le purisme*, dont la plaquette Après le cubisme (1918) est le manifeste.

Le Corbusier est alors connu comme peintre, mais il ne se désintéresse pas de l’architecture : dès 1914, il avait étudié un projet de maisons standardisées en ciment armé, les maisons « Dom-ino », qu’il destinait aux zones sinistrées durant les hostilités. De 1920 à 1922, il poursuivra parallèlement à la peinture la mise au point de ce type d’habitation, qu’il baptise la « maison Citrohan » par similitude avec la grande marque d’automobiles (c’est l’origine de son slogan « des maisons comme des voitures »). Il apparaît bien ici comme le disciple de Tony Garnier, en même temps que l’admirateur des recherches allemandes dans le domaine de l’industrialisation et de la standardisation du bâtiment (Behrens et Gropius*, notamment). C’est autour de 1922-23 que, sans renoncer à la peinture (il aura également, plus tard, une importante activité de cartonnier de tapisseries), il s’oriente définitivement vers l’architecture sous le triple aspect du doctrinaire, de l’architecte proprement dit et de l’urbaniste.