Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

animation (suite)

Lorsque Cohl arrive en Amérique, le dessin animé a déjà pris un essor considérable. Le cap expérimental a été franchi grâce au journaliste et caricaturiste Winsor McCay, créateur de nombreux « comic-strips », qui, dès 1909, annonce Walt Disney et les Fleischer avec son Gertie le Dinosaure et qui, neuf ans plus tard, réalisera le premier long métrage de l’histoire du dessin animé, le Naufrage du « Lusitania », pour lequel il ne lui a pas fallu moins de 25 000 dessins.

La technique de l’animation s’améliore grâce notamment à John R. Bray, qui dépose en 1914 un brevet sur l’emploi des feuilles de papier transparent, permettant de superposer au dessin élémentaire les images d’un décor fixe. L’année suivante, Earl Hurd perfectionne le procédé en remplaçant les feuilles de papier transparent par des feuilles de Celluloïd portant des perforations de repérage. Bray et Hurd s’associant en 1917, l’industrialisation de l’animation est chose faite, et, déjà, la popularité de ce nouveau genre est immense.

Les premières écoles s’organisent, et diverses séries apparaissent sur les écrans, dont les plus célèbres sont Colonel Heeza Liar (1914) de J. R. Bray et Shamus Culhane, Bobby Bump (1915) de Earl Hurd, Mutt and Jeff (1915) de Bud Fisher, Katzenjammer Kids (1917) de J. Foster, les premiers Krazy Kat de L. Herriman. Débutent dans ces séries des animateurs comme Paul Terry, Walter Lantz, Isidore Klein, Bill Nolan et Pat Sullivan. C’est ce dernier qui lance Félix le Chat, première célébrité mondialement connue de l’animation, suivie de peu par Koko le Clown, inventé par Max (1889-1972) et Dave (né en 1894) Fleischer pour les besoins de leur série Hors de l’encrier.


L’âge d’or du dessin animé américain et le règne de Walt Disney

Walt Disney* débute vers 1923, dans l’anonymat, puis crée, en collaboration avec Ub Iwerks, Oswald le joyeux lapin. La renommée ne vient que quelques années plus tard avec l’invention de Mickey Mouse, qui s’appela primitivement Mortimer (1926). Le premier « Mickey », Steamboat Willie, date de 1928, et, dès lors, la popularité de la petite souris téméraire et espiègle à la voix aiguë ne fit que croître au fil des ans. Très vite, en effet, Disney comprit le parti qu’il pourrait tirer des bruits et de la musique. La première Silly Symphony est créée en 1929 : c’est Skeleton Dance, qui emprunte au romantisme allemand et anglais un décor inquiétant (châteaux hantés, fantômes, etc.), et à Saint-Saëns une musique suggestive. Un nouveau comique va naître de l’alliance du son et du dessin, rapidement enrichi par l’apport de la couleur. L’univers de Walt Disney se veut le juste reflet des rêves de l’enfance. L’optimisme règne dans la plupart des cartoons de l’époque. S’inspirant largement des fables et du folklore, les Silly Symphonies baignent dans une atmosphère doucereuse et volontairement naïve. C’est le triomphe d’un « merveilleux » qui fait ample consommation de toiles d’araignée, de nymphes ailées et de gouttes d’eau diamantines. Disney se veut le chantre d’une nature euphorique, enrichie par un bestiaire très complet et une flore imposante. Aussi s’attache-t-il au réalisme total de l’expression : ses animaux sont anthropomorphiques, exempts de cruauté et de sadisme, bavards, volontiers prêcheurs de morale. Cette imagerie animalière se veut parfois la parodie de Babbitt : s’il y a un message, c’est un message de philosophie sereine et gaie. Le succès incroyable de Mickey contraint Disney a inventer d’autres vedettes, notamment le cheval Horace Horsecollar (Dusabot), le chien Pluto et l’intarissable canard Donald Duck.

Les ateliers de Walt Disney deviennent peu à peu une entreprise considérable, où plus de 2 000 employés, aidés par un matériel ultra-moderne, donnent naissance chaque année à des dizaines de cartoons. Le succès d’un premier long métrage, Blanche-Neige et les sept nains (1937), contribue à l’expansion de l’empire disneyen, qui règne non seulement sur la jeunesse américaine, mais encore sur celle du monde entier.

La popularité du dessin animé est telle aux États-Unis que, tout naturellement, chaque grande compagnie s’attache un département spécial uniquement consacré à l’animation : la Columbia (dirigée par Charles Mintz) produit les Scrappy Cartoons et les Krazy Kat Cartoons ; la 20th Century Fox (Paul Terry) distribue les Terrytoons ; Universal (Walter Lantz), qui a repris Oswald le lapin, donne naissance à la tortue Winchester et à l’ourson Andy Panda. La R. K. O. lance sur le marché des cartoons dessinés par O. Soglow (le Petit Roi) et les Rainbow Parade. La Warner (Leon Schlesinger et Edward Selzer) produit les Looney Tunes, dont la vedette est le petit Nègre Bosko, et les Merry Melodies : en 1938, Bugs Bunny le lapin mangeur de carottes voit le jour, puis Daffy le canard noir et Beaky le vautour. La M. G. M. (Fred C. Quimby) distribue les cartoons d’Ub Iwerks, produits par Celebrity Pictures, comme Flip la Grenouille et la série des Happy Harmonies.

Mais le grand rival de Walt Disney, c’est Popeye (Mathurin), personnage créé par les frères Fleischer et que distribue la Paramount.

Après avoir créé Koko le Clown, puis la fameuse Betty Boop, qui affola les ligues de la Décence et connut quelques démêlés avec la censure, Max et Dave Fleischer lancent en 1933 le premier « Popeye », caractère inventé par le « cartoonist » Segar. Les aventures de ce marin soudainement invincible après avoir absorbé une boîte d’épinards (spinach) deviennent très vite populaires, et, dans un sondage d’opinion réalisé en 1938, sa popularité dépasse même celle de Mickey. Encouragés par ce triomphe, M. et D. Fleischer entreprennent la confection de longs métrages, qui, contrairement à ceux de Disney, ne rencontrent que peu de succès. L’échec des Voyages de Gulliver (1939) et surtout de Douce et Criquet s’aimaient d’amour tendre (1941) laisse le champ libre à Walt Disney, qui, après un Fantasia (1940) très controversé, remporte de vifs succès avec Dumbo (1941) et Bambi (1942).