Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

animal (suite)

• Les fonctions psychologiques chez l’animal. Les travaux et les résultats concernant les phènomènes de conditionnement et d’apprentissage adaptatif à une tâche donnée ont été exposés plus haut ; il convient, à présent, de souligner combien la généralisation de ces faits à l’ensemble de la vie et du comportement de l’animal dans les conditions naturelles serait erronnée. En effet, sous la pression de ses besoins, l’animal peut s’adapter à son milieu physique et biologique à la suite d’essais et d’erreurs répétés, mais encore faut-il que les circonstances permettent une telle répétition. En effet, on conçoit mal que, dans certains cas, la proie puisse apprendre à échapper au prédateur, en raison du caractère imparable de l’attaque de ce dernier ; tel doit être le cas de la Mouche vis-à-vis de la Mante religieuse, près de laquelle elle s’est posée, ou même du Mulot surpris par un Hibou au vol silencieux et aux serres puissantes : la victime ne perçoit le prédateur qu’au moment où celui-ci la saisit, sans rémission, et la seule chance de survie de l’espèce attaquée réside alors dans sa fécondité et dans la rareté relative de l’attaquant (mais cela est une question d’équilibre biologique et relève de l’écologie).

Il est remarquable que de jeunes Gallinacés, sans expérience préalable, réagissent immédiatement de façon adaptée à une silhouette d’Oiseau en fonction de son sens de déplacement, la faisant paraître comme un Rapace (cou court et longue queue) ou, dans la direction inverse de « vol », comme un Palmipède (long cou et courte queue) : dans le premier cas, ils se cachent, tandis qu’ils ne manifestent aucune frayeur dans le second cas. Une telle préadaptation est certainement plus efficace pour la survie de l’espèce qu’une discrimination acquise de la forme des Oiseaux volant au-dessus d’eux : bien peu de sujets survivraient à d’éventuelles attaques répétées de Rapaces pour assurer la perpétuation de leur espèce.

Cependant, le milieu social est favorable à la répétition d’expériences, de sorte que l’apprentissage est possible et même obligatoire, sans toujours ressembler aux phénomènes d’acquisition de conduites étudiés au laboratoire. Un exemple frappant en est constitué par le phénomène d’« empreinte » : un Canard qui est élevé dans l’isolement ne recherche plus ensuite la société de ses congénères s’il est remis en leur présence, mais se tourne au contraire vers son soigneur ou vers d’autres humains. Mais si le jeune Oiseau est laissé quelques jours après sa naissance au contact des autres Canards, puis isolé ensuite, il manifestera néanmoins la sociabilité caractéristique de son espèce. Celle-ci n’est donc innée que dans la mesure où elle a été actualisée et fixée grâce aux stimuli adéquats fournis par le milieu social à un moment déterminé de la vie de l’individu. L’influence de ces expériences précoces sur le développement des fonctions émotionnelles en milieu social a également été mise en évidence chez le Macaque par Harlow : le Singe élevé sans mère, au biberon, présente par la suite, à l’âge adulte, des déficiences du comportement sexuel et maternel.

La vie sociale permet également des imitations et des conditionnements. On sait, par exemple, que les jeunes Passereaux n’ont pas peur de l’être humain, mais qu’ils finissent par acquérir cette crainte en entendant leurs parents pousser le cri d’alarme de leur espèce lorsqu’un humain les approche. L’apprentissage par imitation dans les conditions naturelles a été constaté chez les Chimpanzés : certains de ces Singes savent utiliser des branches effeuillées pour fouir le sol ou attirer vers eux les fruits, mais ce savoir-faire ne se trouve que dans certaines « bandes », dont les individus se le transmettent probablement par imitation. Au laboratoire, on a pu faire acquérir des conditionnements opérants à des Souris et à des Rats par simple observation d’un congénère déjà conditionné.

La transmission des informations en milieu social amène à évoquer le rôle de la fonction symbolique dans les conduites animales. L’exemple le plus spectaculaire, dû aux travaux de K. von Frisch, est constitué par la signification des « danses » qu’effectuent les Abeilles* butineuses lors de leur retour à la ruche et qui indiquent à leurs congénères la situation des fleurs dont elles viennent de récolter le pollen. Si cette relation n’implique pas un dialogue, elle ne diffère cependant guère de celle de commandement suivi d’exécution dans l’espèce humaine. D’ailleurs, il existe de multiples conduites, notamment celles de parade sexuelle, dans lesquelles il y a une alternance de signaux sonores, moteurs ou posturaux entre mâle et femelle, si bien qu’on peut parler de réciprocité de la communication entre les deux individus.

Toutefois, il ne faudrait pas surestimer les capacités d’intercommunication des animaux : leur défaut d’entraide en fournit une preuve (plusieurs Fourmis transportant une seule proie, par exemple). Si les constructions collectives des Termites ou des Abeilles paraissent concertées, cela est dû au fait que l’apport de matière de chaque individu et l’endroit où il est déposé sont régis par l’aspect de la somme de travail déjà réalisé : cette synergie apparente, ou stigmergie, comme l’a dénommée P.-P. Grassé, tient lieu de plan d’ensemble.

• L’animal et l’Homme. Ainsi donc, le langage animal ne paraît pas dépasser l’expression émotionnelle d’états organiques : peur pour le cri d’alarme, faim pour l’appel à la nourriture, appétition sexuelle pour les mimiques et cris de parade. Au contraire de ce qui caractérise le langage humain, il n’y a pas chez l’animal de médiatisation des objets par des « mots » correspondants : à grand-peine a-t-on pu faire apprendre à un Orang-Outan et à un Chimpanzé à prononcer le monosyllabe anglais cup pour demander à boire. D’ailleurs, la médiatisation sur le plan moteur et matériel lui-même est extrêmement rare chez l’animal dans les conditions naturelles : l’utilisation d’une épine pour extraire les Insectes de leurs trous chez un Gros-Bec des Galapagos ou l’usage d’un caillou pour tasser la terre qui bouche et camoufle l’entrée du terrier chez certaines Ammophiles restent des exceptions. Plus proche de l’outil humain est l’usage du bâton fouisseur chez le Chimpanzé. Ce Singe s’est d’ailleurs avéré capable, en captivité, d’apprendre la valeur symbolique arbitraire de simples jetons, qu’on lui avait appris à utiliser pour actionner un distributeur automatique de nourriture. Mais ces capacités de médiation ne se manifestent que chez des Primates évolués, proches de l’Homme.