Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
L

lancement de navire

Mise à flot d’un navire par glissement sur sa cale de construction.


À cet effet, les cales de construction sont disposées selon un plan incliné dans la direction du lancement et prolongées sous l’eau par l’avant-cale. Le lancement est une étape extrêmement importante de la construction du navire, qui prend à ce moment possession de son élément. Aussi, dans la plupart des cas, cette opération fait-elle l’objet d’une cérémonie solennelle. Les navires sont généralement lancés dès l’achèvement de la partie principale de la coque, les superstructures et les aménagements intérieurs étant réalisés ensuite à un quai d’armement.


Procédés de lancement

Le plus souvent, les navires sont lancés longitudinalement, mais parfois ils peuvent l’être transversalement.

Le lancement longitudinal s’effectue de façon que la partie arrière de la coque pénètre la première dans l’eau. Ainsi, au moment où le navire commence à flotter, il pivote sur le tournant de l’étrave, ou brion, renforcé spécialement à cet effet.

Pendant sa construction sur la cale, le navire repose sur des empilages de bois appelés tins, ses flancs étant soutenus par des arcs-boutants, les accores. En vue du lancement, on construit sous la coque une charpente en bois qui en épouse les formes inférieures, le ber ou berceau, reposant sur une ou plusieurs coulisses graissées qui constituent un chemin de glissement. Coulisses et berceau sont substitués, par tronçons successifs, aux tins supérieurs, le berceau étant relié au navire et les coulisses aux tins inférieurs.

Pour le lancement longitudinal, on utilise le plus souvent deux coulisses, mais l’opération peut aussi s’effectuer sur une seule coulisse et exceptionnellement sur trois. S’il n’y a qu’une seule coulisse, le lancement est dit « sur savate », en raison du nom donné à la poutre longitudinale fixée sous la quille et à laquelle se réduit le berceau. Afin d’éviter le déversement accidentel du bâtiment au cours de l’opération, on fixe également sous la coque, de chaque côté, des ventrières en bois et, à quelques centimètres au-dessous de celles-ci, des couettes mortes reliées à des tins latéraux. Avec le procédé sur double coulisse, le berceau se compose de deux pièces longitudinales, les couettes vives, fixées sous le navire et reposant sur les deux coulisses, ou couettes mortes, fixées aux tins inférieurs. Aux extrémités, là où les formes du navire se relèvent, on interpose souvent des massifs verticaux, les colombiers, entre les couettes vives et la coque afin de soutenir les parties en porte-à-faux de celle-ci.

La pente de la cale de lancement et le coefficient de frottement des coulisses sont calculés pour que le navire se mette à glisser sous l’effet de son propre poids. Divers moyens sont utilisés pour retenir le navire avant le lancement : tôles ou filins reliés au berceau et à la cale, que l’on coupe pour amorcer le lancement, arcs-boutants obliques ou clefs intercalés entre les coulisses et le berceau et que l’on fait sauter le moment venu, ou encore linguets à échappement maintenus au moyen de presses hydrauliques. Ces diverses retenues peuvent être employées simultanément sur des unités importantes. Si, après la suppression des retenues, le navire ne part pas, il suffit généralement d’exercer une légère poussée au moyen de vérins hydrauliques pour que s’amorce le glissement.

D’autre-part, il est presque toujours nécessaire de freiner le navire afin de limiter sa course dans l’eau. À cet effet, on utilise généralement de gros câbles de retenue fixés à une extrémité au navire et reliés en outre à celui-ci, sur une partie de leur longueur, par des bosses cassantes, câbles moins résistants calculés et disposés pour se rompre successivement pendant le lancement, ce qui permet d’absorber une partie de l’énergie cinétique du bâtiment. L’autre extrémité des câbles de retenue est reliée à des paquets de chaînes ou à des traîneaux qui, entraînés par les câbles, concourent au freinage du navire par leur frottement sur le sol. On peut encore freiner le navire au moyen d’un masque disposé transversalement à l’arrière.

En raison souvent de dispositions particulières, quelques chantiers lancent les navires transversalement, notamment dans le cas de séries d’unités construites côte à côte. On utilise alors un assez grand nombre de coulisses disposées perpendiculairement au plan longitudinal du navire et reliées solidement entre elles.


Calculs de lancement

Cas du lancement longitudinal. Le lancement d’un navire comprend en fait deux phases successives.


Glissement du navire sur la cale

Les éléments du calcul sont le poids P du bâtiment appliqué au centre de gravité G, la pente de la cale α et le coefficient de frottement sur les coulisses f. On décompose le poids P en deux forces, l’une parallèle à la cale, dont la valeur est P sin α, l’autre perpendiculaire à celle-ci, de valeur P cos α. La force normale P cos α est équilibrée par la réaction de la cale et donne lieu à un effort de frottement f P cos α. Le glissement se produit si l’on a
P sin α > f P cos α,
ou
tg α > f.

Le coefficient de frottement f varie notamment selon la nature du lubrifiant, la température et la pression sur les coulisses.


Entrée du navire dans l’eau

Après un certain parcours sur la cale, l’arrière de la coque entre dans l’eau, et le volume déplacé augmente jusqu’à ce que le navire flotte librement. À chaque instant de l’opération, le bâtiment est soumis à son poids P et à la poussée Q correspondant au volume d’eau déplacé. La résultante P — Q a sa direction placée sur l’avant du centre de gravité, à une distance de celui-ci de

Cette résultante est équilibrée à chaque instant par les réactions de la cale. La poussée Q augmente en fonction du volume d’eau déplacé, la résultante P — Q diminue, et sa direction se déplace vers l’avant du navire. Dès qu’elle atteint la partie arrière A du brion, le navire commence à pivoter, et l’effort maximal sur le brion a précisément pour valeur P — Q.

La réaction de la cale sur le brion provoque un couple inclinant qui doit toujours rester largement inférieur au couple de stabilité propre du navire. Dès que la poussée Q devient égale au poids P du navire, le brion quitte la cale, et le bâtiment flotte librement.