Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

Angleterre (suite)

• Les famines et les épidémies. L’équilibre entre la population toujours croissante et la production agricole, bloquée par suite du défrichement des dernières terres rentables, est devenu précaire au début du xive s. De mauvaises récoltes entraînent de terribles famines (1315-1316) : la population anglaise, affaiblie, est une proie facile pour la peste, qui frappe à plusieurs reprises à partir de 1348. Dans l’ensemble, la population a diminué d’un tiers, d’où une pénurie de main-d’œuvre qui freine la production. Le marasme économique s’installe.

• Les crises monétaires. L’Europe a alors peu de sources de métaux précieux. La pénurie d’or et d’argent se fait durement sentir, les prix baissent, tandis que le roi d’Angleterre, comme les autres souverains, trafique sur la monnaie qu’il frappe. Plus personne n’a confiance en celle-ci. Les difficultés financières s’en trouvent accrues et, par là, le roi dépend plus encore de ses sujets.

Édouard III (roi de 1327 à 1377) masque les difficultés de la période par ses victoires sur le continent (Crécy, 1346 ; Poitiers, 1356), qui apportent de grands profits à l’Angleterre : ainsi Calais, d’où les Anglais peuvent exporter la laine vers les Flandres, et le Poitou. La réaction française sous Charles V fait perdre leurs avantages aux Anglais. Richard II (roi de 1377 à 1399) se trouve aux prises avec toutes sortes de difficultés : révolte des paysans (1381), hérésie de Wycliffe († 1384). Il échoue dans son effort pour restaurer l’autorité monarchique, malgré le succès que représente la conquête de l’Irlande : l’aristocratie le remplace par Henri IV (roi de 1399 à 1413), le premier des Lancastres. Sous son règne et celui de son fils Henri V (roi de 1413 à 1422), qui, après Azincourt (1415), conquiert plus de la moitié de la France et installe son héritier à Paris, avec l’accord du duc de Bourgogne et de la reine Isabeau de Bavière (traité de Troyes, 1420), le pouvoir royal progresse. Au fond, rien n’est changé et la faiblesse d’Henri VI (roi de 1422 à 1461), d’abord mineur, puis fou, permet aux factions aristocratiques de se livrer une lutte acharnée : c’est la guerre « des Deux Roses », opposant aux Lancastres les princes de la maison d’York. En 1461, Édouard IV devient roi, rétablit l’ordre, les finances, et termine la guerre de Cent Ans par l’accord de Picquigny (1475) avec Louis XI. Mais le massacre de ses enfants par son frère Richard III (roi de 1483 à 1485) ruine cette œuvre, et, lorsque Henri Tudor bat et tue Richard à la bataille de Bosworth, se clôt une ère de troubles qui laisse la grande noblesse exsangue.


Les Tudors


Henri VII (roi de 1485 à 1509)

Henri Tudor, devenu Henri VII, fonde la dynastie des Tudors. Entouré d’hommes de loi, il assure le retour à l’ordre en supprimant tous les rivaux de sa famille. Il prend soin de gouverner avec l’accord du Parlement, inaugurant ainsi une politique de coopération entre la monarchie, la noblesse et surtout la gentry. De même, sa diplomatie profite de la rivalité entre la France et les Habsbourg.


Henri VIII (roi de 1509 à 1547)

Il continue la même politique, mais avec plus d’éclat. Des finances abondantes, une justice bien contrôlée permettent au gouvernement d’Henri et de son ministre, le cardinal Wolsey, de jouir d’une autorité incontestée à l’intérieur, tandis qu’à l’extérieur le traité de paix universelle de 1518 et le Camp du Drap d’or (rencontre avec François Ier, 1520) révèlent leur prestige. Mais, à partir de 1529, Henri VIII se sépare de Wolsey (mort en 1530) : c’est que l’essor du pouvoir royal se développe maintenant sur le terrain religieux.


Les successeurs d’Henri VIII

Édouard VI (roi de 1547 à 1553), fils d’Henri VIII et de Jane Seymour, devient roi à dix ans. Sous son règne, l’Église anglaise évolue vers le protestantisme sous la conduite de Thomas Cranmer, qui compose les deux premiers Books of Common Prayer (1549 et 1552) et publie les « quarante-deux articles » de l’Église d’Angleterre (1553). Édouard mourant de tuberculose, son ministre Northumberland essaye d’imposer lady Jane Grey, arrière-petite-fille d’Henri VII, comme reine. Mais à la mort du roi, le Conseil se rallie très vite à la catholique Marie Tudor. Marie Ire Tudor (reine de 1553 à 1558), fille de Catherine d’Aragon, ramène, avec le concours du cardinal Pole, l’Église anglaise au catholicisme. Elle projette d’épouser le roi d’Espagne Philippe II. Ce brusque changement entraîne des révoltes, comme celle qui est conduite par sir Thomas Wyat en 1554. Dès lors, le régime se montre féroce pour les opposants : lady Jane Grey et Thomas Cranmer sont parmi les victimes de « Marie la Sanglante ». Sa politique pro-espagnole l’amène à lutter contre la France : la seule conséquence en est la perte de Calais (1558), ce qui est grave pour le commerce anglais.


Élisabeth Ire (reine de 1558 à 1603)

Fille d’Henri VIII et d’Anne Boleyn, elle va rétablir la situation. À l’intérieur, sa politique traduit exactement les aspirations de la gentry et de la bourgeoisie. Bien conseillée par des hommes de valeur comme le chancelier William Cecil, elle gouverne en accord avec le Parlement. En matière religieuse, elle restaure l’Église nationale, mais son « anglicanisme », tel qu’il apparaît dans le troisième Common Prayer Book (1562) et les « trente-neuf articles » de 1563, est un compromis modéré entre des principes protestants et des formes catholiques. Elle lutte aussi bien contre les calvinistes que contre les catholiques. À l’extérieur, sa politique traduit les nouvelles aspirations maritimes de son pays. Si elle essaye de récupérer Calais, elle se tourne surtout contre la puissance maritime espagnole, qui s’effondre lorsque l’Invincible Armada est détruite en 1588. Au moment où apparaît cette Angleterre capitaliste et maritime monte sur le trône (1603) Jacques VI Stuart, roi d’Écosse, qui devient Jacques Ier d’Angleterre. Même si les deux couronnes ne seront fondues qu’en 1707 en un royaume uni, c’est dès 1603 que l’histoire de l’Angleterre laisse la place à celle de la Grande-Bretagne.