Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

Angleterre (suite)

Les transformations de la société anglaise

La révolte des paysans (1381), par son ampleur, est le signe des tensions qui existent dans la société : les paysans, réclamant leur liberté, prennent Londres et massacrent les conseillers du roi. En fait, les modifications sont sensibles partout.

Dans les couches supérieures, la notion de noblesse se double de celle de gentry : cela désigne des gens d’origine parfois modeste qui, par la guerre ou l’exercice d’une profession nécessaire (juristes qui, autant que des hommes de loi, sont des managers des manoirs), ont pu amasser un capital, acheter des terres et finissent par s’amalgamer à l’ancienne aristocratie, décimée par les guerres continuelles.

Dans les couches inférieures, le manque de main-d’œuvre, qui résulte de la baisse de la population, permet aux paysans de bénéficier de conditions plus favorables, malgré la résistance farouche des grands propriétaires (d’où la révolte de 1381). En tout cas, à la fin du xve s., presque tous les paysans sont libres. Peu sont propriétaires, mais on a dû leur consentir des baux de fermage à long terme, qui leur ont permis de s’enrichir. Les propriétaires ont cependant tourné la difficulté en remplaçant la culture, consommatrice de main-d’œuvre, par l’élevage du mouton, puisque Calais permet à l’Angleterre d’exporter sa laine dans les meilleures conditions. Pour installer leurs troupeaux, ils enclosent leurs terres (mouvement des enclosures), en interdisant ainsi l’usage aux petits paysans. S’il n’y a plus de serfs, il y a maintenant des pauvres qui quittent la campagne pour les villes. En outre, les profits que dégage cette agriculture commerciale permettent l’accumulation d’un capital : c’est en Angleterre que va naître le capitalisme.

La naissance du capitalisme

Les mouvements des enclosures et l’élevage du mouton ont assuré à la gentry et à la bourgeoisie des villes des profits qu’elles vont investir à l’extérieur. Le capital qui a été amassé finance les débuts de l’expansion anglaise. Sous Élisabeth Ire naît la marine anglaise (à la tête de laquelle s’illustre sir Francis Drake), profitant de l’élimination du concurrent espagnol. Sir Walter Raleigh fonde la Virginie sur les côtes d’Amérique du Nord (1584-85) et explore la Guyane (1596). En 1566-1568, sir Thomas Gresham fonde le Royal Exchange de Londres.

J. P. G.

➙ Grande-Bretagne.

 J. B. Block, The Reign of Elizabeth, 1558-1603 (Oxford, 1936 ; 2e éd., 1959). / F. M. Stenton, Anglo-Saxon England, c. 550-1087 (Oxford, 1943 ; 2e éd., 1947). / E. Perroy, la Guerre de Cent Ans (Gallimard, 1946). / A. L. Poole, From Domesday Book to Magna Carta, 1087-1216 (Oxford, 1951 ; 2e éd., 1955). J. D. Mackie, The Earlier Tudors, 1485-1558 (Oxford, 1952). / M. Powicke, The Thirteenth Century, 1216-1307 (Oxford, 1953). / J. Boussard, le Gouvernement d’Henri II Plantagenêt (d’Argences, 1957). / M. McKisack, The Fourteenth Century, 1307-1399 (Londres, 1959). / E. F. Jacob, The Fifteenth Century, 1399-1485 (Londres, 1961).

anglicanisme

Principes, doctrines et institutions propres à l’Église anglicane, qui est l’Église officielle d’Angleterre.


L’Église anglicane est née des démêlés d’un souverain autocrate avec le Saint-Siège ; elle ressortit donc plus, à son origine, à un conflit d’autorité à l’intérieur du catholicisme qu’à un mouvement spirituel ou théologique.

Les tentatives de réforme de l’Église s’étaient pourtant manifestées en Angleterre comme ailleurs : dès le xive s., John Wycliffe, philosophe et théologien d’Oxford (v. 1320 - 1384), avait mis en cause, au nom de l’Écriture, l’autorité du pape et des conciles ; il avait traduit la Vulgate en langue vulgaire et, appuyé au départ par de larges cercles de la noblesse, il avait exercé une profonde influence dans la population. C’est seulement après sa mort qu’une persécution extrêmement rigoureuse s’était déclenchée contre ses disciples, les « lollards, évangélistes pauvres et ardents ». Traqués par une inquisition impitoyable, ceux-ci menèrent une existence clandestine jusqu’au début du xvie s.


Henri VIII et Édouard VI

Henri III, qui régna sur l’Angleterre de 1509 à 1547, avait reçu à Oxford une formation théologique et devait, originellement, devenir clerc ; encore en 1521, il avait écrit contre Luther l’« assertio septem sacramentorum », qui lui valut de se faire décerner par Léon X le titre de « defensor fidei ». Mais les complications de sa vie conjugale le mirent en conflit avec Rome. Comme son chancelier, le cardinal Thomas Wolsey, qui était également légat pontifical, ne se montrait pas assez docile, Henri le déposa en 1529 et obligea le clergé à reconnaître désormais le roi comme chef de l’Église d’Angleterre (1531). En 1534, le Parlement approuva l’ordonnance — préparée par Thomas Cromwell — qui, sous le nom d’Acte de suprématie, stipulait que le roi devait être « accepté, regardé, reconnu comme unique et suprême chef sur terre de l’Église d’Angleterre ». L’opposition à ces mesures — qui prévoyaient notamment la suppression des couvents et l’attribution de leurs biens à la Couronne, laquelle en redistribuait une bonne partie à la noblesse — fut cruellement réprimée et, au cours des persécutions qui suivirent, il apparut bien qu’Henri n’était en rien « passé à la Réforme » : il faisait pendre comme traîtres les catholiques fidèles et brûler comme hérétiques ceux de ses sujets qui avaient cru l’heure venue de faire acte de protestantisme...

À l’origine donc, l’Église anglicane est une dissidence catholique : sans doute, profitant de la rupture des liens avec Rome, diverses influences évangéliques se firent sentir, et les nécessaires relations politiques avec les États protestants eurent des répercussions sur l’évolution spirituelle de l’Angleterre. Toutefois, après que le roi lui-même eut manifesté quelques velléités protestantes, il publia en 1539 un acte en « Six Articles », connu comme l’« édit sanglant ». Cet acte maintenait les positions catholiques les plus traditionnelles en ce qui concernait la transsubstantiation, la réservation aux prêtres de la coupe eucharistique, le célibat et la chasteté du clergé, les messes privées, la confession auriculaire, etc. Et la fin de la vie du roi échappa complètement à l’influence de la Réforme.