Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

Angleterre (suite)

Le Domesday Book

C’est le « livre du Jugement dernier ». Cette enquête, menée dans toutes les paroisses du pays, pour connaître les tenants des manoirs, les terres et les paysans dont ils disposent, est la plus grande entreprise administrative du Moyen Âge. On peut mesurer par cet exemple sa précision : « L’abbaye de Grestein tient du roi Penton. Avant, c’était un manoir de la reine Édith. Il y a pour 6 charruées de terre, à peu près 180 ha, 2 sont exploitées directement par le seigneur, 5 vilains et 27 bordiers (paysans libres) ont 3 charruées. Il y a une église et 5 esclaves. Du temps du roi Édouard, cela valait 10 livres et aujourd’hui 8 livres. » Ainsi apparaît une Angleterre où l’aristocratie anglo-saxonne a disparu devant des maîtres normands, où les paysans libres sont plus nombreux que les autres ; on s’aperçoit aussi que des zones immenses sont occupées par la forêt, que le roi s’est en grande partie réservée et qu’il gouverne par une loi spéciale.


Les Plantagenêts


Henri II (roi de 1154 à 1189)

Il hérite à la fois de l’Angleterre, de la Normandie et des domaines angevins : son mariage avec Aliénor d’Aquitaine lui apporte tout le sud-ouest de la France, et il impose sa suzeraineté à la Bretagne et à l’Irlande. Il est donc à la tête d’un vaste empire. Il y a deux nécessités pour lui : se défendre contre le roi de France et gouverner les barons anglais, dont il a besoin et auxquels la guerre civile a donné des habitudes d’indépendance.

• La défense contre le roi de France. Henri II l’assure en renonçant à l’armée féodale, qu’il remplace par une armée moins nombreuse mais plus disciplinée et soldée. L’efficacité de cette méthode est démontrée par les succès militaires d’Henri II, mais son coût rend plus difficile encore le problème du gouvernement.

• Le gouvernement de l’Angleterre. Henri II veut des Anglais à la fois obéissance et argent. Pour cela, il réorganise l’administration anglo-normande, donnant leur visage définitif à plusieurs institutions : celle des shérifs, représentant le roi dans les comtés ; celle de l’Échiquier, où les mêmes shérifs viennent faire contrôler les sommes qu’ils ont levées pour le roi ; celle des juges itinérants, qui surveillent les fonctionnaires royaux et assurent l’ordre public. Malgré l’efficacité de son gouvernement, Henri II se heurte à une dure opposition, illustrée notamment par Thomas Becket.

Henri II et Thomas Becket

Favori d’Henri, devenu archevêque de Canterbury, Thomas Becket refuse de satisfaire les demandes d’argent dont le roi accable l’Église. Celle-ci est solidaire de l’aristocratie face au roi : Becket représente donc un danger pour l’autorité royale. Lorsque deux chevaliers de la Cour l’assassinent en pleine cathédrale de Canterbury, tout le monde en rend Henri II responsable. Si celui-ci doit publiquement s’humilier, la mort de Becket n’en affaiblit pas moins l’opposition à son pouvoir.


Les successeurs d’Henri II

Richard Cœur de Lion (roi de 1189 à 1199), éloigné par la croisade (1190-1194), Jean sans Terre (roi de 1199 à 1216), sans autorité et malheureux à la guerre (reconquête de la Normandie, du Poitou, de la Touraine et de l’Anjou par Philippe Auguste [1204-1205] ; invasion de l’Angleterre par Louis de France [1216]), et enfin Henri III (roi de 1216 à 1272), qui monte sur le trône à neuf ans, sont incapables de résister à la poussée de l’aristocratie. Certes, les barons tiennent leurs terres du roi, et ils lui doivent fidélité, mais ils représentent un groupe homogène avec lequel il faut compter, surtout si on lui demande quelque chose. Et la guerre continuelle contre les Capétiens oblige à toujours leur demander de l’argent. Pour eux, deux conséquences en découlent :
— dans la vie politique, l’aristocratie fait reconnaître ses droits. La Grande Charte (1215) n’est pas appliquée ; la révolte des barons conduite par Simon de Montfort finit par échouer (1265). Il n’empêche que, peu à peu, les principales décisions sont prises pour le roi par un conseil dit « en parlement », où sont convoqués tous les lords tenant des terres directement du roi, les prélats et, plus tard, les représentants des bourgs et de la petite noblesse des comtés (les commons). Ce « Parlement », qui commence à fonctionner sous Édouard Ier (1272-1307), représente pour l’aristocratie une très importante garantie ;
— dans le domaine économique, l’emprise de l’aristocratie sur les paysans s’accroît. La paysannerie anglaise glisse de la liberté vers le « vilainage » : le vilain, autrefois paysan libre, est maintenant assimilé à un serf. Les « manoirs », autant que des centres d’exploitation agricole, sont des centres judiciaires contrôlant la condition juridique des paysans et leur exploitation financière. Seuls les paysans qui ont participé au vaste mouvement de défrichement ont le plus souvent conservé leur liberté.


Édouard Ier (roi de 1272 à 1307)

L’Angleterre paraît avoir retrouvé un certain équilibre. Le roi peut mener à bien la conquête du pays de Galles (1277-1284) et il contrôle un moment l’Écosse (1296-1306). Mais là, il excède ses possibilités. Son successeur, Édouard II (1307-1327), est écrasé par les Écossais à Bannockburn (1314), et doit de nouveau faire face à une révolte des barons. Il finit assassiné en 1327 par sa femme Isabelle de Valois et son favori Roger Mortimer of Wigmore.


Crises et mutations des xive et xve siècles


Les conditions nouvelles

Diverses crises secouent alors l’Europe. L’Angleterre les connaît aussi.

• La guerre. C’est la guerre de Cent Ans. Les origines dynastiques du conflit (le roi d’Angleterre prétendant être l’héritier légitime des Capétiens directs contre les Valois) ne l’empêchent pas d’avoir une signification économique : protection de la Guyenne, source des vins et débouché pour les céréales anglaises, origine de revenus (soldes, rançons, pillages) pour une aristocratie qui voit ses profits fonciers stagner.