Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

Angleterre (suite)

Si la politique a peu mis en rapport les royaumes anglo-saxons avec la chrétienté occidentale, l’introduction du catholicisme en Angleterre a permis de nouer des liens culturels et religieux nombreux. En 597, le pape Grégoire le Grand envoie en Angleterre une mission dirigée par Augustin, qui débarque dans le Kent et s’installe à Canterbury, dont il est le premier évêque, et bientôt l’archevêque (601). Son succès est rapide, et deux réactions païennes au cours du viie s. n’empêchent pas l’Église d’Angleterre de croître. Théodore de Tarse (668-690) parfait son organisation, centrée sur les deux archevêchés de Canterbury et d’York. Les monastères se multiplient eux aussi. Grâce à eux, apparaît une culture très riche.


xe et xie s. : Anglo-Saxons et Scandinaves

Au cours du ixe s., les Danois avaient réussi à prendre pied en Angleterre : ils s’étaient installés dans le Danelaw, au nord d’une ligne allant de l’embouchure de la Tamise à celle de la Dee. Les rois du Wessex les contiennent : mais, sous le règne de Harald Blåtand (v. 940 - v. 986), le Danemark est devenu une puissance redoutable. Dès lors, des entreprises de grande envergure se développent : le roi Sven (Svend) Tveskaegg et surtout son fils Knud (Knut) conquièrent le pays de 1013 à 1017. Mais l’énormité de son empire (Groenland, Norvège, Danemark) empêche Knud de s’occuper suffisamment de l’Angleterre. En dehors du Danelaw, l’implantation Scandinave n’est que superficielle. À la mort de Knud (1035), des guerres éclatent entre ses héritiers. Un prince anglo-saxon qui s’était réfugié en Normandie, Edouard le Confesseur, monte sur le trône d’Angleterre (1042). Entouré de conseillers normands, il mécontente aussi bien l’aristocratie anglo-saxonne, qui se révolte sous la conduite de Godwin, que les Scandinaves, qui font sans cesse appel à l’extérieur. Le principe de la légitimité monarchique est mis en cause lorsque Harold, le fils de Godwin, se fait admettre comme l’héritier d’un trône auquel il n’a nul droit. Il devient roi en 1066 : mais Normands et Scandinaves sont prêts à s’opposer à lui.

La société anglo-saxonne

Elle est caractérisée par l’existence d’une couche de paysans libres, les ceorls, et d’une classe noble, celle des thegns. Elle conserve tout au long de cette période certains traits effacés ailleurs sur le continent : importance de la justice publique, rendue devant les assemblées d’hommes libres. Mais, en raison des guerres, le roi est amené à s’entourer de fidèles, qu’il s’attache en leur cédant ses droits sur des terres et des paysans : la condition de ceux-ci se détériore, le thegn les contrôlant plus étroitement depuis son « manoir ». Les nécessités de la défense dans cette société avant tout rurale l’ont rapprochée de la société féodale qui s’est développée sur le continent.

La culture anglo-saxonne

Les monastères anglo-saxons ont été fondés par des adeptes de la règle de saint Benoît, comme saint Wilfrid et saint Benoît Biscop (à Jarrow), ou par des moines irlandais (à Lindisfarne). Dans les deux cas, les religieux anglais vont allier à la contemplation l’étude et l’activité évangélique : d’où la grande fécondité de ces monastères. Des moines en partent très vite pour aller convertir les païens de Germanie : saint Willibrord, apôtre des Pays-Bas, et saint Boniface, qui évangélise les populations rhénanes, sont les plus célèbres. Le rayonnement culturel anglais est tout aussi grand : ce sont des moines irlandais qui ont d’abord transmis leur savoir aux Anglais. Mais l’organisation systématique d’écoles dans les cathédrales et les monastères suppose un énorme travail de redécouverte des fondements de la culture antique, surtout de la grammaire et de la littérature latines. Charlemagne, désireux d’améliorer le niveau de l’Église franque, fera appel à un maître d’York, Alcuin. Deux personnages symbolisent bien l’éclat et les limites de cette culture, Bède le Vénérable et Alfred.

Bède (673-735). Il passe toute sa vie comme moine à Jarrow. Disposant là d’une bibliothèque, il écrit de nombreux ouvrages qui montrent les centres d’intérêt d’un intellectuel du viie s. : un traité de chronologie (pour déterminer la date de Pâques, il faut des connaissances mathématiques et astronomiques) et une Historia ecclesiastica de l’Angleterre, où la croyance aux miracles ne l’empêche pas de faire montre de sens critique.

Alfred le Grand (v. 849-899). Ce laïque, en même temps qu’un grand roi, est un lettré qui, avec l’aide de quelques moines, traduit de latin en anglais Boèce, saint Grégoire et Bède.


Les Normands (xie - xiie s.)


La conquête

Outre le roi de Norvège Harald Hårdråde, Harold a pour rival le duc de Normandie, Guillaume le Conquérant : des liens familiaux attachaient ce dernier à Edouard le Confesseur, et il considérait Harold comme son obligé depuis qu’une tempête avait jeté ce dernier sur la côte française.

Le 25 septembre 1066, Harold écrase les Norvégiens à Stamfordbridge.

Le 14 octobre 1066, Harold est battu et tué par le duc de Normandie à la bataille de Hastings, et, le 25 décembre, Guillaume est couronné roi d’Angleterre à l’abbaye de Westminster. De 1067 à 1071, il parachève sa domination en réprimant les révoltes du Kent et de la Northumbrie, et en repoussant plusieurs expéditions scandinaves. Il peut alors s’attacher à l’organisation de sa conquête. Le Domesday Book en est l’exemple le plus remarquable.


Les successeurs de Guillaume

Ses intérêts normands ayant entraîné Guillaume dans une guerre contre le roi de France Philippe Ier, il est tué devant Mantes (1087). Ses trois fils, Robert Courteheuse, Guillaume le Roux (roi de 1087 à 1100) et Henri Ier Beauclerc (roi de 1100 à 1135), se livrent de terribles luttes. Mais Henri sait reprendre la politique de son père : il renforce sa légitimité en épousant la princesse saxonne Édith ; il s’appuie sur un clergé bien organisé par Lanfranc, archevêque de Canterbury († 1089), et son successeur saint Anselme († 1109) ; il renforce l’efficacité de l’administration mise sur pied par Guillaume. Sur le continent, il conserve la Normandie et déjoue victorieusement les entreprises du roi de France Louis VI. À sa mort, cependant, il ne laisse qu’une fille, Mathilde, mariée au comte d’Anjou Geoffroy Plantagenêt. Jusqu’à 1154, la guerre civile fait rage entre elle et Étienne de Blois, neveu d’Henri. À cette date, le fils de Mathilde peut monter sur le trône.