Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
J

Jellicoe (John Rushworth Jellicoe, 1er comte) (suite)

La flotte britannique de 1914 à 1916

Avec 2,22 millions de tonnes en service, soit plus du double de la flotte allemande, un peu moins du triple de la flotte américaine ou de la flotte française, elle est, en 1914, la première du monde.

Après les 10 dreadnoughts de 17 000 à 19 000 t datant de 1907 à 1909, la série des « Orion » (22 500 à 25 000 t, 10 canons de 343 mm), sortis en 1910-11, et des 10 « Warspite » (27 000 t, 8 canons de 381 mm), construits en 1913-14, permet aux Anglais d’aligner 32 cuirassés ultra-modernes, dont les huit derniers sont en voie d’achèvement. Simultanément ont été construits 9 croisseurs de bataille de 18 000 à 27 000 t, 5 « Invincible » armés de 8 canons de 305 mm (1908-1911) et 4 « Lion » portant 8 canons de 343 et filant 25 à 28 nœuds (1911-1914). À cet ensemble, datant de moins de dix ans au début de la Première Guerre mondiale, s’ajoute une imposante flotte un peu plus ancienne, mais d’une valeur encore certaine : 40 cuirassés de 13 000 à 16 000 t, 34 croiseurs cuirassés, 36 croiseurs légers de 5 000 t, 208 destroyers, 79 sous-marins, dont 17 modernes. Les effectifs de la Navy s’élèvent à 6 000 officiers et 107 000 hommes, auxquels s’ajoutent 18 000 hommes du corps des marines.

La Grande Flotte de l’amiral Jellicoe au Jutland

En 1916, la Grande Flotte a été encore renforcée par l’entrée en service des superdreadnoughts de la série « Warspite » et du croiseur de bataille « Tigre ». Au moment où s’engage la bataille du Jutland, elle comprend :

• les 1er, 2e et 4e escadres de cuirassés, soit 24 dreadnoughts, dont l’Iron Duke (bâtiment amiral) ;

• la 5e escadre de l’amiral Evan Thomas avec 4 « Warspite » ;

• une escadre de 6 croiseurs de bataille aux ordres de l’amiral Beatty, qui a son pavillon sur le « Lion » ;

• 3 croiseurs de bataille de l’amiral Horace Hood ;

• 8 croiseurs cuirassés de 11 000 à 15 000 t ;

• 26 croiseurs légers (3 600 à 5 300 t) ;

• 74 destroyers et 5 conducteurs de flottille.

L’ensemble de ces forces, directement aux ordres de Jellicoe, comprend 150 navires et 1 700 canons.

La Flotte de haute mer allemande, commandée par l’amiral Scheer, ne rassemble que 16 dreadnoughts et 5 croiseurs de bataille, équivalents ou même supérieurs à leurs homologues britanniques. En y ajoutant 11 croiseurs légers, 62 destroyers et 6 cuirassés de 13 500 t, on arrive à un total de 100 navires et 900 canons.

P. D.

➙ Cuirassé / Guerre mondiale (Première).

Jérôme (saint)

Père et docteur de l’Église latine, célèbre par ses études bibliques et par la traduction latine de la Bible dite « Vulgate » (Stridon, Dalmatie, v. 347 - Bethléem 419 ou 420).



À l’école des grands classiques

Jérôme a environ douze ans quand ses parents l’envoient en 359 à Rome poursuivre ses études ; il suit les cours du célèbre Donat, commentateur de Térence et de Virgile, et commence à se constituer une bibliothèque, recopiant lui-même les livres qu’il désire conserver. Saint Augustin* mis à part, aucun auteur chrétien n’a été plus que Jérôme imprégné de la culture classique : et ce n’est pas le moindre charme de sa pensée et de son style.

À Rome, il mène la vie des étudiants de son âge, et sans doute faut-il tempérer ce qu’il racontera plus tard des « errements de sa jeunesse ». Il ne fut ni plus ni moins dissipé que d’autres. Mais le moine et l’ascète qu’il sera devenu jugera sévèrement les quelques excès de sa jeunesse estudiantine. Si, un temps, il fréquente les théâtres, les jeux du cirque, s’il mène joyeuse vie, il se reprend assez vite. En 366, il reçoit le baptême, sans doute à la basilique du Latran, des mains du pape Libère.

Ses études terminées, il quitte Rome en juillet 367 et se rend à Trêves, résidence de l’empereur d’Occident, avec l’intention, semble-t-il, d’y trouver une place dans l’administration impériale. Le contact qu’il a avec la colonie monastique de Trèves l’amène à un tournant décisif de sa vie. Renonçant à ses projets de carrière, il décide de se consacrer à la vie monastique. Malgré le scepticisme et le mécontentement de sa famille, il se retire à Aquilée, non loin de sa ville natale, dans une communauté de clercs qui s’adonnent à l’ascèse et à l’étude de la Bible. Mais ce séjour à Aquilée prend fin brutalement. « Une sombre tornade éclata sur ma tête », écrit Jérôme, qui n’a pas oublié Virgile. D’où surgit cette tempête ? On ne sait trop. Les cercles ariens tout-puissants à la Cour et le clergé local, indisposé par le zèle ascétique de la communauté, y sont bien pour quelque chose. Ayant décidé de partir pour l’Orient, terre d’élection des moines, Jérôme s’embarque en 374, emportant avec lui ses livres.


Le moine voyageur

Son voyage à travers l’Orient, après un séjour de dix-huit mois à Antioche (il y approfondit sa connaissance du grec et s’initie à la dialectique aristotélicienne), le conduit au désert de Chalcis, où il demeure de 375 à 377. Il accepte la dure vie des moines sans renoncer pour cela au travail intellectuel. Il se procure de nouveaux livres et apprend l’hébreu, que lui enseigne un juif converti. Plus tard, lorsqu’il sera moine à Bethléem, il se perfectionnera dans la langue hébraïque et apprendra même l’araméen, sous la direction d’un juif, non converti celui-là, nommé Bar-Anina, qui lui donnera ses leçons de nuit, par crainte de ses coreligionnaires. Mais Jérôme ne trouve au désert ni la paix religieuse ni le calme intellectuel qu’il avait souhaités. Les disputes théologiques que soulève l’hérésie arienne (v. Arius) viennent troubler la paix du désert. Des clans se sont formés parmi les moines, qui se jettent mutuellement l’anathème. Exaspéré par ces querelles de Grecs dont son esprit occidental voit mal l’intérêt, Jérôme fait ses bagages et rentre à Antioche, où il se laisse à contrecœur ordonner prêtre à la condition de rester fidèle à son idéal monastique. En 379, il se trouve à Constantinople, où il rencontre Grégoire* de Nazianze, qui lui révèle Origène*, dont il traduira diverses œuvres.