Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
J

Jefferson (Thomas) (suite)

Ainsi, le républicain président n’a pas été un président républicain ; il a réalisé une partie importante du programme fédéraliste. Retiré dans sa maison de Monticello, il consacre ses loisirs à fonder l’université de Virginie, entretient avec ses amis et ses anciens ennemis, comme Adams, une volumineuse correspondance, donne à ses successeurs les conseils qu’ils lui demandent ou ne lui demandent pas. Architecte, savant passionné par les terres à découvrir, grand amateur de littérature classique et moderne, Jefferson fut plus qu’un homme politique : il incarne l’élite américaine de la fin du xviiie s.

A. K.

➙ États-Unis.

 F. Kimball, Thomas Jefferson Architect (Boston, 1916). / S. K. Padover, Jefferson, a Great American’s Life and Ideas (New York, 1942) ; trad. fr. Jefferson, un militant de la liberté, Istra, 1963). / D. Malone, Jefferson and his Times (Boston, 1948-1951 ; 4 vol.). / L. S. Kaplan, Jefferson and France ; an Essay on Politics and Political Ideas (New Haven, Connect., 1967). / M. D. Peterson, Thomas Jefferson and the New Nation, a Biography (Oxford, 1970).

Jellicoe (John Rushworth Jellicoe, 1er comte)

Amiral britannique (Southampton 1859 - Londres 1935).


Fils d’un capitaine au long cours, il entre comme cadet à treize ans dans la Royal Navy et, après trois ans sur le navire-école Britannia, est promu officier en 1880. Très vite, il se spécialise dans l’artillerie et, après plusieurs embarquements comme officier canonnier, il est appelé en 1889 au département des armes de l’Amirauté, où il est distingué par l’amiral sir John Fisher (1841-1920) : « Jellicoe est notre meilleur officier », écrit-il. En 1898, il prend le commandement du Centurion, qui bat pavillon de l’amiral sir Edward Seymour, commandant de la China Station, et, deux ans plus tard, participe à l’expédition de Chine, où il est blessé à Tianjin (T’ien-tsin). De 1902 à 1907, au moment où s’élabore la grande rénovation de la flotte britannique, il est rappelé par Fisher à l’Amirauté, où il occupe des fonctions essentielles. En 1904 notamment, il appartient à la commission qui définit les caractéristiques du dreadnought, nouveau type de cuirassé dont la puissance dominera désormais les flottes de haute mer. Contre-amiral en 1907, vice-amiral en 1910, il commande en 1911 à bord de l’Hercules la 2e division de la Home Fleet. Au début de 1914, alors qu’il exerce les fonctions de deuxième lord de la mer, il est désigné pour succéder en décembre à l’amiral sir George Callaghan (1852-1920) à la tête de la Grande Flotte, fer de lance de la puissance navale britannique qui rassemble les plus modernes et les plus puissants de ses bâtiments de ligne. Mais, quand éclate la crise de l’été 1914, Churchill, premier lord de l’Amirauté, décide le 1er août, malgré les scrupules de l’amiral, de l’investir aussitôt dans son commandement.

Arrivé à Scapa Flow, Jellicoe, âgé alors de cinquante-cinq ans, prend le 8 août ses fonctions de commandant en chef à bord de l’Iron Duke. Si sa compétence technique, sa connaissance de l’adversaire et ses qualités longuement éprouvées de commandement à la mer sont hors de doute, il est curieux de constater qu’il devra lui-même concevoir sa mission. Face à la redoutable Flotte de haute mer allemande, aucun plan d’action précis n’a été prévu en temps de paix. Convaincu que « la flotte est le seul et unique facteur essentiel à l’existence de l’Empire britannique et à celle de ses alliés », Jellicoe estime que le maintien de la supériorité navale anglaise, qui repose sur la Grande Flotte, doit avoir toujours priorité sur la destruction de la flotte allemande. Comme l’écrit alors Churchill, Jellicoe, par un engagement inconsidéré, est « le seul homme qui puisse en une journée perdre la guerre ». Aussi l’amiral en conclut-il que son premier devoir est de préserver l’irremplaçable instrument de combat dont il a la responsabilité. Cette position, approuvée par l’Amirauté, dont l’amiral Fisher, rappelé de sa retraite à soixante-treize ans, a repris la tête en octobre 1914, explique la prudence avec laquelle Jellicoe conduira les opérations. En dehors du combat du Dogger Bank, où, le 24 janvier 1915, il n’engagera que les croiseurs de bataille du bouillant amiral sir David Beatty (1871-1936), il ne déclenchera aucune bataille avant la fameuse rencontre du Jutland (31 mai - 1er juin 1916), où il tiendra entre ses mains le sort de la Flotte de haute mer allemande. Si les escadres de l’amiral Reinhard Scheer (1863-1928) infligent de lourdes pertes aux Anglais et réussissent, en rompant le combat, à regagner leurs bases, Jellicoe demeurera finalement maître de la mer.

Son attitude sera toutefois vivement critiquée, et il faudra de longues années pour qu’on rende justice à la qualité de son commandement. Dans l’immédiat, c’est l’intensité nouvelle de la guerre sous-marine allemande qui préoccupe d’abord les amirautés alliées. Aussi, constatant les remarquables résultats obtenus par Jellicoe pour mettre la Grande Flotte à l’abri des sous-marins allemands, lord Balfour le place le 29 novembre 1916 à la tête de l’Amirauté. Ayant passé son commandement à Beatty, Jellicoe dirige, durant toute l’année 1917, l’organisation de la défense alliée. Après un printemps désastreux, les mesures rigoureuses qu’il adopte (en juin, toute la flotte marchande passe sous contrôle militaire), la généralisation du système des convois et l’importance des constructions américaines permettent aux Alliés de dominer de nouveau la situation. Toutefois, le pessimisme de Jellicoe, peut-être aussi son point de vue trop britannique dans une mission de plus en plus interalliée amenèrent Lloyd George à le remplacer le 26 décembre 1917 comme premier lord de la mer par l’amiral R. E. Wemyss (1864-1933), qui s’était imposé comme organisateur de la grande base alliée de Moudros.

Nommé amiral de la flotte en 1919, Jellicoe terminera sa carrière de 1920 à 1924 comme gouverneur de la Nouvelle-Zélande, où il sera vivement apprécié. Élevé à la pairie, il fut créé comte en 1925. Unanimement respecté, il avait pris part avec tact aux controverses qui, au lendemain de la guerre, agitèrent l’Angleterre au sujet de la bataille du Jutland. Il publia deux ouvrages : The Grand Fleet 1914-16, Its Creation, Development and Work (1919) et The Crisis of the Naval War (1921). Jellicoe a été inhumé aux côtés de Nelson à la cathédrale Saint Paul de Londres.