Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
J

Japon (suite)

L’époque Asuka-Hakuhō (vie s.-viie s.) : les débuts de l’art bouddhique au Japon

En 538, une mission venue de Päk-če (en jap. Kudara, royaume occidental de la Corée du Sud) apporte au Yamato des sūtra et des images bouddhiques. Les adeptes du culte de la déesse du Soleil, Amaterasu (considérée comme l’ancêtre du clan impérial), s’opposent d’abord à la religion étrangère, mais, au début du viie s., celle-ci est imposée officiellement par le régent Shōtoku. Fervent bouddhiste, ce dernier fait appel à des artisans coréens pour élever les premiers monastères selon les principes de l’architecture chinoise. Le plus célèbre est le monastère du Hōryū-ji, près de Nara*, qui conserve encore de magnifiques exemples de la statuaire de l’époque. La triade de Shakamuni (Śākyamuni) en bronze doré, exécutée en 623 par Tori, un descendant d’émigrants chinois, reste proche des modèles continentaux de la première moitié du vie s. En revanche, des œuvres à l’exécution plus sensible, comme la Kudara Kannon (Avalokiteśvara) du même temple ou le Miroku (Maitreya) du Kōryū-ji à Kyōto*, empruntent certains traits au style des Qi (Ts’i) du Nord (550-577). Les partis adoptés en Chine un siècle auparavant réapparaissent également dans les peintures du tabernacle « Tamamushi-no-zushi », conservé au Hōryū-ji.

Au cours de la seconde moitié du viie s., de nombreuses ambassades sont envoyées à la cour des Tang (T’ang*). À leur retour, moines, étudiants et artisans qui les accompagnent implantent au Japon la culture chinoise, alors en plein épanouissement. Témoins splendides de la peinture bouddhique des Tang, les peintures murales du kondō (« temple d’or ») du Hōryū-ji révélaient, jusqu’à leur disparition dans l’incendie de 1949, la nouvelle maîtrise acquise par les artistes japonais à la fin du viie s.


Le siècle de Nara (viiie s.) : influence du style chinois des Tang (T’ang)

En 710, la capitale permanente est établie à Heijō-kyō (actuelle Nara), selon le plan en damier de la métropole chinoise. Symbole de la puissance du bouddhisme, la grande fondation du Tōdai-ji est érigée vers le milieu du siècle par l’empereur Shōmu. Cependant, la religion autochtone (shintō, « voie des dieux ») subsiste, et le style de ses sanctuaires s’inspire de l’architecture primitive : plancher surélevé se prolongeant à l’extérieur par une galerie pourtournante, toitures en écorce de cyprès (hinoki) reposant directement sur des poteaux fichés en terre.

Dans les monastères bouddhiques, somptueusement décorés de peintures et de tapisseries, les images religieuses sont le plus souvent travaillées dans des matériaux nouveaux, comme l’argile ou le laque sec (kanshitsu), sur âme de bois ou de chanvre. Sous l’influence de la plastique Tang, les recherches pour traduire le modelé du corps sous les draperies, déjà apparentes dans la triade du Yakushi-ji de Nara (fin du viie s.), atteignent leur maturité dans les sculptures imposantes, mais bien équilibrées du Tōdai-ji. Sur les visages, le réalisme physique s’allie à une profonde expression de spiritualité et annonce, dans les représentations de moines en particulier, l’art du portrait, qui s’affirmera à l’époque Kamakura. Un autre exemple de la puissance d’individualisation propre aux sculpteurs japonais est illustré par les grands masques de danse (gigaku), à l’aspect caricatural, des viie et viiie s.


L’époque Heian (794-1185) : élaboration d’un art national

La Cour abandonne Nara en 794 pour s’installer à Heian-kyō (actuelle Kyōto). Le plan de la nouvelle capitale s’inspire de nouveau des formules Tang (T’ang), qui, pour un siècle encore, exerceront une influence prépondérante. Au début du ixe s., les moines Saichō et Kūkai, de retour du continent, introduisent au Japon de nouvelles sectes bouddhiques à tendance ésotérique : le tendai et le shingon. Ils établissent leurs monastères à l’écart des villes, le premier au mont Hiei (Hieizan), le second au mont Kōya (Kōyasan). Dans ces fondations de montagnes, l’ordonnance des édifices abandonne la symétrie des plans chinois pour s’adapter au cadre naturel. L’iconographie complexe du shingon s’inspire des images pieuses et des mandara (mandala, diagrammes magiques) rapportés par Kūkai (de son nom posthume Kōbō Daishi) et copiés dans les monastères. Les sculpteurs utilisent de préférence le bois taillé d’un seul bloc (ichiboku). Bouddha et bodhisattva, aux formes massives, portent des drapés aux plis profonds, et pour la première fois apparaissent des représentations de divinités shintō.

L’interruption des relations officielles avec la Chine entraîne à partir du xe s. la formation d’un art aristocratique, marqué par les goûts raffinés des dames de la Cour. Sur les paravents (byōbu) des demeures impériales, des poèmes magnifiquement calligraphiés voisinent avec des scènes profanes évoquant le déroulement des saisons ou les sites célèbres du Japon. Ainsi naît le yamato-e, peinture d’inspiration nationale qui s’oppose aux thèmes d’origine chinoise (kara-e), seuls en vogue auparavant. Dans les paysages, les montagnes escarpées de la Chine sont remplacées par les collines arrondies et verdoyantes de la région de Kyōto.

La Cour est dominée par les Fujiwara, qui gouvernent au nom des empereurs. Ils favorisent le culte d’Amida (Amitābha), bouddha miséricordieux qui accueille dans son Paradis de l’Ouest tous ceux qui invoquent son nom. La vision de ce Paradis est matérialisée, avec beaucoup d’élégance, dans le pavillon du Phénix (Hōō-dō) du Byōdō-in, construit en 1053 par Fujiwara Yorimichi. Les bâtiments, au décor somptueux, se reflètent dans un étang de lotus, selon une composition qui apparaît déjà sur les peintures des grottes de Dunhuang (Touen-houang*), en Chine. Le pavillon central abrite des sculptures en bois de Jōchō*. Sur les murs et les vantaux des portes, des peintures représentent les cortèges d’Amida (raigō) qui descendent du ciel pour recevoir les âmes des fidèles et survolent la campagne japonaise. Sous l’influence du yamato-e, le sentiment de la nature pénètre dès lors dans le domaine religieux. La beauté extrêmement décorative de ce style imprègne également les images bouddhiques, rehaussées de couleurs brillantes et de feuilles d’or finement découpées (kirigane).