Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Japon (suite)

La période Yayoi

Du iiie s. avant notre ère jusqu’au iiie s. env. apr. J.-C., le sud des îles japonaises se transforme progressivement sous l’influence des nouveaux peuples arrivés du continent : les primitifs Jōmon sont soit refoulés dans les montagnes ou vers le nord, soit convertis au mode de vie agricole des nouveaux venus. Ces derniers avaient une culture que l’on peut qualifier de néolithique, mais apportaient également avec eux des techniques déjà plus avancées, telles que celles de la métallurgie du fer et du bronze, du tissage, du tour de potier, ainsi que des modes nouveaux d’inhumation. Il ne semble pas en effet que les populations Jōmon aient eu un culte des morts très particulier : les ensevelissements se faisaient directement dans la terre ou dans les amoncellements de coquillages typiques des sites près des côtes ou le long des rivières et qui témoignent d’une très longue occupation des lieux. Les gens du Yayoi, au contraire, tout d’abord enterrent leurs morts dans des cistes délimités par des pierres taillées, puis dans de grandes urnes de terre faites au tour, souvent associées deux à deux, ces derniers modes d’inhumation étant toujours accompagnés d’un mobilier funéraire qui indique la croyance en une survie de l’âme après la mort. Ces jarres funéraires nous ont livré un important matériel de bronze importé de Chine ou de Corée. Il semble que des contacts suivis aient alors eu lieu entre les îles et le continent. De cette époque Yayoi datent le début de la période protohistorique du Japon et les premiers souverains. Les communautés villageoises sont organisées en sortes de chefferies, le « roi » étant en même temps le grand prêtre du « royaume ». Les maisons sont établies sur pilotis et montrent une architecture déjà évoluée. De cette période, cruciale pour l’avenir du Japon, datent peut-être la mongolisation de la population, un début de sinisation (accentuant encore ce caractère composite qui est une des particularités de la nation japonaise) et une organisation politique et religieuse qui, dans certaines parties des îles colonisées, se montre déjà fort avancée.


L’ère des kofun (iiie-vie s.)

Vers le milieu du iiie s., de nouveaux groupes de peuples venus de Corée apparaissent dans les îles du Japon méridional. Ces envahisseurs étaient des guerriers organisés en clans, possédant des armures de fer ; ils étaient montés sur des chevaux plus grands que ceux qui existaient déjà au Japon. Ils semblent avoir conquis plus ou moins pacifiquement la plus grande partie du pays, ne luttant que contre les populations anciennes non encore converties au mode de vie agricole des paysans yayoi, qu’ils refoulèrent de plus en plus dans le Nord, se posant en protecteurs des agriculteurs. Ils s’imposèrent tout naturellement comme chefs des communautés existantes, auxquelles ils apportèrent leurs schémas d’organisation, des mythes nouveaux qui furent intégrés dans les croyances des peuples yayoi et de nouvelles méthodes d’inhumation dans des kofun, ou tumulus immenses, tout d’abord réservés, semble-t-il, à leur aristocratie, puis adoptés par tous les chefs de kuni, ou communautés paysannes. Les nouveaux clans apportaient, en même temps qu’une mythologie, des conceptions politiques qui consacrèrent la naissance de véritables royaumes formés de la réunion de nombreux kuni. À la suite de luttes entre ces royaumes, la volonté d’un pouvoir central se fit jour, aboutissant, vers le milieu du vie s., à la formation d’un « empire » ayant la prétention de dominer les territoires appartenant à des clans rivaux de celui auquel appartenait l’« empereur ». Afin de justifier les prétentions de celui-ci à la légitimité, on le fit descendre des divinités ; les mythes furent choisis de manière à les faire corroborer la thèse politique ; ils furent alors, en 712, mis par écrit. Ce Kojiki, ou « Récit des choses anciennes », fut bientôt suivi d’un autre texte, plus élaboré, le Nihon-shoki, ou « Chronique du Japon », huit années plus tard. Ces deux récits constituent les ouvrages historiques les plus anciens du Japon. À côté des mythes et légendes qu’ils relatent, ils tentent d’établir une chronologie des ancêtres des « empereurs » remontant aux origines divines.


L’histoire d’avant le « Kojiki »

Selon cet ouvrage et son complément, la fondation de l’Empire japonais remonterait à l’an 660 avant notre ère. Un petit-fils de la déesse du Soleil Amaterasu, nommé Jimmu, aurait conquis à cette époque, les armes à la main, sur les populations primitives, la partie centrale du Japon, alors nommée Yamato. Ses successeurs consolidèrent les positions acquises et, luttant contre les Ebisu, ou autochtones, agrandirent leur territoire jusqu’au nord de l’actuelle Tōkyō. Si on ne peut se fier totalement à cette chronique en raison des imprécisions et des affabulations qui en déforment le contenu, du moins est-il permis de croire avec plus de sûreté les anciennes chroniques chinoises qui, pour n’être pas très explicites en elles-mêmes, fournissent nombre d’informations sur la vie des habitants du Japon, leurs coutumes et leur organisation politique avant l’ère proprement historique, que l’on s’accorde généralement à faire débuter au Japon en 538 de notre ère, c’est-à-dire à la date probable de l’introduction officielle du bouddhisme* en ce pays. Selon ces sources, il y aurait eu, vers le milieu du ive s., établissement d’une colonie japonaise dans le sud de la Corée, sur un territoire appelé Mimana. Deux souverains japonais sont cités à propos de ce fait d’armes, l’« empereur » Ōjin et l’« impératrice » Jingū. Ces souverains conquirent probablement vers la même époque le sud de l’île de Kyūshū, non encore « pacifiée ». Il s’ensuivit un grand afflux au Japon de Coréens qui y firent souche. De nombreuses batailles opposèrent le nord de la Corée au Mimana, qui essayait de s’étendre sur la péninsule. Ces conquêtes avaient principalement pour but de s’emparer des riches gisements de minerai de fer de la Corée, afin de suppléer aux besoins du Japon, dont les ressources en sables ferrifères étaient limitées. À partir de cette époque, et surtout à partir du ve s., les kofun augmentèrent considérablement en nombre et en grandeur, atteignant, comme celui de l’« empereur » Nintoku, jusqu’à 425 mètres de longueur. À cette même époque arrivèrent au Japon des lettrés coréens ou chinois, qui y apportèrent les livres confucéens et les doctrines taoïstes, probablement aussi des rudiments d’écriture chinoise. Les échanges culturels et militaires entre les deux pays, le Yamato (Japon) et la Corée, étaient alors très fréquents. Des potiers arrivèrent dans les îles, et les kofun se couvrirent de poteries tubulaires ornées de figurines, appelées haniwa. D’autres artisans apportèrent avec eux de nombreuses techniques diverses : forge, tissages perfectionnés, céramique, et introduisirent la culture chinoise, tout d’abord réservée aux milieux restreints de l’aristocratie. L’architecture commença également de se développer sur des principes nouveaux. Puis enfin, en 538, arrivèrent les doctrines bouddhiques, qui firent l’objet d’une transmission officielle entre la cour coréenne et celle du Yamato. Cette date marque la fin de la protohistoire du Japon et le début de sa période historique, que l’on peut désormais traiter de manière chronologique.