Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Japon (suite)

La campagne demeure généralement peu touchée par ces « combinats » établis dans son voisinage immédiat (dans ses rythmes de vie ou ses produits tout au moins). L’essor des zones fruitières et maraîchères tout au long des adrets du Tōkai ou du Sanyō (Chūgoku) est antérieur à ce phénomène et traduit davantage des conditions physiques (ensoleillement) et humaines (voisinage des métropoles) préexistantes. Au-delà de la voie ferrée ou de la route, jadis littorales, qui le séparent des nouveaux ensembles, le paysan travaille sa rizière comme auparavant, jusqu’au jour où le bulldozer en aura raison. Par ailleurs, vivant de façon prospère grâce au prix élevé de ses produits, voyant sa terre accroître de jour en jour sa valeur foncière, il ne trouve guère d’avantages à devenir ouvrier. Tout montre ainsi nettement le caractère surimposé des nouveaux paysages industriels au sein de ces vieilles campagnes.

• Aspects résidentiels. La prolifération de la population le long de cette zone suscite de vastes travaux de construction de logements soit dans l’intervalle des villes, soit dans les centres de celles-ci, remodelés avec énergie surtout depuis les années 1960. Plus que toute autre région, la mégalopolis annonce et symbolise l’évolution des modes d’urbanisation et de construction japonais. Jusqu’en 1960 environ, les maisons de bois de type traditionnel constituaient encore 75 p. 100 des nouvelles constructions ; elles n’en forment plus aujourd’hui que la moitié. Cette survie cependant remarquable s’explique par la standardisation très poussée de ce mode d’habitation et le cadre éminemment familier qu’elle constitue pour chacun. L’acier et le béton, connus bien avant la guerre, se sont généralisés tout au long de la zone industrielle et urbaine, une des formules souvent adoptées étant l’immeuble résidentiel de quatre étages (donc sans ascenseur) long de trente à cinquante mètres ; leurs cubes, par groupes de dix, vingt ou davantage, jalonnent plages et rizières. À l’intérieur, bien souvent, les appartements sont aménagés à la façon des maisons classiques, avec cloisons de papier coulissantes et grosses nattes sur le sol de la chambre à coucher.

Le centre des métropoles représente un niveau architectural supérieur ; ici, l’argent compte moins que le prestige, et de grands édifices de huit à dix étages en moyenne, mais progressivement plus élevés, sont construits en acier et en verre, succédant aux anciens immeubles de pierre ou de béton datant d’avant guerre. C’est dans leur centre commercial que les cités de la mégalopolis connaissent leur plus remarquable transformation. Des galeries marchandes, souvent souterraines, avec ronds-points et fontaines comme à Ōsaka ou à Sapporo, se déploient sous les places des gares, tandis que le réseau du métro (Tōkyō, Nagoya, Ōsaka, Sapporo), qui s’étend sans cesse vers la banlieue tout en se densifiant dans le centre, dessert directement grands magasins et principaux immeubles, formule utile en ce pays pluvieux qu’est le Japon.

Ces grandes villes remodèlent aussi leurs banlieues, qui, souvent fort anciennes et insalubres (telle Kawasaki, près de Tōkyō), accumulent localement sur des dizaines d’hectares maisons branlantes et ateliers enfumés. Leur façade maritime, qui se dédouble constamment par adjonction de nouveaux atterrissements sur le rivage (lui-même artificiel), déploie un front continu de quais et de hautes structures manufacturières qui les isole totalement de la mer. L’urbanisme japonais n’est d’ailleurs qu’à ses débuts, et, des grandes cités, seule Nagoya (et les villes de Hokkaidō à cause de leur origine « coloniale ») offre un plan rationnel et harmonieux. L’essor urbain demeure assez anarchique, et la création de toutes pièces de villes-satellites à 30 ou 50 km des métropoles (telle Tama pour Tōkyō) paraît n’apporter qu’un palliatif partiel à cette croissance désordonnée. Plus que jamais, la mégalopolis japonaise est le domaine de l’air insalubre, des eaux polluées, du bruit.

• Aspects de la vie de relations. Tous ces foyers urbains et industriels, les métropoles aussi bien que les « combinats » ou les cités d’importance moyenne qui s’industrialisent dans leur intervalle, s’échelonnent en un ruban unique, ce qui y rend les relations aisées. La totalité des établissements manufacturiers en effet dépend de quelques centres de direction localisés à Tōkyō, Ōsaka ou Nagoya, et c’est de là, dans les bureaux calmes et modernes de leur centre commercial, que se prennent toutes les décisions à leur sujet. Des communications rapides sont ainsi un facteur essentiel à la bonne marche de l’ensemble, une même société pouvant avoir des usines à Mizushima, à Yokkaichi, sur la baie de Tōkyō et plus au nord, à Kashima, dernier-né des grands combinats japonais. Une noria continue d’avions transporte les hommes d’affaires d’une extrémité à l’autre de la mégalopolis, ainsi que la nouvelle voie ferrée du Shinkansen, qui court sur ces rivages à la vitesse horaire de 200 km/h, reliant ainsi Ōsaka à Tōkyō en 3 h 10 et à Nagoya en 1 h 10. Okayama et Mizushima sont depuis la fin de 1972 à 4 h de la capitale, et, d’ici à 1975, Hiroshima et Fukuoka (Sapporo vers 1980) entreront à leur tour dans la zone des aller et retour possibles dans la journée. Une autoroute enfin double cette voie de Tōkyō à Kōbe, et sa construction avance le long de la mer Intérieure.

Au sein de ce vaste ensemble, toutefois, les métropoles conservent et exercent plus fortement que jamais leur rôle de direction. Parmi elles, Tōkyō pour la moitié septentrionale du pays, Ōsaka pour l’ouest sont absolument prééminentes, Nagoya se taillant dans leur intervalle une zone embrassant deux à trois préfectures, tandis que Fukuoka demeure la métropole de Kyūshū. Une âpre compétition oppose depuis longtemps Tōkyō et Ōsaka, la première représentant, au triple point de vue démographique, économique et du rayonnement, les cinq tiers environ de la seconde. Celle-ci affirme toutefois un dynamisme remarquable, et bon nombre de grandes sociétés y ont leur siège social. Cette « bicéphalité » du réseau urbain japonais constitue un exemple assez rare, à part l’Australie et le Brésil, sur l’ensemble de la planète, et mérite d’être soulignée.