Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Japon (suite)

• Le deuxième caractère de cette industrie après sa dépendance vis-à-vis de l’étranger est ce qu’on appelle communément sa structure dualiste. Y voisinent en effet d’innombrables ateliers de petite taille et des établissements de grande dimension héritiers des zaibatsu, les grandes firmes familiales de l’époque Meiji, qui font travailler dans les vastes usines de leurs immenses combinats des dizaines de milliers d’ouvriers. Les mesures antitrusts datant de l’occupation américaine (1945-1950) avaient dissous ces grandes entreprises, mais elles se reconstituèrent depuis et reforment actuellement les groupes puissants et polyvalents de jadis, sous les mêmes noms : Mitsui, Mitsubishi, Sumitomo, Yasuda, Nihon Steel. Les nouvelles venues parmi elles, Matsushita, Sony, Honda, sont spécialisées dans une gamme de fabrications plus restreinte. À côté de ces géants, 54 p. 100 de la main-d’œuvre japonaise travaillent en ateliers de moins de 100 ouvriers, qui forment 97 p. 100 du nombre total des entreprises, contre 0,1 p. 100 seulement pour celles de plus de 1 000 ouvriers. La structure familiale qui persiste dans la société japonaise contribue à entretenir ces formes anciennes de production, et aussi le fait qu’elles opèrent en symbiose étroite avec les grandes sociétés, préparant pour elles les pièces détachées (de voiture, caméra, radio, appareillage électrique), que celles-ci assemblent dans leurs vastes usines. Les salaires y sont fort bas, et le paternalisme le plus archaïque y exploite en douceur une main-d’œuvre défavorisée.

• Le troisième caractère de l’industrie japonaise était en effet jusqu’à ces derniers temps le bon marché relatif de ses produits. Appuyée dès ses débuts sur une main-d’œuvre rurale surabondante et largement féminine, cette grande industrie repose sur des sommes incalculables de misère humaine, qu’attestent les grèves fréquentes depuis la fin du siècle dernier. Durant la dépression de 1930, les salaires continuèrent de baisser. Les campagnes sont restées jusqu’à ce jour de grandes réserves de main-d’œuvre. Toutefois, l’élévation générale du niveau de vie a lancé le Japon dans la spirale ascendante des salaires et des prix, tandis que le manque de main-d’œuvre spécialisée, tout en poussant au développement de l’automation, a fait monter rapidement certains salaires depuis la reprise de l’économie en 1952. Enfin, un autre facteur des bas prix japonais à l’étranger — le transport des produits par des bateaux appartenant aux zaibatsu eux-mêmes — a cessé aujourd’hui de jouer, puisque les industriels nippons doivent, pour une large part, faire appel aux navires étrangers.


Localisation de l’industrie

C’est peut-être leur localisation à la surface de l’archipel qui constitue la caractéristique majeure de ces industries.

• Caractères généraux. Dépendant de l’étranger pour une bonne part de leurs matières premières et y expédiant une certaine quantité de leurs produits, l’essentiel des industries japonaises se localise sur la côte. Les régions houillères elles-mêmes n’ont développé de centres manufacturiers qu’au point du littoral le plus proche (Kita-kyūshū pour le bassin de Chikuhō à Kyūshū, Muroran pour celui d’Ishikari à Hokkaidō). Cette localisation n’intéresse cependant qu’une faible portion du littoral : 80 p. 100 des produits sont élaborés entre la baie de Tōkyō et celle d’Ōsaka, ces deux régions produisant 56 p. 100 en valeur du total, dont 32 p. 100 pour le seul Kantō (Tōkyō-Yokohama-Chiba). Trois régions viennent ensuite qui fabriquent 30 p. 100 du total : la baie de Nagoya, le pourtour de la mer Intérieure et le détroit de Shimonoseki (Kita-kyūshū). Tōkyō, Nagoya, Ōsaka et Kita-kyūshū constituent les quatre foyers « anciens » de l’industrie japonaise, antérieurs à la Première Guerre mondiale. Ils offrent toute la gamme des fabrications (métallurgie, chimie, industries légères), le textile demeurant vigoureux à Nagoya et Ōsaka, la métallurgie lourde l’emportant à Tōkyō. Il faut y ajouter les quelques centres textiles du Chūbu (centre de Honshū) et les foyers isolés de Muroran (aciéries Fuji) et de Tomakomai-Ebetsu (papier à Hokkaidō), les raffineries de pétrole d’Akita et de Niigata et les industries chimiques de Toyama-ko et de Yonago sur la mer du Japon, les bases de Nobeoka et d’Ōita (chimie lourde) à Kyūshū.

• Structure de la zone industrielle. Depuis la baie de Tōkyō (Chiba, Kawasaki, Yokohama) par Shizuoka-Shimizu, Hamamatsu-Toyohashi, la région de Nagoya (Yokkaichi, Tsu, Toyota), Ōsaka-Kōbe, Himeji, Okayama-Kurashiki, Mizushima, Hiroshima, Ube, sur la mer Intérieure, jusqu’à Kita-kyūshū et, plus au sud, à Ōmuta et Nagasaki, la puissance industrielle japonaise masse ses usines sur une bande de 1 000 km de long sur une largeur variant de 20 à moins de 1 km. Les raisons de cette localisation sont historiques, les courants de peuplement et les plus grandes villes se trouvant ici dès avant l’âge industriel, et aussi physiques en ce qu’il s’agit d’un front de mer (Pacifique et mer Intérieure) accessible, en chaque point, de l’étranger et des autres régions du pays.

Des quatre grands foyers d’industries qui jalonnent cette zone, les trois premiers : Tōkyō, Nagoya et Ōsaka, sont les plus brillants ; environnés sur des dizaines de kilomètres de banlieues enfumées, ils fabriquent à eux seuls 75 p. 100 des textiles, 68 p. 100 des produits métalliques, 55 p. 100 des produits chimiques. Dans leur centre commercial aux beaux immeubles de verre et d’acier, ce sont les mêmes noms qui éclatent la nuit en lettres de néon, les mêmes firmes qui y décident de la marche des affaires : Mitsubishi, Mitsui, Sumitomo, Matsushita, Honda, etc. Les trois agglomérations s’agrandissent aux dépens de la rizière environnante et de la mer qui forme leur baie. La quatrième région, celle de Kita-kyūshū, souffre à présent de tous les inconvénients d’une base industrielle fondée sur la houille à l’âge du pétrole ; elle s’étend moins vite que les autres et ne produit guère que 4,5 p. 100 du total.