Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
J

Janet (Pierre) (suite)

Quelques œuvres de P. Janet

Névroses et idées fixes, 1898 ;
les Obsessions et la psychasthénie, 1903 ;
l’État mental des hystériques, 1911 ;
les Médications psychologiques, 1919 ;
De l’angoisse à l’extase, 1927-28 ;
Cours sur l’évolution de la mémoire et la notion de temps, 1928 ;
les Débuts de l’intelligence, 1935 ;
l’Intelligence avant le langage, 1936.

A. D.

 H. J. Rabaud, Freud et Janet. Étude comparée (Privat, Toulouse, 1970).

jansénisme

Mouvement d’idées religieuses, à tendances non orthodoxes, qui s’est manifesté surtout aux xvii  et xviiie s.


Rome, qui avait perdu la moitié de ses fidèles au xvie s. par la crise de la Réforme, crut un moment que le reste lui serait arraché. C’est dans cette angoisse latente de l’hétérodoxie qu’il faut chercher l’explication du caractère négatif pris alors par l’Église catholique. Il ne fallait à aucun prix pactiser avec l’hérésie : on avait de plus en plus tendance à considérer l’Église comme une réalité sociologique, bâtie sur le modèle des monarchies d’alors, avec le pape à sa tête, et à exalter la vertu d’obéissance.

Ces préoccupations inspirèrent l’autorité religieuse à l’égard des catholiques soupçonnés de répandre des idées dangereuses. On envisagea une action préventive et on fut sur le chemin de faire des procès d’intention.

Il faut avoir conscience de tout cela pour comprendre les passions soulevées par le jansénisme. Il n’y a pas eu de schisme janséniste au xviie s. Jamais ses adeptes n’eurent l’intention de se séparer de l’Église, ils proclamèrent au contraire leur attachement à l’unité.

Pour la formation de l’homme moderne, la crise janséniste aussi est essentielle. En effet, c’est un problème de longue durée qui est à la fois théologie et recherche d’un style de vie chrétien dans le siècle. C’est, après le protestantisme*, la découverte de rapports de Dieu et de l’homme dont vont sortir deux des valeurs maîtresses de l’esprit moderne : la raison et l’individu.

L’histoire du jansénisme a été victime du Port-Royal (1840-1859) de Sainte-Beuve, qui en a voulu réduire toute l’histoire à celle du célèbre monastère. Le jansénisme n’a pas commencé avec Port-Royal, il n’a même pas commencé avec le siècle, ni même avec la naissance de Jansénius en 1585, mais en plein milieu du xvie s., avec la condamnation de Baïus en 1567. Il y a donc là un phénomène plus que séculaire de l’histoire religieuse, et trois quarts de siècle ont préparé le grand conflit.


Les origines

Le problème des relations entre la grâce divine, la prédestination gratuite et la liberté humaine, ou libre arbitre, a toujours hanté la théologie chrétienne. Saint Augustin*, pour des raisons de polémique contre l’hérésie pélagienne, avait particulièrement insisté sur la toute-puissance de la grâce et sur la misère et la déchéance de l’homme. Luther* et Calvin* s’en étaient eux-mêmes réclamés, et le concile de Trente, en 1547, devant ces questions délicates, s’était gardé de trancher.

Le débat restait ouvert, mais, dès cette date, certains jésuites, dont le général de l’ordre, Jacques Lainez (1512-1565), influencés par le courant humaniste, avaient de la nature humaine une vue moins sombre. De plus, ils craignaient que les positions augustiniennes favorisent le protestantisme. Un foyer opposé s’était constitué à la faculté de Louvain, où un théologien, Michel de Bay, ou Baïus (1513-1589), se fit le champion des idées contraires ; mais, en 1567, Pie V condamna, d’ailleurs modérément, le baïanisme.

Les Jésuites triomphèrent, et l’un d’eux, Luis Molina (1536-1600), fit paraître à Lisbonne en 1588 le célèbre De concordia liberi arbitrii cum divinae gratiae donis, où la grâce suffisante était substituée à l’efficace — c’est-à-dire qu’elle laissait agir le libre arbitre — et où, à la prédestination gratuite, était substituée celle en prévision des mérites, ce qui semblait limiter la volonté divine dans l’octroi de la grâce.

Clément VIII (pape de 1592 à 1605) n’osa prendre position lors des assemblées contradictoires de théologiens (congregations de auxiliis), Paul V (pape de 1605 à 1621) interdit de traiter ces questions, et Urbain VIII (pape de 1623 à 1644) fit de même. Attitude seulement tactique de la papauté — crainte de heurter l’Espagne, surtout souci de ménager les Jésuites, si utiles au Saint-Siège —, mais qui choqua une grande partie des catholiques. Grâce à cette réserve pontificale, le molinisme avait conquis peu à peu droit de cité à Rome, en Espagne et aux Pays-Bas. La France, plus préoccupée de problèmes spirituels concrets et où l’augustinisme, surtout à Paris, était très puissant, resta indifférente à la querelle.

Cependant à Louvain, où se prolongeait la tradition baïaniste, se trouvaient dans les toutes premières années du siècle deux étudiants, l’un flamand, Cornelius (ou Corneille) Jansen (ou Jansénius) [1585-1638], l’autre bayonnais, Jean Du Vergier de Hauranne (1581-1643). Ils se lièrent bientôt à Paris d’une vive amitié et se retirèrent de 1611 à 1616 chez Du Vergier à Camp-de-Prats, près de Bayonne, pour perfectionner leur culture patristique.

De retour à Louvain, ce n’est que vers 1619 que Jansénius découvrit l’interprétation rigide et antimoliniste de l’augustinisme. Deux ans plus tard, il communiquera sa doctrine à son ami Du Vergier, qui, en 1620, avait été nommé abbé de Saint-Cyran, en Brenne. Il faut remarquer cependant que l’influence de Jansénius sur Saint-Cyran fut loin d’être prépondérante ; c’est celle de Bérulle* qui fut la plus importante, et sur lui, et sur le premier jansénisme. En effet, quotidiennement pendant l’année 1622, Saint-Cyran s’entretint avec ce dernier, et c’est dans ces conférences que se formera sa pensée religieuse.

Après la mort de Bérulle en 1629, Saint-Cyran devint le chef de ce parti dévot qui allait, par sa politique proespagnole, s’attirer les foudres de Richelieu*. Cet aspect politique du conflit janséniste est essentiel. L’Europe de la guerre de Trente Ans se trouvait devant le dilemme suivant : ou favoriser le rétablissement de son unité religieuse en suivant la politique espagnole et impériale, ou favoriser le triomphe des divisions. Richelieu, pour des raisons d’intérêt national, opta pour la seconde solution ; le parti dévot, avec Saint-Cyran à sa tête, pour la première. En 1635 eut heu la rupture lorsque la France attaqua l’Empire et que, cette même année, Jansénius fit paraître un violent pamphlet contre la politique de Richelieu, le Mars Gallicus.

C’est avant tout pour ces raisons que le cardinal fera arrêter Saint-Cyran en 1638, puis fera condamner le livre de Jansénius, l’Augustinus. On fit ainsi servir la religion en se servant de Rome, qui y trouva l’occasion inespérée de s’imposer par là à l’Église gallicane.