Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
I

Italie (suite)

C’est à Florence que le mouvement a donné les premières preuves de sa vigueur et qu’il s’est affirmé, surtout à partir de 1420, grâce à une génération de pionniers enthousiastes. En architecture, la clarté mathématique de Brunelleschi* se traduit par une élégance nerveuse, à laquelle le goût toscan restera longtemps attaché ; Michelozzo, décorateur inventif, est aussi le créateur du palais florentin de la Renaissance ; plus théoricien que bâtisseur, Alberti* inspire un style grave et puissant, dont Rimini et Mantoue témoignent mieux que Florence. En sculpture et en peinture, l’énergie et la recherche de l’effet plastique sont à l’honneur d’une part chez Donatello*, d’autre part chez Masaccio*, chez Andrea* del Castagno, chez Paolo Uccello*, que passionne la construction de l’espace par la perspective géométrique. Un style moins tendu apparaît toutefois ; en sculpture, avec Ghiberti* et Luca Della Robbia* ; en peinture, avec des maîtres dont le coloris clair semble pénétré d’une lumière limpide : Domenico* Veneziano, Filippo Lippi*, l’humble et savant Fra Angelico*, qui rajeunit la spiritualité médiévale. Ces deux tendances se fondent dans l’art héroïque et serein de Piero* della Francesca, peintre toscan dont la carrière se déroule en Italie centrale. Sienne, pendant ce temps, s’attarde à exploiter les formules de la peinture gothique, et c’est bien timidement que les innovations apparaissent chez ces peintres, alors qu’en sculpture Iacopo* della Quercia s’apparente à Donatello par la puissance de son souffle. Dans la seconde moitié du siècle, Sienne adhérera plus franchement à la Renaissance, comme l’atteste l’œuvre d’un Francesco di Giorgio Martini*, artiste universel que l’on retrouve à Cortone et à Urbino*, tandis qu’à Lucques I. della Quercia éveille le talent robuste du sculpteur Matteo Civitali (1436-1501).

La seconde génération florentine, dont les ouvrages innombrables jalonnent essentiellement la période comprise entre 1440 et la fin du siècle, n’a peut-être plus l’énergie conquérante qui animait la précédente, mais elle dispose d’un registre plus étendu. Avec Bernardo Rossellino, auteur de l’incomparable ensemble de Pienza, avec Giuliano da Maiano (v. 1432 - v. 1490) et Giuliano da Sangallo*, l’architecture reste fidèle au rationalisme de Brunelleschi et d’Alberti. De nombreux sculpteurs multiplient tombeaux, retables, madones, portraits en buste et s’y montrent généralement moins attachés à la vigueur expressive qu’à l’effet décoratif, à la grâce, à la distinction. Une personnalité plus forte distingue Verrocchio* ainsi qu’Antonio et Piero del Pollaiolo*, tous trois spécialistes du bronze, mais aussi orfèvres et peintres. Leur manière nerveuse et précise, qui convient à l’expression du mouvement, n’a pas été sans influence sur l’interprète le plus sensible et le plus raffiné de l’humanisme florentin, Botticelli*. Le style linéaire et capricieux de ce peintre a son équivalent en sculpture avec Agostino di Duccio, dont les bas-reliefs ornent la façade de l’oratoire de San Bernardino, à Pérouse (1457-1461), et l’intérieur du « temple Malatesta », à Rimini. L’inquiétude souvent exprimée par Botticelli se retrouve dans la préciosité d’un Filippino Lippi*, dans l’imagination romantique d’un Piero di Cosimo (v. 1462-1521) ; mais la peinture peut aussi sacrifier au réalisme narratif, selon l’exemple donné par Gozzoli*, puis par Ghirlandaio*, qui se montre sensible à l’influence des maîtres flamands.

Malgré la primauté de Florence et la diffusion très large de son art, il y a place dans l’Italie centrale de cette époque pour d’autres expériences originales et fécondes, souvent inspirées par l’enseignement de Piero della Francesca. La petite cour d’Urbino devient l’un des foyers les plus brillants de la Renaissance. Dans l’école ombrienne de peinture, l’éclectisme de Fiorenzo di Lorenzo (v. 1445 - av. 1525) ou la manière tendue de Niccolo di Liberatore (v. 1430-1502) feront place à l’ampleur lumineuse du Pérugin*, dont la carrière déborde le cadre provincial, comme celle de son disciple il Pinturicchio (1454-1513), narrateur charmant et un peu prolixe à Santa Maria Maggiore de Spello comme à la Libreria Piccolomini de la cathédrale de Sienne. Luca Signorelli*, peintre de Cortone, adopte au contraire un style puissant, fait appel à toutes les ressources de l’anatomie et donne une résonance dramatique aux fresques de la chapelle San Brizio de la cathédrale d’Orvieto (v. 1500). Au sanctuaire de Lorette, il se mesure avec Melozzo* da Forli, dont la carrière, non moins itinérante, trouvera son accomplissement à Rome.

Rome, en effet, attire et emploie les artistes de Florence et de toute l’Italie centrale, faute de trouver sur place les éléments d’une véritable école. Déjà, le pape Eugène IV avait fait venir de Florence Donatello, le Filarete et Fra Angelico. À partir de 1447, celui-ci décore à fresque la chapelle privée de Nicolas V dans le palais du Vatican, où travaille aussi P. della Francesca, tandis qu’Alberti conçoit un vaste plan d’urbanisme. Dès 1455, le futur Paul II remet en honneur les rythmes puissants de l’architecture romaine dans la cour de son palazzo Venezia. Sixte IV appelle Melozzo da Forli, qui se fait l’inventeur de la perspective céleste dans sa composition (connue aujourd’hui par des fragments) de l’abside de l’église des Santi Apostoli. Ce même pape fait élever au Vatican la chapelle qui porte son nom et commande en 1480 sa décoration à fresque à une équipe de peintres toscans et ombriens, au premier rang desquels Botticelli, Ghirlandaio et le Pérugin. Comme à Rome, on trouve à Naples moins une école qu’un milieu international, où des artistes de l’Italie du Centre et du Nord rencontrent ceux de l’Espagne méditerranéenne, de la Sicile et de la Flandre.

La première Renaissance, vers le même temps, s’épanouit largement en Italie septentrionale, dans l’ambiance d’émulation qu’entretient le cloisonnement politique. Nulle part l’art de Florence ne pouvait être mieux compris que dans le milieu savant de Padoue. Après Giotto, Uccello et Filippo Lippi, Donatello y fait un séjour probablement de 1443 à 1453, fondant une école de bronziers qu’illustrera surtout Andrea Briosco, dit il Riccio (1470-1532). Avec l’enseignement archéologique de Francesco Squarcione (1397-1468), l’influence de Donatello forme et marque profondément plusieurs peintres padouans, notamment ceux qui, de 1449 à 1455, ont décoré de fresques (détruites pour la plupart durant la Seconde Guerre mondiale) la chapelle Ovetari de l’église des Eremitani. Le plus grand d’entre eux, Mantegna*, donne à Vérone et à Mantoue d’autres preuves de son génie rigoureux et fier. À Vérone, son influence et celle des Vénitiens fécondent une école locale, surtout représentée par Liberale da Verona (v. 1445-1529 ?) et par Domenico (v. 1442 - apr. 1517) et Francesco (v. 1470-1529) Morone, tandis que Fra Giovanni da Verona (v. 1457-1525) porte à sa perfection l’art de la tarsia et que s’élève la charmante loggia del Consiglio, conçue probablement par l’architecte et humaniste Fra Giocondo (1433-1515).