Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
I

Italie (suite)

À Ferrare*, le séjour et l’influence de maîtres tels qu’Alberti, Donatello, Piero della Francesca, Rogier Van der Weyden*, puis Mantegna favorisent l’éclosion d’un art fait de recherche et d’énergie, notamment d’une école de peinture au style souvent tendu, représenté par Cosme Tura, Francesco del Cossa et Ercole de Roberti. L’enluminure, la tapisserie et la médaille sont florissantes ; en architecture, Biagio Rossetti organise l’accroissement de la ville selon un plan rationnel qu’inspire l’idéal mathématique de la Renaissance. À Bologne, Niccolo dell’Arca (v. 1435-1494) semble traduire en sculpture la crispation tragique de Tura, tandis qu’un réalisme robuste inspire à Modène les groupes de terre cuite polychrome de Guido Mazzoni (v. 1450-1518).

La première Renaissance se manifeste à Gênes*, comme en Piémont. Elle brille cependant davantage à Milan* et en Lombardie. C’est le Filarete, architecte florentin, qui commence en 1456 l’Ospedale Maggiore de Milan. Mais Guiniforte Solari (1429-1481) achève ce vaste édifice selon le goût lombard, que fait reconnaître l’emploi combiné de la brique, de la terre cuite et du marbre, avec l’abondance du décor sculpté et moulé. Ce style pittoresque et prolixe est celui des cloîtres de la chartreuse de Pavie. Il gagne encore en faste et en couleur avec Giovanni Antonio Amadeo, architecte et sculpteur qui collabore avec d’autres artistes à l’étourdissante façade de la chartreuse de Pavie et décore à Bergame la chapelle funéraire de Bartolomeo Colleoni. Cependant, Bramante*, venu d’Urbino, adapte au goût lombard les formes plus pures de l’architecture toscane (Santa Maria presso, San Satiro de Milan). Au début de son séjour, il a peint des fresques vigoureuses dont on reconnaît l’influence, avec celle de Mantegna, dans le style sévère qui est celui de Vincenzo Foppa (v. 1427 - v. 1515) comme de Bernardino Zenale (1436-1526) et de Bernardino Butinone († apr. 1507), auteurs du polyptyque de Treviglio. Une manière adoucie distingue Ambrogio da Fossano, dit il Bergognone (connu de 1581 à 1522). Mais les dernières années du xve s. sont marquées surtout par la présence de Léonard de Vinci.

À Venise*, enfin, la floraison gothique retardera longtemps l’apparition de la Renaissance, malgré la proximité de Padoue et la venue de quelques artistes florentins. C’est de Lombardie qu’arrivent les motifs qui, à partir de 1470, renouvellent l’architecture vénitienne sans altérer sa fastueuse tradition, à travers le style pittoresque de Mauro Coducci (v. 1440-1504), de Pietro Lombardo (v. 1435-1515) et de ses fils, architectes et sculpteurs comme Antonio Rizzo (v. 1430 - v. 1499). La peinture vénitienne hésite encore, vers le milieu du siècle, entre sa tradition gothico-byzantine et les innovations ; c’est le cas pour Antonio Vivarini (v. 1415 - entre 1476 et 1484), pour Iacopo Bellini*, alors que Bartolomeo Vivarini (v. 1432 - apr. 1491) n’ignore pas le milieu padouan. L’influence de Mantegna marque aussi les débuts de Giovanni Bellini*, qui adhère franchement à l’idéal de la Renaissance tout en inventant un langage poétique où l’harmonie des couleurs joue un rôle essentiel. Ses nombreux disciples rivaliseront avec ceux d’Alvise Vivarini (v. 1446 - entre 1503 et 1505), qui a tiré profit du séjour vénitien d’Antonello da Messina. Avec Gentile Bellini*, Carpaccio* représente brillamment le genre narratif.


La maturité de la Renaissance

Les dernières années du xve s. et plus encore le premier tiers du xvie marquent l’aboutissement triomphal des recherches auxquelles s’était livrée, avec autant de passion que d’inquiétude, l’Italie du quattrocento. Une fois de plus, le rôle de Florence est à souligner. Elève de Verrocchio, Léonard* de Vinci résume une tradition d’intelligence et de sensibilité raffinée qui remonte à l’aube de la Renaissance florentine. Mais sa peinture apporte une grande nouveauté : l’atténuation des contours par le clair-obscur. Après un long séjour à Milan, qui ne sera pas sans conséquences pour l’œuvre de Bernardino Luini (v. 1485-1532) comme pour celle de deux peintres piémontais, Gaudenzio Ferrari (v. 1475-1546) et Giovanni Antonio Bazzi, dit le Sodoma (1477-1549), Léonard revient à Florence en 1500. Il y rencontre deux jeunes génies, Michel-Ange et Raphaël. Alors que Michel-Ange* se consacre à l’expression d’un idéal héroïque, Raphaël*, issu d’Urbino et formé en Ombrie par le Pérugin, gagne en subtilité sous l’influence de Léonard et apprend de Fra Bartolomeo (1472-1517) à élargir sa manière. Le « sfumato » de Léonard enrichit aussi la sensibilité fine et inquiète d’Andrea del Sarto (1486-1530). Dans la sculpture florentine, un moment classique est marqué par Andrea Sansovino*, qui se rend à Lorette pour décorer la Santa Casa en compagnie d’autres artistes toscans.

C’est à Rome, entre l’avènement de Jules II (1503) et le sac de 1527, que les efforts créateurs de l’Italie centrale trouvent leur pleine justification. Le mécénat pontifical a nourri une double ambition : réaliser le rêve des humanistes, celui d’une harmonie entre l’héritage de la civilisation antique et la doctrine chrétienne ; restaurer la grandeur de la Rome impériale pour la gloire de la papauté. Quelques artistes de génie ont suffi à cette tâche. Venu de Lombardie dès 1499, Bramante, qui élargit sa conception de l’architecture à la vue des monuments antiques, entreprend de relier le Vatican au Belvédère et surtout de rebâtir la basilique Saint-Pierre selon un plan centré dont la perfection mathématique doit illustrer l’idéal de la Renaissance. Ce plan n’a pas été respecté par les continuateurs de Bramante ; il inspire cependant à Todi l’harmonieuse Santa Maria della Consolazione, et l’on en retrouve l’esprit à San Biagio de Montepulciano, œuvre d’Antonio da Sangallo* l’Ancien.

Michel-Ange arrive à Rome en 1505, appelé par Jules II, qui lui commande son tombeau. Mais le pape l’oblige à couvrir de fresques la voûte de la chapelle Sixtine, tâche à laquelle l’artiste consacre toute la puissance de son génie. C’est à la même époque, et selon la même volonté, que Raphaël commence la décoration des « chambres » du Vatican ; il y atteint la plénitude de ses moyens et le sommet de son inspiration. Dans les dernières années de sa courte vie, il peint des madones célèbres, des portraits, les cartons de tapisserie des Actes des Apôtres ainsi que des fresques à la villa Farnésine, construite par Baldassare Peruzzi* ; il forme de nombreux élèves, qui exécutent sous son autorité la délicate décoration peinte et modelée en stuc des « loges » du Vatican. Après une période florentine (chapelle funéraire des Médicis), Michel-Ange revient en 1534 dans une Rome attristée, où régnera bientôt l’esprit de la Contre-Réforme. Il ajoute à la chapelle Sixtine la fresque tragique du Jugement dernier, sculpte plusieurs Pietà où s’exprime son inquiétude religieuse. L’architecture prouve aussi la puissance de son inspiration, à la coupole de Saint-Pierre comme au Capitole.