Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
I

Italie (suite)

En Italie méridionale (Rome restant à peu près étrangère au monde gothique), la première moitié du xiiie s. est marquée par l’entreprise d’inspiration à la fois classique et féodale dont témoignent les constructions de Frédéric II, notamment Castel del Monte. La dynastie angevine amènera un art plus franchement gothique, apparenté à celui de la France méridionale : avec San Lorenzo Maggiore et Santa Chiara de Naples*, les principaux témoins en sont la cathédrale et la forteresse de Lucera.

L’Italie du Nord a des églises de type méditerranéen, plus élancées cependant que celles des régions centrales : Sant’Anastasia de Vérone, San Nicolo de Trévise, d’autres à Venise*, à Bologne*. Des influences septentrionales marquent l’immense cathédrale de Milan*, commencée à la fin du xive s. On connaît aussi dans ces régions, beaucoup d’édifices communaux et de demeures seigneuriales de cette époque. Mais c’est à Venise que l’architecture civile, au xive s. et dans la première moitié du xve, a pris l’aspect le plus original, composant un décor de fête où les caprices du gothique le plus fleuri se mêlent à des réminiscences byzantines.

Dans l’Italie gothique, les arts figuratifs font ressortir deux grandes tendances. L’une, apparente surtout jusqu’au début du xive s., a inspiré la recherche de l’effet plastique et de l’expression ; l’autre, plus courante et plus conforme à la définition européenne du langage gothique, a orienté le goût vers l’élégance linéaire, la préciosité des formes et des couleurs, le ton narratif. La première tendance s’est affirmée d’abord dans l’école de Pise, et spécialement chez ses sculpteurs, tel Nicola* Pisano, dont le style, grave et puissant, d’inspiration classique, se fait plus tourmenté sous le ciseau de son fils Giovanni. Rome, à la fin du xiiie s., retrouve le sens de la grandeur monumentale avec les mosaïques d’Iacopo Torriti comme avec celles de Pietro Cavallini, dont les fresques à Santa Cecilia in Trastevere marquent un succès dans l’effort de traduction des volumes. Des peintres de son atelier participent au chantier de la basilique d’Assise, qui restera longtemps le principal point de rencontre des écoles nées en Italie centrale. On y retrouve, par exemple, l’apport florentin de Cimabue*, au style majestueux, mais encore linéaire. Avec Cavallini, Cimabue prépare l’expérience capitale de Giotto*, dont les fresques de l’Arena, à Padoue (1303-1305), inaugurent un langage aussi efficace dans la suggestion des volumes que dans la représentation dramatique de la vie.

Le rayonnement de Giotto explique tout un aspect de la peinture italienne du xive s. Primordial à Florence, il se fait sentir aussi dans le reste de la Toscane, à Assise, à Vérone, à Padoue, à Rimini et en Romagne. Les disciples et imitateurs de Giotto empruntent à celui-ci un répertoire de formes, mais ne comprennent que rarement la portée de sa leçon. Leur manière plus narrative, moins sobre et moins tendue, les rapproche du style gothique européen, auquel se réfère la seconde tendance des arts figuratifs. Mais celle-ci s’est exprimée beaucoup plus nettement à Sienne. Contemporain de Giotto, Duccio* di Buoninsegna se dégage à sa manière du formalisme byzantin. Pour l’école siennoise, les inflexions mélodieuses de la ligne et l’éclat précieux des couleurs auront longtemps plus d’attrait que la recherche du volume, de la profondeur et de l’expression. Simone Martini*, Ambrogio Lorenzetti* et beaucoup d’autres peintres le prouvent, plus que Pietro Lorenzetti, qui avoue un certain penchant pour le giottisme. À Pise, l’école gothique du trecento a pour chef Francesco Traini (connu de 1321 à 1345), auquel est attribuée la fresque du Campo Santo qui illustre le Triomphe de la mort.

Le style « gothique* international » a été cultivé sous diverses formes par les écoles de peinture de l’Italie du Nord, qui ne l’ont guère délaissé avant le milieu du xve s. On en trouve l’exemple à Bologne, à Modène, en Piémont, à Trente avec les Mois peints à fresque dans la torre dell’Aquila, à Vérone, à Venise. En Lombardie, une brillante école d’enluminure fait écho aux cycles de fresques qui ornent l’abbaye de Viboldone et la chapelle de la reine Théodelinde à la cathédrale de Monza. Au début du quattrocento, le genre courtois connaît un dernier triomphe avec deux artistes dont la carrière est plus italienne que locale : Gentile da Fabriano, dont le talent précieux nous est connu surtout par l’Adoration des Mages des Offices de Florence (1423) ; Pisanello*, dessinateur, médailleur et peintre de haut raffinement.

La sculpture du trecento est tributaire à divers degrés du style gothique européen. Au baptistère et au campanile de la cathédrale de Florence, Andrea* Pisano atteint l’équilibre entre le réalisme, l’élégance, et la solidité ; la puissance grave de Nanni di Banco (v. 1373-1421) renoue avec la tradition romaine, alors que le célèbre tabernacle d’Orcagna*, à Orsammichele, a la préciosité d’une châsse d’orfèvrerie. À Pise, les figures attribuées à Nino Pisano respirent la tendresse et l’humanité. Le goût gothique l’emporte dans l’école siennoise avec Tino da Camaino (v. 1285 - v. 1337), spécialiste de la sculpture funéraire, et Lorenzo Maitani (v. 1275-1330), dont l’atelier a décoré la façade de la cathédrale d’Orvieto d’une vaste et précieuse composition en bas relief (1310-1330). Le même esprit règne en Italie du Nord, comme le montrent : à Milan, les plus anciennes statues de la cathédrale et le mausolée (l’arca) de saint Pierre martyr à Sant’Eustorgio (1335-1339), œuvre de Giovanni di Balduccio (connu de 1317 à 1349) ; à Vérone, les tombeaux monumentaux des Scaliger, dus à la dynastie très active des maîtres de Campione ; à Venise, le décor sculpté du palais des Doges et le jubé de la basilique Saint-Marc, par Jacobello et Pier Paolo Dalle Masegne.


La Renaissance du quattrocento

Le grand mouvement de la Renaissance*, dont l’Italie peut revendiquer l’initiative, implique d’une manière générale une révolution de l’intelligence, une vision nouvelle de l’homme et du monde, de nouveaux rapports entre le temporel et le spirituel ainsi que la restauration, aussi passionnée que réfléchie, des valeurs enseignées par la civilisation gréco-romaine. Sur le plan de la création artistique, il se traduit par la recherche d’un langage rationnel et par de larges emprunts à l’héritage de l’Antiquité. Dans sa première phase, la Renaissance artistique a tracé sa voie sous le signe de la curiosité, de la recherche et de la compétition ; face à la tradition gothique, elle a multiplié dans la fièvre des expériences favorisées par le mécénat et souvent inspirées par l’humanisme.