Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
I

Italie (suite)

Les années 50 sont dominées par la « découverte » de Gadda et le « phénomène » Pasolini, tandis que Giorgio Bassani (né en 1916 ; Cinque storie ferraresi, Il Giardino dei Finzi Contini, L’Airone) et Carlo Cassola (né en 1917 ; Il Taglio del bosco, La Ragazza di Bube, Un cuore arido) poursuivent une œuvre romanesque consacrée à la représentation d’une part de la grande bourgeoisie israélite ferraraise, d’autre part des milieux populaires de la Maremme toscane. En 1958, Il Gattopardo, unique roman de l’aristocrate sicilien Giuseppe Tomasi di Lampedusa (1896-1962), est le best-seller de l’après-guerre. De même, c’est à l’écart de toute école que s’affirme la voix du poète Sandro Penna (né en 1906 ; Croce e delizia, 1958).

Outre la révélation du romancier le plus original de ces dernières années, Paolo Volponi (né en 1924 ; Memoriale, La Macchina mondiale), les années 60 voient le triomphe des poétiques et des œuvres d’avant-garde. Avant-garde comme pastiche chez Alberto Arbasino (né en 1930), comme divertissement linguistique chez Antonio Pizzuto (né en 1893), comme impasse expressive chez Tommaso Landolfi (né en 1908), comme révolution chez Edoardo Sanguineti (né en 1930), critique, poète, chef de file des Novissimi (Elio Pagliarini, Alfredo Giuliani, Nanni Balestrini, Antonio Porta) et romancier (Capriccio italiano, Il Giuoco dell’oca). Mais l’expérience poétique la plus radicalement révolutionnaire est sans doute celle du vénitien Andrea Zanzotto (né en 1921), conduite sous le double signe d’Hölderlin et de Lacan (Dietro il paesaggio, 1951 ; La beltà, 1968).

D’année en année Moravia emprunte aux modes du jour sans rien perdre de sa personnalité stylistique, et la vocation fantastique d’Italo Calvino (né en 1923) s’exprime tour à tour dans le pastiche chevaleresque, le récit réaliste et la science-fiction (Le Cosmicomiche, Ti con zero).

Hormis les deux grandes figures de Croce et de Gramsci, la littérature critique italienne est demeurée tributaire d’œuvres et de recherches venues de l’étranger. La critique d’art cependant fait exception, dominée par les travaux de Roberto Longhi (1890-1970), aussi remarquable prosateur qu’historien. Le marxiste Giulio Carlo Argan (né en 1909) et Cesare Brandi (né en 1906), converti au structuralisme, assurent dignement sa relève.

J.-M. G.

 F. de Sanctis, Storia della letteratura italiana (Naples, 1870-1872 ; 2 vol.) ; Saggi critici, 1849-1883 (éd. par L. Russo, Bari, 1965 ; 3 vol.). / H. Hauvette, Littérature italienne (Colin, 1906). / A. Gramsci, Letteratura e vita nazionale, t. VI des Opere (Turin, 1950). / P. Arrighi, la Littérature italienne (P. U. F., coll. « Que sais-je ? », 1956 ; 3e éd., 1966). / Letteratura italiana. Le Correnti, I Maggiori, I Minori, I Contemporanei, I Critici (Milan, 1956-1969 ; 16 vol.). / D. Fernandez, le Roman italien et la crise de la conscience moderne (Grasset, 1958). / G. Barberi Squarotti et S. Jacomuzzi, La Poesia italiana contemporanea (Messine et Florence, 1963). / E. Cecchi et N. Sapegno, Storia della letteratura italiana (Milan, 1965-1969 ; 9 vol.). / G. Getto, Imagini e problemi di letteratura italiana (Milan, 1966). / A. Ciotti, Scrittori e critici contemporanei (Ravenne, 1968). / G. Contini, Letteratura dell’Italia unita (Florence, 1968). / G. Haldas (sous la dir. de), les Grandes Heures de la littérature italienne (Rencontre, Lausanne, 1968-69 ; 13 vol.). / E. Sanguineti, Poesia del novocento (Turin, 1969). / Antologia della letteratura italiana (Milan, 1970 ; 5 vol.).


La musique en Italie


Le Moyen Âge

Le rôle de l’Italie a été déterminant pour le développement de la musique occidentale en ce que de nombreux genres musicaux y ont pris naissance pour essaimer ensuite et prospérer dans les autres pays d’Europe. Et cela dès les débuts de l’ère chrétienne, car, même si le rôle de Grégoire Ier* le Grand doit être réduit à de plus justes mesures que la légende ne le laisse entendre, il n’en est pas moins vrai que c’est à Rome, à l’époque de ce pape, que l’on a commencé à se préoccuper de fixer un ensemble liturgique cohérent et de constituer ainsi le répertoire de ce « chant grégorien » qui s’imposa finalement à la plus grande partie de l’Europe catholique. Cependant, il faut attendre le xiiie s. pour voir surgir la première forme de musique proprement italienne, née du mouvement franciscain, la lauda, chanson spirituelle à une voix sur texte italien que les laudesi, à l’exemple de saint François d’Assise, chantaient en parcourant le pays. Renouvelée par la polyphonie, la lauda allait accomplir une longue carrière et tenir durant plusieurs siècles une place importante dans la vie des Italiens. Si l’Italie n’a pas participé activement à la brillante floraison de l’Ars* antiqua tel qu’il s’était développé en France avec l’école de Notre-Dame, on sait cependant que la polyphonie se pratiquait dès 1213 à la cathédrale de Sienne et que vers l’an 1300 on chantait à deux voix à la cathédrale de Padoue, ville où a travaillé et vécu le plus grand théoricien de l’époque, Marchetto da Padova. Même si les témoignages en sont rares, il a bien fallu que la polyphonie ait atteint en Italie un certain degré de complexité pour expliquer le brusque jaillissement, au xive s., de l’Ars* nova, qui s’épanouit d’abord dans la société élégante des cours de l’Italie du Nord, à Padoue, à Vérone et à Milan. Les deux formes principales de cette nouvelle polyphonie courtoise, art profane par excellence, sont le madrigal à 2 voix, caractérisé par les longues vocalises ornées qui prolongent chaque vers, et la caccia à 3 voix, écrite en canon aux deux voix supérieures, sur des textes pittoresques, le plus souvent scènes de chasse, mais aussi scènes de pêche, de guerre ou de marché. Parmi les compositeurs les plus fameux de la première période de l’Ars nova, il faut citer Jacopo da Bologna et Giovanni da Cascia, qui fréquentèrent tous les deux les cours de Milan et de Vérone. Dans la seconde moitié du xive s., c’est Florence qui devient le centre de l’activité musicale, et l’Ars nova adopte désormais plus volontiers la forme nouvelle de la ballata, pratiquée avec génie par Francesco Landini, qui a laissé une œuvre considérable, témoignage particulièrement important du raffinement de la société italienne de son temps.

Après ce brillant éclat, l’Italie semble tomber dans le silence. Attirés par les papes qui les avaient employés — et appréciés — lors de leur long exil à Avignon, accueillis avec enthousiasme dans les cours princières, les musiciens transalpins envahissent la péninsule.