Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
I

Irlande (suite)

En dépit de la rareté des mariages, le taux de natalité est remarquablement élevé, proche de 20 p. 1 000, grâce à la haute fécondité des couples mariés ; chez les ruraux catholiques, les familles complètes ont 6 enfants en moyenne. On attribue cette exceptionnelle fécondité, une des plus fortes d’Europe, au respect scrupuleux des préceptes de l’Église catholique et au rigorisme de la moralité publique (censure des livres et des films, prohibition de la vente des contraceptifs, etc.). Aussi les pratiques malthusiennes sont-elles peu répandues.

Le taux de mortalité, 11 p. 1 000, est un peu élevé pour l’Europe, du fait de la forte proportion des personnes âgées, liée à l’émigration des jeunes. L’accroissement naturel s’élève à 40 000 par an pour l’ensemble de l’île, chiffre honorable, mais, qui, de nos jours, dépasse à peine le prélèvement de l’émigration. De 1845 à 1961, cet accroissement naturel a été constamment inférieur à l’émigration dans la République. De là la diminution constante de la population, mais qui paraît enrayée enfin depuis 1961.

La densité de la population, réduite par des siècles d’émigration, a des valeurs très basses, sauf dans les six comtés de l’Irlande du Nord, partie la plus riche de l’île, où elle atteint 110 habitants au kilomètre carré. Mais elle n’est que de 42 habitants au kilomètre carré pour l’ensemble de la République, et de 31 habitants au kilomètre carré pour la République sans l’agglomération de Dublin. Pour qui vient de Grande-Bretagne, l’Irlande donne une impression de vide, surtout dans la moitié ouest, où les montagnes, les plateaux karstiques, les tourbières paraissent déserts. La population, rare, est aussi très dispersée ; 2 millions de personnes vivent dans des fermes isolées ou des hameaux de moins de 200 habitants, éloignés les uns des autres. De là sans doute cette atmosphère d’isolement, d’ennui qui pousse les jeunes à l’émigration.

La vieille langue gaélique est encore parlée dans les péninsules et les petites îles de l’extrême Ouest. Mais elle ne cesse de reculer devant l’anglais, malgré les encouragements de l’État en faveur de sa conservation (enseignement obligatoire du gaélique à l’école primaire).

L’île est peu urbanisée ; 62 p. 100 de la population en Irlande du Nord, 50 p. 100 seulement dans la République habitent des agglomérations de plus de 1 500 habitants. Encore, une forte proportion des citadins vivent-ils dans les deux capitales, Dublin et Belfast ; la première abrite à elle seule plus du quart de la population de la République. Quelques villes moyennes se sont développées sur la côte, mais cinq seulement dépassent (ou atteignent) les 30 000 habitants : Londonderry (53 000 hab.) en Irlande du Nord, et, dans la République, Cork (112 000 hab.), Limerick (52 000 hab.), Dún Laoghaire (47 000 hab.), Waterford (30 000 hab.). L’intérieur et le Nord-Ouest n’ont que de petits bourgs, dont l’attraction sur les migrants ruraux ne peut être que faible.

Avec une telle répartition du peuplement et une aussi mauvaise structure par âges (pénurie de jeunes), il est difficile d’assurer une mise en valeur convenable de l’île.

C. M.


L’histoire de l’Irlande


L’Irlande préchrétienne

• L’Irlande avant les Celtes. C’est vers la fin du VIIe millénaire que l’Irlande paraît avoir reçu ses premiers habitants. Mais c’est plus tard qu’elle fut réellement florissante : ses mégalithes (Newgrange, dans la vallée de la Boyne) comptent parmi les plus remarquables d’Europe et, à l’âge du bronze, l’on retrouve des objets irlandais en or jusqu’au Luxembourg et au Danemark. L’Irlande était riche en cuivre, mais dépourvue d’étain.

C’est par petits groupes qu’à partir du ive s. av. J.-C. vinrent s’installer les Celtes ; peut-être les Pictes (les « Pretani » des Latins), qui représentaient encore l’élément le plus important de la population au temps de César, étaient-ils des Celtes. Mais, de plus en plus, la première place fut prise par les Gaëls (ou Goïdels), les derniers venus parmi les Celtes : ceux-ci n’étaient certes qu’une aristocratie militaire oppressive et relativement peu nombreuse, mais leur supériorité militaire, fondée sur leur emploi d’armes en fer et non plus en bronze, leur permit de dominer entièrement le pays : dès 100 apr. J.-C., une révolte indigène menée par Cinn Cait (« la Tête de chat ») fut écrasée par le prince gaélique Tuathal. Peu à peu, tout caractère préceltique disparut.

• L’Irlande gaélique. La société et l’organisation politique. L’Irlande se trouvait alors divisée en une série de petits États (tuath), chacun d’entre eux ayant à sa tête un roi ( ou rígh). Le roi fondait sa puissance sur l’importance du groupe de clients (céli) qui l’entouraient et qui étaient recrutés parmi les hommes libres, propriétaires de terre. Il leur fournissait tout l’équipement nécessaire au combat et attendait d’eux un soutien financier et militaire. Les hommes libres étaient regroupés en familles (fine) — au sens large —, où se retrouvaient tous les descendants d’un même arrière-grand-père. Les règles de la fine s’appliquaient également aux familles royales : lorsque le mourait, tous les mâles qui appartenaient à sa fine avaient un titre égal à lui succéder ; aussi les élections royales donnaient-elles fréquemment lieu à de violentes contestations.

Les druides tenaient une place importante dans cette société. Sortes de sages officiels, ils étaient les experts en lois et en traditions dont nul ne pouvait se passer : par là même ils jouaient un rôle religieux. Si ce dernier disparut avec l’apparition du christianisme, le druide se transforma peu à peu pour s’identifier à un autre personnage de la société gaélique, le fili, à la fois poète et sorcier, que l’on retrouve jusqu’au xviie s., époque à laquelle les familles de l’aristocratie gaélique, trop appauvries, ne furent plus en mesure de les entretenir auprès d’elles.

Les divisions du pays. Malgré le grand nombre des tuath apparurent assez vite des ensembles plus vastes. L’Irlande fut ainsi divisée en cinq « cinquièmes » traditionnels : l’Ulster, le Connacht, le Munster, le Leinster du Nord (Meath) et le Leinster du Sud.