Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
I

Iraq (suite)

De là le désenchantement progressif entre les deux régimes, qui se traduit par la démission de six ministres pro-nassériens (juill. 1965), puis du Premier ministre lui-même. L’Iraq prend ses distances vis-à-vis du socialisme arabe. Il s’en écarte presque totalement, après la tentative du coup d’État avorté du général ‘Ārif ‘Abd al-Razzāk, qui, en septembre 1965, succède à Ṭhīr Yaḥyā comme Premier ministre. ‘Abd al-Raḥmān al-Bazzāz engage le pays dans une voie libérale. Tout en éloignant l’Iraq de l’orbite égyptienne, al-Bazzāz, pour rassurer la bourgeoisie, annonce la fin des nationalisations, lève le monopole de l’État sur les importations et enlève aux travailleurs le droit de représentation au sein des conseils d’administration des entreprises nationalisées.


Le régime d’Abdul Rahman Aref

À la mort d’Abdul Salam Aref dans un accident d’avion le 14 avril 1966, son frère, le général Aref (‘Abd al-Raḥmān ‘Ārif [né en 1916]) lui succède à la tête de la République irakienne et continue sa politique avec le même Premier ministre. Mais le nouveau président n’a pas le prestige de son frère. Il se heurte très vite à l’hostilité des forces politiques. Divisées en trois tendances principales (communistes, bassistes et nassériens), celles-ci profitent de la nouvelle situation pour se réorganiser, radicaliser leur action et mobiliser l’opinion publique contre le libéralisme d’al-Bazzāz. Au parti communiste, les durs l’emportent sur les modérés, et au Baath les anciens dirigeants, accusés de faire le jeu de l’impérialisme, sont écartés.

Prenant un souffle nouveau, l’opposition semble exercer suffisamment de pression sur le chef de l’État pour l’amener au mois d’août 1966 à se séparer de Bazzāz et à confier le gouvernement au général Nādjī Ṭālib. Il est vrai qu’elle jouit de la complicité d’une partie de l’armée, qui boude le général Aref depuis la conclusion, en juin 1966, d’un cessez-le-feu avec les Kurdes. Celui-ci prend, en mai 1967, après la démission de Nādjī Ṭālib, la direction d’un gouvernement auquel il fait participer des bassistes modérés et des Kurdes. Deux mois plus tard, il confie la charge du gouvernement au général Ṭahīr Yaḥyā, connu pour ses sympathies nassériennes.

Il est vrai que la conjoncture est alors bouleversée par la guerre israélo-arabe de 1967, qui provoque un rapprochement des divers régimes arabes. Le 5 juin 1967, l’Iraq déclare la guerre à Israël pour soutenir l’Égypte et la Jordanie, avec lesquelles il a signé, deux jours plus tôt, un pacte de défense commune. Mais les troupes irakiennes engagées en Jordanie ne prennent pas une part active aux combats. L’Iraq utilise néanmoins l’arme du pétrole : dès le 6 juin 1967, il arrête le pompage et l’exportation du pétrole, notamment vers les pays anglo-saxons, considérés, comme les principaux soutiens d’Israël.

Le régime ne modifie pas pour autant son orientation politique. Il trouve dans les positions du général de Gaulle condamnant l’agression israélienne contre les pays arabes une perche de salut pour rester dans le bloc occidental et éviter de s’engager outre mesure avec l’Union soviétique. Aussi, après la rupture avec les pays anglo-saxons, fait-on appel, pour l’exploitation du pétrole, non pas à l’assistance technique de l’U. R. S. S., mais à des compagnies françaises, auxquelles on confie en novembre 1967 la prospection des zones de concessions nationalisées en 1961. Les partisans des États-Unis et de la Grande-Bretagne constituent un clan antifrançais dont l’action rejoint celle des communistes, des bassistes, des libéraux et même des nassériens, qui s’opposent au régime du général Aref.

Cette situation, ajoutée à la division de l’Union socialiste arabe entre partisans et adversaires du socialisme, et à la détérioration économique, favorise le renversement du gouvernement.


La chute d’Abdul Rahman Aref et l’avènement du Baath

Aussi, le 17 juillet 1968, un groupe d’officiers s’empare-t-il du pouvoir. Le général Aref est destitué et exilé, et le général Aḥmad Haṣan al Bakr (né en 1914) est porté à la présidence de la république. Avec lui, le Baath. écarté du gouvernement le 17 novembre 1963, retrouve le pouvoir. Musulman sunnite, conservateur, le nouveau chef d’État irakien appartient à l’aile droite de ce parti. Mais, privé d’assises populaires, le nouveau régime se heurte aux mêmes difficultés que le précédent. Pour pallier cette situation, le général Bakr mène une politique qui s’adapte aux circonstances : tout est fonction non pas d’une ligne politique préalablement arrêtée, mais de la conjoncture nationale et internationale. Quant à l’armée, elle reste le principal appui du régime.

En 1972, le gouvernement nationalise l’Iraq Petroleum Company, mais un accord particulier maintient à la Compagnie française des pétroles une position privilégiée.

En octobre 1973, l’Iraq participe à la quatrième guerre israélo-arabe.

M. A.

➙ ‘Abbāssides / ‘Alides / Arabes / Baath / Bagdad / Chī‘isme / Empire britannique / Hāchémites / Ismaéliens / Kurdes / Mésopotamie / Omeyyades / Ottomans / Sassanides / Sunnites.

 J. C. Nurenvitz, Diplomacy of the Near and Middle East. A Document Record (Princeton, 1956). / F. L’Huillier, le Moyen Orient contemporain, 1945-1958 (Sirey, 1959). / P. Rossi, l’Irak des révoltes (Éd. du Seuil, 1962). / S. M. Salim, Marsh Dwellers of the Euphrates Delta (Londres, 1962). / B. Vernier, l’Irak d’aujourd’hui (A. Colin, 1962). / S. Westphal-Hellsbuch et H. Westphal, Die Ma’dan. Kultur und Geschichte der Marschenbewohner im Süd-Iraq (Berlin, 1962). / E. Wirth, Agrargeographie des Iraks (Hambourg, 1962). / W. Thesiger, The Marsh Arabs (Londres, 1964). / R. M. Adams, Land behind Bagdad : a History of Settlement on the Diyala Plains (Chicago, 1965).


L’art de l’Iraq islamique


L’Iraq impérial

Devenu dès le milieu du viiie s., par la fondation de Bagdad, sur le Tigre, non loin de l’ancienne capitale sassanide de Ctésiphon, le cœur des pays musulmans, l’Iraq joue un rôle fondamental dans la genèse des arts de l’islām. Tant que dure la puissance absolue du califat ‘abbāsside*, et si l’on fait abstraction de l’Espagne, c’est lui qui dirige leur développement et leur évolution. Il n’est même pas impossible que certains des caractères qu’on se plaît à dire fondamentaux dans l’architecture islamique, le manque de solidité de la construction, le goût pour le décor à faible relief, aient comme origine la pauvreté en pierres de l’antique Mésopotamie*, qui impose l’emploi de la brique cuite ou crue et des revêtements couvrants.