Iraq (suite)
Certes, la capitale permanente de l’empire, Bagdad, dont il ne reste rien, et la capitale éphémère, Sāmarrā (836-892), immense champ archéologique, manifestent une activité particulière et servent de modèle. Mais les centres du delta des deux fleuves et ceux de haute Mésopotamie (région de Mossoul) voient naître des écoles puissantes et assez personnalisées. Néanmoins, dans son ensemble, la production irakienne se distingue bien de la production rivale (et partiellement antérieure) de Syrie. Les palais, encore mal fouillés ou incomplètement publiés, les mosquées (Kūfa, Baṣra [Bassora], Wāsit, Sāmarrā) montrent de grands murs d’enceinte flanqués de puissants contreforts, les piles substituées aux colonnes, un riche système de voûtes, parmi lesquelles la coupole et surtout l’iwān, les minarets hélicoïdaux (Malwiyya de Sāmarrā), plus tard les stalactites servant à équilibrer les poussées ; un décor en stuc ou en plâtre plaqué, de grandes compositions peintes, depuis peu disparues, dont les sujets sont peu différents de ceux des Omeyyades, mais dont le traitement est tout nouveau. En même temps, la Qubbat al-Ṣulaybiyya de Sāmarrā est sans doute la première manifestation de l’art funéraire, appelé à connaître, ailleurs, un immense succès. L’activité industrielle répond à l’activité architecturale, surtout avec la céramique, le verre et sans doute le travail des bois précieux.
L’Iraq provincial
Il ne reste à peu près aucun témoignage architectural de l’époque buwayhide (945-1055), mais, sous la domination seldjoukide, les objets dévoilent une grande parenté avec ceux qui sont manufacturés dans les autres régions de domination turque. Ainsi, l’Iraq semble alors perdre son rôle impérial pour ne plus apparaître que comme une province soumise aux impératifs de puissances nouvelles.
Aux xiie et xiiie s., cependant, l’art irakien n’en fait pas moins montre de vigueur. C’est alors que sont construits les monuments qui, malheureusement plus ou moins détruits, parent encore l’Iraq et qui joignent à la perfection technique le goût du pittoresque et du somptueux : la madrasa al-Mustanṣiriyya, les portes de Bagdad (Bāb al-Wasṭāni et Bāb al-Ṭalism, cette dernière récemment détruite, mais dont le décor figuratif demeure célèbre), le tombeau de Ḥasan al-Baṣrī à Bassora, le palais de Lū’lū, en ruine, et la Grande Mosquée à Mossoul, maintes autres œuvres à Sindjār ou Takrīt (mausolée des Arba‘īn, restauré depuis peu).
Dans ces années privilégiées, un même talent anime dinandiers, bronziers, céramistes (école de Raqqa, aujourd’hui en Syrie) et peintres. À ceux-ci, dits un peu arbitrairement membres de l’école de Bagdad ou de l’école arabe, on doit l’apport le plus précieux, l’essor remarquable de la miniature* : premières scènes de genre, peintes avec grande liberté et fantaisie, mais non sans souci du détail réaliste. L’invasion mongole (prise de Bagdad en 1258) marque la fin de cette grande culture. Le génie créateur irakien se dégrade lentement, tandis que croît l’influence des civilisations turque et iranienne. L’Iraq, tiraillé entre les deux États voisins et rivaux, construira des édifices ottomans quand il tournera ses regards vers Constantinople ; plus souvent des édifices iraniens quand il dépendra d’Ispahan : les grands sanctuaires de Nadjaf ou de Karbalā’ et les plus brillants monuments de la capitale relèvent entièrement de l’art persan.
J.-P. R.
➙ ‘Abbāssides / Islām.
F. Sarre et E. Herzfeld, Archäologische Reise im Euphrat und Tigrisgebiet (Berlin, 1910-1920) ; Die Ausgrabungen von Samarra (Berlin, 1923-1948 ; 6 vol.). / K. A. C. Creswell, Early Muslim Architecture, vol. I (Oxford, 1932 ; 2e éd., 1969).