Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

Anciens et des Modernes (querelle des) (suite)

La querelle de l’harmonie

Elle paraît prendre forme vers 1709, date d’un Discours de La Motte sur la poésie. Les Modernes, au nom de la raison, proclament la supériorité de la prose sur la poésie, le pouvoir expressif des sons et du nombre étant nié ou déprécié. Long débat qui intéressera particulièrement le théâtre : possibilité d’une tragédie en prose, prééminence de la représentation sur le texte théâtral.


La querelle d’Homère

En 1714, La Motte, qui ignore le grec, publie une Iliade en vers français, réduite de vingt-quatre à douze chants et purgée de la grossièreté des premiers âges. Riposte très polémique de Mme Dacier, savante traductrice d’Homère. Par contraste, la courtoisie que La Motte met dans sa réplique est remarquée.


La querelle néologique

Sous le nom de néologie, les Anciens attaquent dans les années 20 les audaces de style qui perpétuaient chez La Motte, Fontenelle et leurs amis une variété de préciosité ; Marivaux est une de leur cibles, qui ne craint pas d’affirmer que des pensées neuves demandent un langage nouveau.


Intérêt historique de la querelle

On s’accorde à penser que le motif central de la querelle est le type du problème mal posé. L’intérêt historique de la querelle tient d’abord à ce qu’elle dénote la fragilité interne de la doctrine classique. Celle-ci ne pouvait pas concilier longtemps une inspiration rationaliste avec la vénération des Anciens. Ensuite, la querelle fait apercevoir une dualité idéologique profonde, car aux oppositions d’ordre littéraire qui ont fourni leur étiquette aux deux partis, on en voit s’ajouter de différents ordres, qui se superposent aux premières. Intellectuellement, les Anciens s’opposent aux Modernes comme des humanistes à des scientifiques. Sur le plan philosophique, si un certain rationalisme est commun aux deux partis, les Modernes ont en propre la hardiesse avec laquelle ils critiquent l’autorité ; et ils formulent l’idée de progrès en véritables devanciers des philosophes. On remarque aussi que si les Anciens sont des cartésiens, leurs adversaires sont sensibles à l’influence de Malebranche. En religion, coïncidence à peu près sans faille entre l’appartenance ancienne et des penchants jansénistes ou du moins gallicans ; symétriquement, connivence certaine entre Jésuites et Modernes. Du point de vue moral, les Anciens ont le goût du sérieux et se scandalisent volontiers. L’enjouement, la mondanité, l’indulgence, la courtoisie à l’égard de l’adversaire sont des valeurs dont les Modernes sont unanimes à se réclamer. Celles-ci sont bien illustrées par le Mercure galant, mensuel littéraire à l’usage des gens du monde, qui appartient au parti moderne. À l’égard des femmes, l’opposition des deux partis fut aussi significative. Les Modernes furent leurs partisans décidés. Derrière un « art poétique » se profilait une certaine idée de l’homme.

J.-P. K.

 A. Adam, Histoire de la littérature française au xviie s. (Domat, 1949-1956 ; 5 vol.). / F. Deloffre, Marivaux et le marivaudage (Les Belles Lettres, 1955). / R. Bray, la Formation de la doctrine classique en France (Nizet, 1956). / P. Clarac, Boileau (Hatier, 1965).

Andalousie

En esp. Andalucía, région de l’Espagne méridionale.


L’Andalousie est un ensemble de huit provinces (Almería, Cadix, Cordoue, Grenade, Huelva, Jaén, Málaga et Séville ; 87 000 km2 ; 5 971 000 hab. [Andalous]), doué d’une forte originalité. Tous les voyageurs ont décrit ses paysages riants, la douceur de son climat, les splendeurs de son passé prestigieux, la chaleur de son peuple, dont les chants et les danses ont conquis une place de choix dans le folklore mondial. Pourtant, si enchanteresse qu’elle paraisse, cette région est l’une des plus pauvres d’Espagne : une masse misérable de journaliers agricoles se dispute le travail de la terre, qui appartient à une minorité de grands propriétaires ; le chômage est chronique ; les grèves et les révoltes jalonnent son histoire.


Les ensembles régionaux


Le bassin du Guadalquivir

Vaste dépression triangulaire s’ouvrant sur l’Atlantique, barrée au nord par la sombre masse de la sierra Morena et dominée au sud par les falaises calcaires blanchâtres des premiers contreforts des cordillères Bétiques, le bassin du Guadalquivir constitue le cœur de l’Andalousie. Les sédiments essentiellement marneux qui s’y sont accumulés au Tertiaire ont été modelés en un fouillis de collines que dominent la Loma d’Ubeda à l’est et les Alcores et l’Aljarafe aux abords de Séville. Repoussé vers le nord, le Guadalquivir étale sur sa rive gauche des niveaux de terrasses étagées. L’ouverture sur l’Atlantique facilite la pénétration des influences océaniques : si l’été est sec et torride (maximums supérieurs à 45 °C), pendant le tiède hiver les perturbations remontent la vallée et déversent des pluies non négligeables (600 mm dans la région cordouane).

Aussi, la mise en valeur de cette région fut-elle précoce. Dès l’époque romaine, les traits essentiels de la vie rurale étaient acquis : blé et olivier se partageaient le sol. L’olivier occupe les sols bien drainés (terrasses, Alcores, Aljarafe, piémont des cordillères Bétiques), et le blé les terres lourdes, les plus fertiles. Près de Montilla, les sols calcaires sont plantés de vigne. Récemment on pratiquait encore le système triennal traditionnel : un an de blé, un an de jachère herbeuse, un an de jachère labourée, même sur les plus riches sols. En effet, la terre, accaparée par de grands propriétaires (les propriétés de plus de 250 ha couvrent plus de 43 p. 100 de la surface du sol dans la province de Séville), était essentiellement destinée à un élevage extensif de bovins ; les élevages de taureaux de combat sur les basses terres qui bordent le Guadalquivir sont un héritage de cette forme d’exploitation, qui continue à dominer dans la sierra Morena, où près de la moitié de la surface des grands domaines sont des pacages et des friches. Pourtant, la petite propriété n’est pas absente : elle se partage les terres bien cultivées et finement parcellées qui ceinturent les gros villages ; elle contraste avec les immenses pièces de culture de la campiña, piquetée d’haciendas, qui se signalent de loin par la tour de leur ancien pressoir à huile, et de cortijos, regroupant autour d’une cour fermée l’habitation et les bâtiments d’exploitation.