Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

Ancien Empire (suite)

Les pays étrangers (khasout) la politique extérieure

Pays jouxtant l’Asie, tendu de l’Afrique à la future Europe, l’Égypte de l’Ancien Empire n’avait pas de frontières politiques, mais des frontières naturelles : la mer Méditerranée, une zone de déserts à l’est et à l’ouest, les cataractes du Nil au sud (peu à peu franchies).

La civilisation impériale (mais non encore impérialiste) a une double vocation, comme ses terres : l’agriculture, la plus ancienne, mais aussi le commerce et les échanges, vers lesquels l’attirent les villes de la côte depuis les débuts de l’histoire.

L’armée, formée alors de milices locales recrutées selon les besoins par les monarques et placées sous leur contrôle (mis à part le petit corps de police permanent directement rattaché à l’autorité royale), était un moyen d’expéditions commerciales beaucoup plus que de conquêtes : infanterie essentiellement, armée de la fronde et de l’arc.

Pour les rois de l’Ancien Empire, qui voulaient seulement accroître leurs ressources par le commerce, trois directions essentielles :
— Vers le sud, la Nubie, en quête d’or et de pierres précieuses, de plumes d’autruche, d’ivoire et d’ébène ; sous le roi Djer (Ire dynastie), il semble que des expéditions égyptiennes aient atteint la deuxième cataracte (Ouadi-Halfa) ; le long des pistes, des graffiti témoignent de ces marches. Sous la Ve dynastie, ce point fut même dépassé ;
— À l’est, vers le Sinaï et le pays de Pount (Somalie) par la mer Rouge ; le roi Snefrou (IVe dynastie), le premier, semble-t-il, envoya d’importantes missions royales vers les mines de cuivre. Des allusions, dans les textes, à des expéditions vers Pount, riche en produits précieux : myrrhe, électrum, encens ;
— Au nord-est, il semble que, dès la Ve dynastie, Byblos, le grand port phénicien, reconnut la suzeraineté de l’Égypte ; le roi Ounas est représenté en effet, dans le temple de la ville, embrassé par la « Dame de Byblos », figurée comme une déesse Hathor ; et le plus ancien acte de Byblos connu est écrit en hiéroglyphes. Cette intervention est évidemment dictée par des motifs économiques (assurer un débouché précieux aux villes du Delta), certainement plus importants encore, à cette époque, que l’intérêt militaire et politique qu’avait l’Égypte à surveiller ses accès asiatiques. Il semble que la Ve dynastie ait également étendu le protectorat pharaonique sur l’intérieur du pays ; les bas-reliefs de la tombe d’Inti à Dechacheh content l’expédition qui amena la prise de la ville de Nedia sur le territoire de la future Palestine (la Palestine existe à partir de la XIXe dynastie égyptienne [Nouvel Empire]) : une garnison égyptienne y fut vraisemblablement installée pour assurer la garde de l’importante voie commerciale qui reliait la côte « syrienne » à la mer Rouge et à l’Arabie. Il faut noter qu’Inti avait avec lui des alliés bédouins : ce qui semblerait prouver que les régions limitrophes de l’Égypte, du côté de l’Arabie, vivaient déjà sous une sorte de protectorat égyptien.

Il est également vraisemblable que les Égyptiens, à la fin de l’Ancien Empire, ont été en rapport avec la Crète par l’intermédiaire de Byblos.

Ces diverses opérations relèvent moins d’une politique concertée de conquêtes que de la mise en place d’une économie d’État et de la protection de ses intérêts. Mais les directions de la politique extérieure traditionnelle de l’Égypte sont données.


Le déclin de l’Ancien Empire (jusqu’en 2263)

Le début de la VIe dynastie (règnes de Teti, de Pepi Ier) demeure dans la tradition. Pepi Ier (cinquante ans de règne) semble avoir été un souverain énergique et un grand bâtisseur. Son fils aîné, Merenrê, étant mort cinq ans après son accession au trône, le frère cadet, Pepi II, lui succède vers 2370 : le souverain a alors six ans et il va régner quatre-vingt-dix ans (c’est le plus long règne connu de l’histoire). Dès lors, tous les éléments en puissance susceptibles de saper l’institution pharaonique se précisent ; le trop long règne de Pepi II, souverain faible, précipite la décadence.

Les cadres de l’État sont peu à peu accaparés par une oligarchie qui va étouffer le système monarchique ; gouverneurs de province et dignitaires mènent les affaires d’une manière de plus en plus consciente et décidée, ont leur cour personnelle et sont comblés d’honneurs. À Ouni, déjà chargé de dignités palatines, religieuses et judiciaires, est confié le pouvoir militaire suprême, puis la charge nouvelle de « gouverneur du Sud » (dernier soubresaut du pouvoir royal : le roi donne à un dignitaire favori le soin de surveiller les administrateurs provinciaux éloignés). Terme de l’évolution : la fonction devient héréditaire, consacrant l’ambition de grandes familles.

À cela s’ajoutent des forces d’opposition venues des classes les plus humbles : de larges couches populaires prétendent aux richesses et à la propriété, et engendrent à la fin de la VIe dynastie une révolution sociale. Crise politique, crise économique, crise morale aussi de l’homme isolé, angoissé, privé soudain de la sécurité des habitudes sociales traditionnelles — « Voyez, celui qui ne pouvait construire pour lui une barque est propriétaire de bateaux, celui qui en avait les regarde : ils ne sont plus à lui. Voyez, celui qui ignorait la cithare possède une harpe. Voyez, la femme qui mirait son visage dans l’eau possède un miroir de bronze. Toute bonne chose a disparu ; il ne reste pas le noir de l’ongle. La terre tourne comme le tour du potier. » (Lamentations d’Ipou-our.)

C’est une double prise de conscience : historique, individuelle. Et la nostalgie du royaume tranquille et de la vie d’autrefois renaît : « Cela est bon quand les navires remontent le courant. Cela est bon quand le filet est tendu et les oiseaux soudain pris. Cela est bon quand les mains des hommes élèvent des pyramides, et creusent des étangs, et plantent des arbres pour les dieux. Cela est bon quand les hommes sont ivres et quand ils boivent le cœur joyeux. Cela est bon quand la joie est dans chaque bouche et que les chefs des nomes, de leurs maisons, contemplent ces réjouissances, vêtus de fine étoffe. » (Lamentations d’Ipou-our.)

Après les troubles de la première période intermédiaire, des rois viendront du sud, et la monarchie renaîtra avec le Moyen Empire.

C. L.

➙ Égypte / Moyen Empire / Nouvel Empire.