Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
I

Inde (suite)

Le village indien comporte souvent une caste paysanne « dominante », dominante par ses effectifs ou par sa position dans le système de pouvoir et de décision. Cette caste est, en général, complétée par des représentants de castes spécialisées, soit très « pures » de brahmanes, aux fonctions sacerdotales et bureaucratiques, soit très impures, au contraire, dont les membres se livrent aux occupations les plus polluantes : travail du cuir, nettoyage du village, lavage du linge. Les gens de basse caste sont ainsi, dans les régions les plus traditionalistes, indispensables à la vie du village, puisque nul ne peut les remplacer dans leur spécialité.

Les villages indiens sont souvent des communautés organisées, qui ont eu au cours de l’histoire une stabilité qu’on a peut-être exagérée, mais réelle. Les rôles sont fixés et complémentaires ; le conseil de la caste dominante prend souvent des décisions qui ont une influence sur l’ensemble du village. Pendant longtemps, certains villages ont été solidaires pour le paiement de l’impôt. Mais il y avait une différence essentielle à cet égard entre les régions de système zamīndārī et celles de système raiyatvārī.

À peu près le cinquième de la population indienne vit dans des villes : proportion faible, mais qui représente tout de même plus de 100 millions de personnes. Les villes sont très largement des centres de service pour les campagnes, et la plupart d’entre elles ont des fonctions variées. En 1961, on comptait 2 462 villes de plus de 5 000 habitants ; 37 p. 100 avaient des activités très diversifiées, et 34 p. 100 étaient spécialisées dans les services ; seules les 39 p. 100 de villes restantes avaient une spécialisation industrielle assez nette. On comprend donc que la répartition des villes soit, dans l’ensemble, assez peu différente de celle de la population et soit donc liée indirectement à la productivité de l’agriculture. Une urbanisation plus accentuée autour des métropoles comme Delhi, Madras, Bombay et Calcutta est la seule exception importante à cette règle.

Les petites villes de l’Inde sont en général simples. Un centre traditionnel est occupé par des maisons qui évoquent celles des campagnes environnantes, mais les boutiques y foisonnent, et les constructions sont parfois un peu plus hautes que dans les campagnes, où les maisons à étages sont généralement rares. Même dans ces petites villes on rencontre souvent des quartiers administratifs hérités de la période anglaise, avec leurs bungalows désuets, et des quartiers résidentiels modernes spécialisés, avec leurs villas récentes habitées par les embryons de classe moyenne.

Les grandes agglomérations sont évidemment beaucoup plus complexes, et l’on peut y recenser une grande variété de quartiers. Le quartier indien traditionnel est composé de maisons à un ou à deux étages (plus dans les grandes villes), avec beaucoup de constructions en bois appliqué contre les façades (balcons et vérandas). La fonction est résidentielle, mais aussi commerciale, et il y a un très grand nombre de petits ateliers. Cette ville traditionnelle est maintenant souvent surpeuplée. On y trouve une ségrégation des quartiers selon la caste.

Le district d’affaires central a deux aspects : constructions néo-classiques ou néo-gothiques de l’époque victorienne ; grands immeubles modernes, qui font une apparition tardive, mais impressionnante dans les métropoles.

Les quartiers résidentiels centraux sont des quartiers de résidence riche placés près du centre d’affaires. Certains ont un aspect assez désuet, comme celui de Colaba à Bombay, et reculent souvent devant la progression du centre d’affaires. Des immeubles modernes y poussent très vite maintenant, comme dans le « Malabār Hill » de Bombay, où des collectifs de luxe remplacent beaucoup de villas de l’époque britannique. Les cantonnements sont les vieux quartiers britanniques, en général périphériques, très desserrés, peu densément peuplés. La forme dominante d’habitat est le bungalow sans étage, à grande véranda, maintenant d’un aspect désuet. Ces cantonnements sont habités par des fonctionnaires, et l’on y trouve quelques hôtels et de rares commerces. Dans les villes moyennes, le cantonnement et ses abords peuvent jouer le rôle de quartier d’affaires.

Les quartiers industriels anciens sont représentés dans les villes industrielles anciennes, grandes ou moyennes. Ils associent les vieilles usines et des habitations ouvrières très dégradées et surpeuplées. Les exemples les plus importants sont fournis par le groupe de Parel à Bombay ou par la ville d’Howrah, jumelle de Calcutta.

Les Indiens de classe riche ou moyenne se logent maintenant fréquemment dans des quartiers nouveaux très desserrés, avec villas et jardins, et dans quelques collectifs.

Sur les périphéries des villes, on rencontre de plus en plus des ensembles d’usines modernes et des « cités », habitats collectifs pour classes moyennes ou ouvriers. On les désigne sous le nom de colonies.

Enfin, il existe dans presque toutes les villes des agglomérations de huttes précaires, en pisé, couvertes de matériaux de fortune. Ces huttes se trouvent jusque dans les centres des villes, sur tous les terrains disponibles, et sur les périphéries. Il y a donc en Inde deux types de « taudis » urbains : les vieux logements surpeuplés et les huttes. Tous offrent des exemples tragiques d’extrême misère, de sous-équipement et de surpeuplement.


Les groupes humains dans l’espace

La société indienne est, on le sait, profondément segmentée. On insistera ici sur l’expression spatiale de cette segmentation.

Il existe d’abord une série de groupes linguistiques. Une opposition de base sépare les régions de langue dravidienne et celles de langues indoeuropéennes. La limite passe à travers la péninsule et exprime l’éloignement du Sud par rapport aux grandes routes d’invasion qui ont été suivies par des populations venues du Nord-Ouest ; aryens d’abord, qui ont apporté avec eux quelques-unes des notions fondamentales de la civilisation hindoue, puis musulmans, qui ont profondément marqué l’Inde du Nord, mais qui ont peu influencé l’Inde du Sud, même lorsqu’ils ont pu y exercer une domination politique. Cette opposition est encore très visible à l’observation superficielle, non seulement à cause de la différence entre les alphabets dérivés du sanskrit et ceux des langues dravidiennes, mais aussi en raison de la marque musulmane sur les styles architecturaux du Nord. Actuellement, il y a un problème grave qui individualise les Indiens du Sud. Ceux-ci refusent l’adoption de l’hindī comme langue officielle et défendent l’anglais.