Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
I

Inde (suite)

Chacun de ces grands groupes linguistiques est, à son tour, fragmenté en une série d’unités plus petites. Les langues indo-européennes se sont, en effet, différenciées à partir du sanskrit, et les langues dravidiennes sont diverses (il y en a au moins quatre principales). Ces groupes linguistiques plus petits expriment souvent une longue histoire, histoire d’unités politiques qui se sont maintenues pendant des siècles autour de quelques noyaux en nombre limité, en dépit des grandes constructions politiques qui les ont parfois englobées et des variations de leurs limites. Tant et si bien que, depuis l’indépendance, sous la pression parfois violente de ces groupes, dont on se demande s’ils ne tendent pas à constituer des entités quasi nationales, la carte politique de l’Inde a été redessinée en fonction de ces groupes linguistiques. C’est là l’origine des États de la fédération, dont l’importance ne saurait être surestimée. Ces États possèdent une autonomie certaine des pouvoirs de décision, surtout en matière économique. Aussi toute description de l’espace doit-elle tenir compte de la division en États, dont chacun fait l’objet d’un article, et c’est en s’y reportant que l’on trouvera une description détaillée des régions de l’Inde.

Un autre groupe joue un rôle très important : c’est la caste. On sait que la société indienne comporte une hiérarchie de groupes endogames, caractérisés par leur degré de pureté et une spécialisation professionnelle, au moins théorique. Il y a plusieurs milliers de castes, ou jāti. La jāti se marque d’abord dans la ségrégation de l’habitat, encore générale dans les villages et dans les quartiers traditionnels des villes. Certaines castes peuvent dominer dans un groupe de villages contigus et définir ainsi de petites régions. Celles-ci sont d’autant plus significatives que le comportement économique des jāti peut différer sensiblement, si bien que l’on rencontre parfois des systèmes de production différents dans des régions voisines et des milieux analogues suivant les traditions et les habitudes des sous-castes dominantes. Enfin, à l’échelle de l’Inde entière, les castes jouent un rôle important dans les mécanismes de la décision, la vie politique et le comportement économique étant largement influencés par les appartenances de caste.

Il existe encore d’autres communautés dont la signification est certaine. En particulier, les plus anciens habitants de l’Inde sont organisés en tribus et pratiquent des religions non hindoues. Ces « populations tribales », comme on les appelle couramment, sont particulièrement nombreuses dans certaines régions, où elles ont été refoulées. C’est le cas notamment du nord-est de la péninsule et de certaines parties des Ghāts de l’Ouest. Ces populations pratiquent encore de nos jours des systèmes de culture très extensifs, du type culture à longue jachère avec retour à la végétation naturelle entre deux phases de cultures. Ces groupes marquent ainsi profondément l’espace qu’ils occupent.

Enfin, la géographie religieuse du monde indien est complexe. Les religions minoritaires ont souvent fourni des groupes actifs, qui agissent bien au-delà des limites de leur région d’origine : c’est le cas des sikhs du Pendjab ou des pārsī de Bombay, ou encore des jaina du Gujerat. On sait que la religion a été à l’origine du partage du monde indien et de migrations massives de population.


Structures régionales

Un certain nombre de groupements de plus grande ampleur que les États peuvent être opérés : oppositions physiques entre montagnes du Nord, plaine du Gange, péninsule et plaines bordières, entre Inde humide et Inde sèche ; oppositions de civilisation entre Inde du Sud, profondément hindoue, et Inde du Nord, ouverte depuis longtemps aux influences extérieures, véritable carrefour de civilisations et centre d’Empire, entre Inde hindoue et Inde « tribale » ; opposition économique entre les régions organisées à partir des métropoles et celles qui constituent des espaces plus amorphes, entre les régions relativement « dynamiques » (le Pendjab, la région de Bombay, l’Inde du Sud), les régions de statut économique moyen (le plateau central et le centre de la plaine), les régions de milieu difficile et peu peuplé (le Nord-Ouest et la bande qui s’étend entre les Arāvalli et le Chotā Nāgpur) et les régions en difficulté (Calcutta et ses environs, la basse plaine du Gange et le delta de la Mahānadi). Finalement, une combinaison de ces critères permet de grouper les États en grands ensembles :
— États de la Plaine du Nord, empiétant sur l’Himālaya, assez prospères et très peuplés : Pendjab, Haryana et Uttar Pradesh ;
— États organisés autour de Calcutta, peuplés, actifs, mais où l’activité économique n’est pas à la mesure de la pression de la population : Bengale-Occidental, Bihār et Orissa ;
— États isolés du nord-est du monde indien : Assam, Manipur, Tripura, Meghalaya ;
— États des régions difficiles à mettre en valeur à cause de la nature physique, constituant l’Inde centrale : Rājasthān, Madhya Pradesh ;
— États organisés autour de Bombay, qui contiennent la grande unité naturelle (plateau des laves) et culturelle (peuplement mahratte) : Gujerat et Mahārāshtra ;
— États, enfin, de l’Inde du Sud, variés, complexes, mais unifiés par les parlers dravidiens, une certaine ouverture à la modernisation, l’influence de Madras.

La diversité de l’espace indien et des groupes qui l’occupent est évidemment forte. Qu’y a-t-il d’étonnant si l’on songe qu’il s’agit d’une aire grande comme l’Europe (moins l’U. R. S. S.) et aussi peuplée qu’elle ? Ce qui est au contraire frappant, c’est qu’il y ait une réelle unité de cet ensemble immense, l’une des plus grandes unités culturelles du monde.

F. D.-D.

➙ Andhra Pradesh / Assam / Bénarès / Bengale / Bihār / Bombay / Cachemire / Calcutta / Deccan / Delhi / Gange / Gujerat / Haryana / Himālaya / Hyderābād / Inde / Indus / Kerala / Madhya Pradesh / Madras / Mahārāshtra / Mysore / Orissa / Pendjab / Rājasthān / Tamilnad / Uttar Pradesh.